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Les niveaux d’eau extrêmes peuvent engendrer des inondations côtières de différentes manières. Dans la littérature, il est possible de discerner trois « modes » de submersions. Une zone basse peut être submergée par franchissement, par

débordement ou par rupture d’un cordon naturel ou d’un ouvrage de protection

(Besson, 1991 ; Garry et al., 1997 ; Reeve et Burgess, 1993 ; Perherin et Roche, 2010). Le terme « cordon naturel » désigne tous les édifices morphologiques tel que les cordons dunaires et les cordons de galet. Les ouvrages de protection désignent toutes les structures construites par l’homme dans le but de protéger les zones basses de la mer, comme les levées, les perrés ou encore les digues.

2.1.1. Submersion par franchissement

Ce mode de submersion, nommé wave overtopping en anglais, concerne toutes les inondations provoquées par le franchissement des vagues au-dessus de cordons naturels ou d’ouvrages de protection. Dans ce type de submersion, seule l’élévation du jet de rive est supérieure au sommet du cordon ou à la côte d’arase de l’ouvrage, et peut engendrer l’inondation de la zone basse située en arrière (fig. 8 et photo 2). L’énergie des vagues, le profil topographique de la plage et le cas échéant la forme de l’ouvrage, déterminent la hauteur du runup, donc l’importance du franchissement. En outre, la direction et la force du vent influent sur le jet de rive et les projections d’eau, en favorisant leur franchissement lorsque le vent souffle de la mer vers la terre, et inversement (De Rouck et al., 2005 ; Gonzalez-Escriva et al., 2004 ; Kamikubo, 2006 ; Wolters et van Gent, 2007) (fig. 8).

Fig. 8. Représentations schématiques de submersions générées par franchissement, à gauche sur un cordon dunaire, à droite sur un perré.

Photo 2. Phénomène de franchissement d’un ouvrage de protection à Moa Point Road, Liall Bay, Wellington, Nouvelle Zélande, 1972.

Les phénomènes de franchissement ont généralement un impact sur la morphologie des cordons naturels. Si l’on s’en tient à la typologie élaborée par A.H. Sallenger en 2000, la réponse morphologique sur les cordons littoraux de type île barrière correspond à un écrêtement (Overwash regime) de la partie sommitale du cordon (fig. 9).

Sur les cordons de galets, les phénomènes de franchissement provoquent soit un exhaussement de la partie sommitale du cordon si la hauteur atteinte par le jet de rive est égale à la côte d’arase du cordon (overtopping), soit un abaissement de la crête si la hauteur du jet de rive est supérieure à celle de la crête (discrete overwash)

(Orford et al., 1991 ; Donnely et al., 2006) (fig. 9). Il est important de considérer ces processus morphologiques comme dynamiques. Lorsque la crête d’un cordon de galet est abaissée lors d’un phénomène d’overwash, les phénomènes de franchissement deviennent plus importants. À l’inverse, l’exhaussement de la crête d’un cordon de galet provoqué par un phénomène d’overtopping, réduira les phénomènes de franchissement.

Fig. 9. Typologies des niveaux de submersion et des réponses morphologiques associées sur les cordons dunaires de type île barrière d’après les travaux de Sallenger (2000) et sur les cordons de galets d’après les travaux de Orford et al. (1991).

Les phénomènes de franchissement peuvent également engendrer des dégâts sur les ouvrages de protection, tel que des affouillements, des infiltrations ou des fissurations (van Gent, 2002). Depuis quelques années, plusieurs modèles ont été élaborés afin d’estimer les débits de franchissement au-dessus de ces structures de défense côtière (Owen, 1980 ; van der Meer et Jansen, 1995 ; Hedges et Reis, 1998). Tous ces modèles prennent en considération un certain nombre de paramètres, tels que la houle (hauteur, période et direction), la pente de la plage et de l’ouvrage, la côte d’arase de l’ouvrage et la porosité de ce dernier. Ces modèles ont été exclusivement adaptés aux ouvrages d’ingénierie civile (Hughes et Nadal, 2009 ; Peeters et al., 2009) mais n’ont jamais été testés sur des cordons naturels.

2.1.2. Submersion par débordement

Les inondations par débordement ont lieu lorsque le niveau d’eau est supérieur à la côte d’arase d’un ouvrage ou au sommet d’un cordon naturel (fig. 10 et photo 3). Souvent, ce type de submersion a lieu dans des zones abritées comme les estuaires ou les ports. Dans ces zones situées à l’abri de l’agitation marine, les côtes d’arase des ouvrages de protection et les altitudes des cordons sont souvent plus basses que sur les littoraux exposés. Cependant, dans ces zones protégées les surcotes peuvent être plus importantes à cause des phénomènes de « concentration » de l’onde de tempête. En outre, les mouvements de seiches dans la plupart des ports peuvent engendrer des élévations du niveau d'eau d'amplitude métrique, en quelques minutes et ainsi contribuer de façon significative aux phénomènes de débordement (Okihiro et al., 1993).

