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Discussion sur l’analyse des submersions passées et sur l’évolution des situations atmosphériques à risque

Partie 2. Les submersions marines en Bretagne : des évènements passés à l’épisode du 10 mars 2008

1.3. Discussion sur l’analyse des submersions passées et sur l’évolution des situations atmosphériques à risque

Le recensement et l’analyse des submersions passées en Bretagne ont montré que, depuis 1960, 75 % des inondations par la mer ont été générées par des phénomènes de franchissement. Ce constat signifie que le runup est l’élément déterminant dans les trois-quarts des submersions en Bretagne. Pour autant, ce paramètre n’est pas considéré dans l’évaluation du risque de submersion en France (Garry et al., 1997). Ce résultat révèle également l’importance de connaître la côte

d’arase des ouvrages de protection. Une étude est actuellement en cours en Bretagne sur ce sujet (étude Cetmef). Ce travail a également montré que les submersions ayant engendré le plus de dégâts, ont été générées par l’ouverture d’une ou de plusieurs brèches. On peut donc conclure que le pire scénario envisageable sur un site soumis à l’aléa de submersion serait une inondation par l’ouverture d’une brèche.

L’analyse des conditions synoptiques à partir des évènements de submersions passés s’est avérée être nécessaire pour comprendre les processus atmosphériques à l’origine des phénomènes de submersion marine. La position du centre dépressionnaire et le gradient de pression associé au moment des pleines mers ont un rôle déterminant dans la localisation et l’intensité des submersions. Cette démarche présente néanmoins une limite liée à la précision temporelle des cartes synoptiques utilisées, qui ont - au mieux - un pas de temps de 6 h. Cette résolution temporelle permet difficilement de percevoir certains types de tempête - tempêtes « explosives » - qui se creuse très rapidement. C’est le cas notamment de la tempête du 15 octobre 1987.

L’étude de l’évolution des forts gradients de pression révèle une légère augmentation du phénomène depuis 50 ans, si l’on considère toutes les directions confondues (fig. 52). Cette augmentation concerne surtout les situations à fort gradient de sud-ouest, qui représentent 75 % des situations à fort gradient et qui ont engendré au moins 55 % des submersions marines en Bretagne depuis 1960. Ces résultats diffèrent avec les résultats obtenus par N.L. Betts et al. (2004) et G.J. McCabe et al. (2001), qui indiquaient respectivement une absence de tendance et une baisse du nombre de tempêtes en Atlantique nord, sur des périodes similaires (respectivement 1950-1992 et 1957-2002). Néanmoins, l’étude de l’évolution des forts gradients semble confirmer l’alternance de cycles morphogènes et non-morphogènes décrite sur les côtes du nord-ouest de la France par certains auteurs (Caspar et Poullain, 1996 ; Costa, 1997 ; Hallégouët et Hénaff, 2006 ; Fichaut et Suanez, 2008b ; Stéphan, 2008 ; Suanez, 2009 ; Suanez et Stéphan, à paraître ; Suanez et al., à paraître). Si l’on considère la moyenne mobile sur 10 ans de l’évolution du nombre de situations à fort gradient de pression, toutes directions confondues (sud-ouest, nord-ouest et nord-est), on constate que trois phases se sont succédées durant la période 1960-2009 (fig. 52). De 1960 à 1976 le nombre de situations à fort gradient reste stable. De 1976 à 1987, on constate un renforcement

du nombre de situations à fort gradient. De 1987 à 2009, le nombre de situations se stabilise. Les variations récentes ne sont visibles que si l’on considère la courbe du nombre de situations à fort gradient (fig. 52). Entre 1997 et 2002, on remarque une période tempétueuse suivie par une période de « calme » entre 2002 et 2007, succession déjà décrite dans de nombreuses études (Hallégouët et Hénaff, 2006 ; Suanez, 2009 ; Suanez et Stéphan, à paraître). La période de renforcement depuis 2007, suggérée par S. Suanez (2009), Suanez et Stéphan (à paraître) et S. Suanez et al. (à paraître), est également visible. Si certaines phases semblent concorder, la comparaison entre l’évolution des forts gradients de pression et l’alternance de phases morphogènes et non morphogènes, est un exercice difficile qui peut être remis en question. En effet, S. Suanez (2009) et Suanez et Stéphan (à paraître) basent leur analyse sur des épisodes morphogènes ponctuels. Or, en milieu macrotidal, ces épisodes morphogènes sont fortement dépendants des conditions marégraphiques, que n’intègre pas notre analyse sur l’évolution des situations à fort gradient de pression. Autrement dit, une situation à fort gradient de pression n’est morphogène que si elle est combinée avec une pleine mer de vive-eau. Toutefois, nous pouvons considérer qu’une augmentation ou une baisse des situations à fort gradient de pression engendre respectivement une augmentation et une baisse de la probabilité d’occurrence d’évènements morphogènes.

