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Chapitre 1 : De l’héroïne aux Traitements de Substitution aux Opiacés

2.4 Psychopharmacologie

2.4.2 Mode d’action

2.4.2.1 L’activité au niveau des récepteurs opioïdes 20

Comme la plupart des opioïdes physiologiques ou non, l’héroïne, ou

diacétylmorphine, va produire une analgésie, et ce en ayant une action agoniste sur les récepteurs opioïdes mu, kappa et delta. Son action à ce niveau sera donc entièrement similaire à un autre agoniste de ces récepteurs, tel que la morphine. Le mécanisme d’action a déjà été explicité ci-dessus, au chapitre 2.4.1.1.

Notons juste que l’héroïne va se substituer aux endorphines, tout en conservant

une activité similaire à la morphine.

2.4.2.2 Effets centraux 21

Les effets physiques et physiologiques de l’héroïne sont presque identiques à

ceux de la morphine. « Presque » car en réalité les seules différences entre les deux substances se trouvent au niveau de leur délai d’action, de leur durée d’action et de leur intensité d’effet. Si on prend l’exemple de l’effet analgésiant, l’intensité est deux fois plus importante avec l’héroïne qu’avec la morphine ; le délai d’action est bien plus rapide et sa durée moins longue (3 heures pour l’héroïne contre 4 à 5 heures pour la

morphine).

D’une manière plus générale, l’héroïne est considérée comme un dépresseur du SNC. On notera qu’elle perturbe l’activité du cervelet en induisant une action

20 Richard D, Senon JL, Hautefeuille M, Facy F. L’héroïne.

21 - European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. EMCDDA | European Monitoring Centre for Drugs

and Drug Addiction — information on drugs and drug addiction in Europe.

- Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies. EMCDDA | Héroïne. - Richard D, Senon JL, Hautefeuille M, Facy F. L’héroïne.

dépressive (thymoleptique) ; à ceci s’ajoute l’effet dépressif au niveau de l’hypothalamus, et notamment du centre de thermorégulation (hypothermie), et d’autres centres provoquant des effets émétisants (surtout lors d’une administration

rapide), des troubles de mémorisation, de concentration, du sommeil, et induisant un état d’apathie. Parmi tous ces effets, que l’on pourrait qualifier d’indésirables, notons que l’effet recherché est plutôt celui du plaisir immédiat, provoqué par la stimulation

intense du système dopaminergique, dit « système de récompense ».

2.4.2.3 L’activité périphérique 22

En plus des effets plus qu’indésirables au niveau cérébral, il existe de nombreux

effets périphériques, causés soit par la présence de récepteurs situés au niveau du système nerveux périphérique, soit résultant de l’activité sur le SNC.

Tout d’abord, l’héroïne était considérée comme une réelle panacée contre la

tuberculose au XIXème siècle pour sa propriété antitussive inégalable (chapitre 2.1). Cependant, à haute dose (intoxication aiguë), cette propriété s’exacerbe pour qu’in-

fine l’usager décède d’une dépression respiratoire : bronchoconstriction, diminution de

la réponse des centres respiratoires à l’augmentation de la pression partielle en

dioxyde de carbone (pCO2).

De plus, la présence de récepteurs opioïdes au niveau de la musculature lisse peut provoquer certains troubles bénins comme la constipation et la diminution de la

22 - Friedman H, Klein TW, Specter S, éditeurs. Drugs of abuse, immunity, and infections. Boca Raton: CRC Press;

1996. 196.

- Seidenberg A, Honegger U. Effets et effets secondaires des opioïdes. Méthadone, héroïne, et autres opioïdes: la prescription d’opioïdes en milieu ambulatoire. Chêne-Bourg/Genève, Suisse: Médecine & Hygiène; 2001. p. 48-49.

- European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. EMCDDA | European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction — information on drugs and drug addiction in Europe.

- Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies. EMCDDA | Héroïne. - Sahnoun A, Ahmed H. Les antalgiques - Propriétés.

diurèse23. Cela peut également être grave, voire fatal s’il survient un collapsus cardio-

vasculaire (hypotension orthostatique) ou une arythmie. Par la suite, des effets endocriniens non négligeables peuvent apparaître, causés par les répercussions importantes des opioïdes sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, modifiant ainsi la sécrétion d’hormones. On citera d’une part une augmentation du taux de prolactine, d’hormone de croissance (GH), d’hormone anti-diurétique (ADH), d’hormone

corticotrope (ACTH) ; et d’autre part une inhibition de la sécrétion d’hormone lutéinisante (LH), d’hormone folliculostimulante (FSH) ainsi que l’hormone thyréotrope

(TSH). On pourra observer également une discrète augmentation de la glycémie, une diminution de la sécrétion d’œstrogènes et d’insuline.

Il est également important de souligner que certaines cellules du système immunitaire possèdent des récepteurs delta et kappa. Lors de la consommation, on observera une diminution globale des fonctions immunitaires de l’usager, avec entre autres une activation des lymphocytes T CD8, une production d’anticorps et des réactions histaminiques (érythèmes, œdèmes, prurit, etc.).

Enfin, d’autres effets secondaires plus généraux peuvent apparaître, comme

une transpiration profuse et brutale, des troubles du sommeil, etc.

2.4.2.4 Tolérance et dépendance 24

Un point important dans l’addiction aux opiacés est le développement de la tolérance. Ce phénomène ne s’arrête pas seulement aux opiacés mais aussi à d’autres

substances, qualifiées de drogues également. Comme expliqué précédemment, lors

23 Augmentation du tonus des fibres musculaires circulaires et diminution de celui des fibres longitudinales. 24 - Seidenberg A, Honegger U. Méthadone, héroïne et autres opioïdes. Chêne-Bourg/Genève, Suisse: Médecine

& Hygiène; 2001.

- Simon EJ. Opiates. In: Lowinson JH, Ruiz P, Millman RB, éditeurs. Substance abuse: a comprehensive textbook. 2nd éd. Baltimore: Williams & Wilkins; 1992.

d’une administration répétée d’héroïne, on observe soit une diminution du nombre des récepteurs aux opiacés, soit une diminution de l’affinité qu’a le récepteur avec l’héroïne

(soit les deux). Ceci est nommé dans le langage médical la down-regulation, la stimulation « démesurée » du neurone va être inhibée, afin d’empêcher qu’il épuise

ses capacités de réponse.

C’est cette down-regulation qui va expliquer le phénomène de tolérance25 mais

aussi la dépendance26.

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