Fig. 10. Représentations schématiques d’une submersion générée par débordement. Le niveau d’eau est supérieur au perré.

Photo 3. Phénomène de débordement en zone d’abri. Le Tour-du-Parc (Castel), le 9 février 2009 (source: DDTM 56).

Les phénomènes de débordements peuvent être également observés sur des milieux exposés à l’agitation marine, lorsque le niveau atteint par le setup est supérieur au sommet du cordon littoral ou à la côte d’arase de l’ouvrage côtier. Ce type de submersion s’est par exemple produit lors du passage de l’ouragan Katrina dans le sud-est des Etats-Unis, le 29 août 2005 (Hugues et Nadal, 2009) (photo 4).

En milieu exposé à l’agitation marine, les débordements entraînent généralement un transfert de sédiments sur le revers des cordons naturels, un recul de l’ensemble du cordon et parfois une rupture de l’édifice sédimentaire (Orford et al., 1991 ; Carter et Orford, 1993 ; Roy et al., 1994 ; Orford et al., 1995 ; Sallenger, 2000) (fig. 9). Sur les ouvrages de protection, les débordements en milieu exposé à l’agitation marine peuvent engendrer l’endommagement ou la rupture des structures (van Gent, 2002).

Photo 4. Phénomène de débordement durant le passage de l’ouragan Katrina, le 29 aout 2005, dans la baie de Saint-Louis, Nouvelle-Orléans. Quelques minutes après le débordement observé sur ce cliché, l’ouvrage de défense a rompu (photo : Don McClosky).

2.1.3. Submersion générée par la rupture d’un cordon naturel ou d’un ouvrage de protection

L’attaque de la mer durant une tempête peut rompre un cordon naturel ou un ouvrage de protection (fig. 11 et photo 5). L’eau peut alors s’engouffrer dans la brèche et envahir très rapidement la zone basse située en arrière (Pye et Neal, 1994 ; Visser, 1998). Comme nous l’avons expliqué précédemment, un phénomène de débordement peut également entraîner la destruction complète d’un cordon ou d’un ouvrage. Sur les cordons, ce phénomène a été nommé « barrier overtopping » par S.P. Leatherman (1983) et C. Donnely et al. (2006) et correspond au stade « inondation regime » dans la typologie de A.H. Sallenger (2000) et au stade « barrier dislocation » dans la typologie de J.D. Orford et al. (1991) (fig. 9).

Les submersions par rupture d’un cordon ou d’un ouvrage sont celles qui engendrent le plus dégâts et de pertes humaines, car elles sont rapides et peuvent inonder de vastes zones. Ces phénomènes ont été observés lors des submersions provoquées par l’ouragan Katrina le 29 août 2005 au sud-est des Etats-Unis et pendant les inondations engendrées par le passage de la tempête Xynthia sur les côtes de Vendée et de Charente les 27 et 28 février 2010.

Fig. 11. Représentations schématiques d’une submersion générée par l’ouverture d’une brèche et par la rupture totale d’un cordon dunaire (Barrier dislocation).

Photo 5. A : Ouverture de brèches dans un cordon dunaire à South Bethany, côte du Delaware aux Etats-Unis, le 13 novembre 2009 (source : site internet de l’état du Delaware7) ; B : Brèche ouverte dans une digue à l’Ile de Ré, après le passage de la tempête Xynthia (source : Le Figaro, le 01/03/2010).

La morphologie pré-tempête des cordons littoraux et du haut de plage est déterminante lors des processus d’ouverture de brèches. Les cordons sont plus

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exposés lorsqu’ils sont étroits, peu élevé et quand le haut de plage se trouve démaigri et abaissé. En effet, le jet de rive peut atteindre et attaquer plus souvent le pied de dune quand ce dernier se situe plus bas en altitude (Hesp, 1988, 2002 ; Psuty, 1988 ; Kraus et Wamsley, 2003 ; Ruz et Meur-Férec, 2004).

Plusieurs études ont montré que la bathymétrie de l’avant côte joue également un rôle dans la localisation des brèches (Demarest et Leatherman, 1985; Kraft et al., 1987; Pilkey et al., 1993; Riggs et al., 1995; Schwab et al., 2000; McNinch, 2004; Browder et McNinch, 2006; Schupp et al., 2006; Stockdon et al., 2007). La diffraction de la houle générée par la présence de hauts fonds peut, par exemple, conduire à des phénomènes de concentration de l’énergie des vagues en des points précis du littoral, appelés « points faibles » (Hot spot dans la littérature anglo-saxonne). Ces points faibles sont donc plus exposés à l’érosion et à l’ouverture de brèches (Carter et Orford, 1981 ; O'Reilly et Guza, 1993; Bender et Dean, 2003; Regnault et al., 2004; Schupp et al., 2006 ; Stéphan, 2008).