Fig. 52. Evolution du nombre de situations à fort gradient de pression – toutes directions confondues – par an depuis 1960. Les trois phases ont été indiqué en haut du graphique.

Si l’on considère les trois gradients de pression séparément, la période de 1975 à 1990 correspond à un renforcement de chaque gradient (sud-ouest, nors-ouest et nord-est). Depuis 1990, on constate un affaiblissement des gradients de nord-ouest et de nord-est et un prolongement du renforcement du gradient sud-ouest (fig. 53). Les récentes tempêtes Johanna (10 mars 2008) et Xynthia (27-28 février 2010) s’inscrivent dans ce renforcement des situations à fort gradient de sud-ouest. Notons qu’il serait improductif de comparer l’évolution des différents gradients de pressions entre eux, car ceux-ci n’ont pas été calculés sur une même distance.

Fig. 53. Evolution des situations à fort gradient de pression sud-ouest, nord-ouest et nord-est. La moyenne mobile sur 10 ans pour chaque gradient est représentée par un trait plus épais.

Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, P.A. Pirazzoli et al. indiquaient en 2004, que le caractère cyclique des phases morphogènes semblait être lié à une fluctuation de l’indice d’oscillation nord atlantique (ou NAO, pour North Atlantic Oscillation). S. Suanez (2009) a également constaté ce lien sur la période 1989-2009. Selon ces auteurs, les phases morphogènes se produiraient lorsque l’indice est positif et les phases de calme lorsque celui-ci est négatif.

Afin d’observer s’il existe un lien entre l’évolution des forts gradients de pression en Bretagne et l’oscillation nord atlantique, nous avons étudié la relation statistique entre le nombre de situations à fort gradient de sud-ouest, de ouest et de nord-est et l’indice NAO par an entre 1960 et 2009 (fig. 54). Les résultats indiquent qu’il n’existe pas de relation entre les forts gradients de pressions et l’indice NAO, en atteste les coefficients de détermination inférieurs ou égaux à 0,01. Cette mise en relation est néanmoins discutable car l’indice NAO est calculé entre janvier et mars, alors que les forts gradients ont été recensés entre janvier et décembre. Ceci étant, ces résultats montrent que l’indice NAO ne peut expliquer à lui seul les phases

cycliques observées auparavant, ce qui confirmeraient les observations de N.L. Betts et al. (2004) et de S. Costa (2005).

Fig. 54. Relation entre le nombre de situations à fort gradient de sud-ouest, de nord-ouest et de nord-est et l’indice NAO par an entre 1960 et 2009.

Conclusion partielle

La recherche des cas de submersions passés en Bretagne a permis de recenser 29 épisodes depuis 1960. Ce travail montre que, la position du centre dépressionnaire au moment des pleines mers et le gradient de pression associé, jouent un rôle primordial dans la localisation des sites submergés. L’étude de la distribution des coefficients de marée montre que 95 % des submersions ont eu lieu alors que le coefficient de marée était supérieur ou égal à 78. En outre, depuis 1960, 75 % des submersions ont été générées par des phénomènes de franchissement. Ceci souligne l’importance de l’effet des vagues au sein des processus de submersion marine (runup). Ce point sera approfondi dans la troisième partie. L’analyse de l’évolution des forts gradients de pression signale une augmentation sensible des situations à fort gradient de sud-ouest depuis cinquante ans. Rappelons que les situations de sud-ouest sont les plus fréquentes en Bretagne et ont provoqué plus de la moitié des inondations par la mer depuis 1960. Comme nous l’avons annoncé précédemment, un des évènements les plus exceptionnels depuis 1950 s’est déroulé le 10 mars 2008, au cours de ce travail de thèse. Il semblait donc primordial de consacrer une partie à cet épisode. En outre, le travail de recensement des évènements d’inondation passés montre qu’il n’existe pas ou peu de données cartographiques sur l’étendue des zones submergées. L’épisode du 10 mars 2008 a permis de réaliser une cartographie fine des zones qui ont été inondées ce jour-là.

Après avoir recensé et analysé les submersions marines depuis 1960 en Bretagne, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à l’évènement qui a engendré le plus d’inondations au cours des 50 dernières années : l’épisode du 10 mars 2008.

Chapitre 2. La tempête du 10 mars 2008

L’objet de ce chapitre est de s’intéresser plus profondément à l’évènement tempétueux du 10 mars 2008 qui a engendré de nombreux cas de submersion en Bretagne. Une première partie rappellera les conditions météo-marines - et leurs interactions éventuelles - qui ont conduit aux processus de submersion durant cet épisode. Une seconde partie traitera du travail qui a été mené pour cartographier les zones inondées en Bretagne ce jour là. Ces deux aspects ont fait l’objet de deux publications durant ce travail de thèse (Cariolet et al., 2010 ; Cariolet, 2010).

2.1. Aspects météo-marins de la tempête du 10 mars 2008 en Atlantique et