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4.3 Évolution des modes de phonons infrarouge

4.3.2 Mode A 2u

De la même manière que pour le mode de phonon Eu1, nous allons essayer d’expliquer le comportement anormal de ce mode, dont la fréquence augmente de quelques cm−1dans la phase paramagnétique quand la température décroît et diminue sensiblement dans la phase antiferromagnétique. Les déplacements atomiques calculés lors de la détermination du spectre de phonons pour le mode de vibration A2usont récapitulés dans le tableau 3.13. Ce mode de vibration représente la seule vibration du système dans la direction ~c de la maille cristalline.

Cette vibration engendre une modification des positions atomiques, que nous expri-mons en fonction des amplitudes de déplacement vi de cette vibration (voir tableau 3.14) De façon analogue au mode Eu1, la modification des déplacements atomiques par cette vibration engendre une inéquivalence des couplages magnétiques dans la maille unitaire. Les huit couplages magnétiques J(0) à l’équilibre du système se décomposent alors en deux parties :

– quatre couplages magnétiques notés J~0correspondant au couplage entre l’atome de manganèse central et celui situé à l’origine, ainsi que ceux obtenus par translation dans le plan (~a, ~b) ;

– quatre couplages magnétiques notés J~centre l’atome de manganèse central et celui situé en (0, 0, 1) ainsi que ses trois translatés suivant dans le plan (~a, ~b).

vecteur propre Atomes coord. ~e Mn x 0.00000 (0, 0, 0) y 0.00000 z −v1=-0.03770 Mn x 0.00000 (1/2, 1/2, 1/2) y 0.00000 z −v1=-0.03770 F x 0.00000 (xF, xF, 0) y 0.00000 z v2=0.05450 F x 0.00000 (-xF, -xF, 0) y 0.00000 z v2=0.05450 F x 0.00000 (xF-1/2, 1/2-xF, 1/2) y 0.00000 z v2=0.05450 F x 0.00000 (1/2-xF, xF-1/2, 1/2) y 0.00000 z v2=0.05450

Table 3.13 – Tableau résumant le vecteur propre associé au mode de vibration A2u. Le vecteur propre est exprimé dans la base des axes cristallographiques (v est l’amplitude de la vibration).

Atome position équilibre x/a y/b z/c

Mn (1/2, 1/2, 1/2) 1/2 1/2 1/2 -v1 Mn (0, 0, 0) 0 0 -v1 F (xF, xF, 0) xF xF v2 F (-xF, -xF, 0) -xF -xF v2 F (xF-1/2, 1/2-xF, 1/2) xF-1/2 1/2-xF 1/2+v2 F (1/2-xF, xF-1/2, 1/2) 1/2-xF xF-1/2 1/2+v2

Table 3.14 – Tableau résumant les modifications des positions atomiques engendrées par le mode de vibration A2u.

L’énergie magnétique se met alors sous la forme suivante

EM =−4nJ~0(v) + J~c(v)o ~sMn1 · ~sMn2

où v est l’amplitude de déplacement associée au mode A2u.

Nous réalisons un développement de l’énergie magnétique en fonction de v

EM = − ( 8 J(0) + 4 ∂J~0 ∂v v=0 v + 4 ∂J~c ∂v v=0 v +2 ∂2J~0 ∂v2 v=0 v2+ 2 ∂2J~c ∂v2 v=0 v2 ) ~sMn1 · ~sMn2 (3.29) Identiquement au mode Eu1, en évaluant l’expression du couplage magnétique en fonc-tion des nouvelles posifonc-tions, nous déterminons les relafonc-tions suivantes pour les dérivées successives des couplages magnétiques

∂J~0

∂v =∂J∂v~c2J~c

∂v2 = ∂2J~c

∂v2 (3.30)

Au final, l’énergie magnétique se met sous la forme suivante

EM = − ( 8 J(0) + 42J~0 ∂v2 v=0 v2 ) ~sMn1· ~sMn2 (3.31)

Après calcul, la dérivée seconde du couplage magnétique par rapport à l’amplitude v de déplacement est trouvée négative. Les deux termes en préfacteur dans la relation 3.31 sont de même signe et s’additionnent.

Dans la phase antiferromagnétique. la minimisation de l’énergie libreF est

équiva-lente à la minimisation de l’énergie magnétique. Il faut donc minimiser le préfacteur de la relation 3.31 ce qui nécessite la maximisation de l’amplitude de déplacement v. Cette condition est réalisée si la fréquence du mode de phonon A2u est ramollie à la transition magnétique.

Dans la phase paramagnétique, la condition d’avoir des états aussi équiprobables que possible nécessite de réduire en valeur absolue le préfacteur de la relation 3.31. Il faut alors minimiser l’amplitude de déplacement v de la vibration. Cette condition nécessite un durcissement de la fréquence du phonon dans la phase paramagnétique. Ces résultats expliquent l’évolution de la fréquence du mode A2uen fonction de la température mesurée par mesures infrarouge (voir figure 3.4).

5 Conclusion

Nos calculs de spectres de phonons par la théorie de la fonctionnelle de la densité per-mettent de reproduire convenablement le spectre de phonons du composé MnF2. En effet,

les fréquences de vibration obtenues pour les fonctionnelles hybrides B1WC et B1PW, dans les configurations ferromagnétique ou « pseudo » antiferromagnétique, sont situées dans la barre d’erreur donnée classiquement par la DFT pour les fréquences de vibrations lorsque nous comparons nos résultats aux données expérimentales. De plus, les calculs du spectre de phonons infrarouge dans les deux configurations magnétiques (PM et AFM) permettent de reproduire le bon ordre de grandeur et le signe de la renormalisation de la fréquence de ces phonons à la transition magnétique. Les calculs de théorie de la fonc-tionnelle de la densité étant effectués à 0 K, ils nous permettent de déduire que seule la mise en ordre magnétique influe sur la renormalisation du spectre de phonons infrarouge. En s’inspirant des travaux de Baltensperger et al [135], nous avons pu expliquer le comportement des paramètres de maille et la renormalisation des modes de phonons lors de la mise en ordre magnétique à partir d’un modèle simple considérant qu’à toute tempé-rature, le système cherche à minimiser son énergie libreF . La détermination des vecteurs

propres et donc des déplacements atomiques engendrés par la vibration lors du calcul du spectre de phonons et l’analyse qualitative des interactions magnétiques mises en jeu dans le composé MnF2 permettent de fournir une explication au comportement anormal des fréquences de vibration des mode actifs infrarouge.

Cette étude ne permet cependant pas d’apporter une réponse catégorique sur le fait que la renormalisation des paramètres de phonons à la transition magnétique est un bon indice de la multiferroïcité. En effet dans le composé MnF2, qui ne présente qu’une transition de phase magnétique isostructurale, nous observons des phénomènes de renormalisation de la fréquence des phonons du même ordre de grandeur que dans les multiferroïques de type II. Seule une analyse des interactions magnétiques et de leur évolution au cours des vibrations peut permettre de déterminer l’origine de la renormalisation de la fréquence des phonons dans les matériaux multiferroïques.

D’un point de vue technique, ce travail valide l’utilisation de la théorie de la fonction-nelle de la densité pour déterminer les propriétés structurales et électriques. Les grandeurs déterminées au cours du calcul de vibration telles que la matrice hessienne et les charges de Born ont une évaluation convenables. Leur utilisation pour l’étude du couplage ma-gnéto-électrique que nous proposons pour les composés YMnO3et MnWO4est validée.

Un composé multiferroïque de type I :

YMnO

3

Le composé YMnO3 est un composé multiferroïque de type I présentant à la fois de la ferroélectricité et de l’antiferromagnétisme dans une même phase, la ferroélectricité existant à plus haute température que l’ordre antiferromagnétique. L’existence d’un cou-plage magnéto-électrique dans ce composé n’est bien établie que depuis 1997 [36], ceci bien que les études sur ce composé aient commencées dans les années 1960 ; nous pou-vons citer par exemple les différents travaux de Bertaut et al [18, 137]. Il existe donc de nombreuses données sur ce composé dans la littérature, c’est une des raisons qui nous ont poussé à le choisir pour l’étude ci-après. De plus, YMnO3a été, et est étudié, par les expérimentateurs du laboratoire CRISMAT [1], avec qui nous collaborons. Enfin, dans ce composé, une analyse de charges formelles nous indique que les atomes de manga-nèse sont les seules espèces magnétiques. Il n’existe donc qu’un seul réseau magnétique dans la phase antiferromagnétique et ferroélectrique ce qui simplifie la compréhension du couplage magnéto-électrique, la structure magnétique étant de plus commensurable. Toutes ces raisons font du composé YMnO3 un excellent candidat à l’étude du couplage magnéto-électrique.

Ce chapitre va se décomposer en trois grandes parties. La première partie va être consacrée à la présentation du composé YMnO3; structure cristallographique, propriétés électriques, propriétés magnétiques et leur couplage. Dans la seconde partie, nous effec-tuerons une analyse de symétrie ainsi qu’un développement de Landau. Enfin, la dernière partie sera consacrée aux résultats des calculs ab initio. Cette partie sera décomposée en deux sections. La première concernera l’étude du composé par des calculs de théorie de la fonctionnelle de la densité tandis que la seconde sera consacrée à l’étude de l’évolution du couplage magnétique sous l’application d’un champ électrique.

1 État de l’art

Le composé YMnO3appartient à la famille des manganites de formule générale RMnO3. Selon la nature de la terre rare R, ces systèmes cristallisent à température ambiante dans deux structures différentes et ont des propriétés différentes. Les composés à base de Eu, Gd, Tb ou Dy, c’est-à-dire avec une terre rare de grand rayon ionique, cristallisent dans une maille orthorhombique. Les composés à base de Ho, Er, Yb, Lu ou Y, c’est-à-dire avec une terre rare de faible rayon ionique, cristallisent dans une maille hexagonale.