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Mode d’accès à l’eau et morbidité déclarée du paludisme

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS

3.3 CARACTÉRISTIQUES SOCI OCOMPORTEMENTALES ET LA MORBIDITÉ DU PALUDISME À M’BAHIAKRO

3.3.6 Mode d’accès à l’eau et morbidité déclarée du paludisme

Sur les 100 ménages enquêtés à M’Bahiakro, 62 ont fait creuser des puits dans leur concession (tableau 21). Les puits constituent des sites de ponte idéaux pour les moustiques lorsqu’ils ne sont pas couverts (figure 44). En outre 37% des ménages qui ne possèdent pas de puits ont déclaré une absence récente de paludisme et 63 % d’entre eux ont connu dans la même période des cas de paludisme. Le nombre de malades lié au paludisme dans les ménages ayant des puits est estimé à 77% des répondants contre 23 % de cas de paludisme dans les ménages où il n’y a pas de puits selon nos enquêtes (figure 45).

Figure 44 : Puits non couvert au quartier Représentant (Octobre 2017, Ahui)

Tableau 21: Cas déclarés de paludisme et mode d’accès à l’eau à M’Bahiakro

pas de puits puits

absence 14 14 28 presence 24 48 72 38 62 100 Total acces à l'eau Total morbidité declarée de paludisme

75

Figure 45 : Variation du pourcentage de morbidité du paludisme en fonction du mode d’accès à l’eau

3.3.7 Usage des moustiquaires imprégnées d’insecticide et morbidité du paludisme

Chaque deux années, une campagne de distribution gratuite de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) est organisée à M’Bahiakro à l’instar du reste de la Côte d’Ivoire. La MII reste jusqu’à ce jour le mode le plus efficace pour se prémunir des vecteurs du paludisme (figure 46).

Figure 46 : Affiche de la campagne de distribution des moustiquaires sur le mur de l’hôpital général de M’Bahiakro en octobre 2017 (Ahui, octobre 2017) 37 23 63 77 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 P A S D E P U I T S P U I T S % P AL U DI SM E

MODE D'ACCÈS À L'EAU

M O D E D ' A C C È S À L ' E AU E T P ALU D I S M E

Absence de paludisme Présence de paludisme

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Ainsi durant notre enquête à M’Bahiakro, nous avons cherché à évaluer la proportion d’utilisation quotidienne des moustiquaires imprégnées d’insecticides dans les ménages. Sur les 100 chefs de ménages interrogés, 68 ont affirmé que les membres de leur ménage ne dorment pas tous les jours sous la moustiquaire, Alors que les 32 autres se protègent des vecteurs du paludisme en dormant tous chaque jour sous les MII (tableau 22). Force est de constater à l’issue de notre enquête que 66% des répondants ayant déclaré se protéger quotidiennement eux et leurs familles des piqûres de moustiques sous des MII n’ont connu aucun cas récent de paludisme. Dans les ménages dont les membres ne dorment pas quotidiennement sous la MII, c’est 90% d’entre eux qui nous ont confié avoir eu au moins un membre atteint de paludisme, contre, 10% des ménages dans lesquels aucun membre n’a été malade à cause du paludisme (figure 47).

Table 22: Cas déclarés de paludisme et usage des moustiquaires imprégnées à M’Bahiakro

Figure 47 : Variation du pourcentage de la morbidité déclarée du paludisme en fonction de l’usage de la moustiquaire imprégnée en 2017 à M’Bahiakro

toujours pas toujours

absence 21 7 28 presence 11 61 72 32 68 100 Total Usage Moustiquaire Total morbidité declarée de paludisme 66 10 34 90 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 T O U J O U R S P A S T O U J O U R S % PA LU DI SM E

USAGE DES MOUSTIQUAIRES

U S A G E D E S M O U S TI Q UA I RE S E T P A L U D I S M E

Absence de paludisme Présence de paludisme Source : Enquête de terrain, Octobre 2017

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3.4 Analyse du poids des variables sociocomportementales dans la transmission du paludisme à M’Bahiakro

Cette analyse a pour objectif de mettre en relief le poids des différentes variables sociocomportementales dans le développement continu du paludisme à M’Bahiakro. Le test d’indépendance du Khi carré a été appliqué afin d’apprécier la force de l’association entre nos différentes variables sociocomportementales et la morbidité du paludisme dans les ménages de M’Bahiakro.

Le tableau 23 présente les résultats des tests de Khi carré dont l’hypothèse nulle est qu’il n’existe

aucune relation entre la morbidité déclarée du paludisme dans un ménage et les variables socio comportementales. La probabilité est estimée à 0.05 (P. value).

Parmi les 7 variables sociocomportementales testées, seul l’usage des MII se révèle être significativement associé à la morbidité du paludisme dans les ménages de M’Bahiakro (P<0,05) De plus la valeur du Khi carré calculé est supérieure à celui du khi-carré théorique (X2

0,05 = 7,88 <

X2

calculé = 33,04). Nous pouvons donc conclure que le fait d’utiliser quotidiennement ou non la MII

dans les 100 ménages visités à M’Bahiakro influence l’absence ou la présence du paludisme. De plus, le coefficient Phi (mesure de l’intensité de la relation entre deux variables) estimé entre l’usage de la moustiquaire et la morbidité du paludisme (0,575; P<0,000) nous montre qu’il existe une grande association entre nos deux variables (tableau 24).

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Tableau 23: Test d’association de Khi carré entre la morbidité du paludisme et les variables socio comportementales à M’Bahiakro en 2017

Tableau 24: Coefficient V cramer et Phi évaluant la force de l’association entre l’usage des moustiquaires et la morbidité du paludisme à M’Bahiakro

3.4.1 Usage de la moustiquaire imprégnée d’insecticide et le paludisme à M’Bahiakro.

Il s’agit dans cette partie de construire un modèle de vulnérabilité sociale et comportementale du paludisme à M’Bahiakro à partir d’une régression logistique. En amont, le test d’indépendance de Khi carré a révélé que la morbidité du paludisme à M’Bahiakro est significativement associée à l’usage quotidien de la moustiquaire. Le paludisme dans cette localité est donc une question plus comportementale qu’autre chose. De ce fait, seule la variable liée à l’usage des

Variables explicatives Valeur ddl Sig

Type d'habitat 1,533 2 0,465

Niveau d'étude 2,453 4 0,653

Type de toillette 0,313 1 0,576

Mode de conservation des ordures ménagères 0,481 1 0,488

Mode de conservation de l'eau 0,204 1 0,652

Mode d'accès à l'eau potable 2,377 1 0,123

Usage de la moustiquaire 33,045 1 0,000

Valeur Sig

Phi 0,575 0,000

V Cramer's 0,575 0,000

Nombres d'observations valides 100

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moustiquaires a été introduite dans notre modèle comme prédicteur de la variation spatiale du paludisme dans les quartiers de M’Bahiakro.

Le modèle de régression logistique utilisé dans le cadre de cette analyse permet d’expliquer environ 40% de la variance de la morbidité déclarée de paludisme enregistré dans les ménages (R2 = 0,398) (Tableau 25). De plus la variable de prédiction, c’est-à-dire l’usage des moustiquaires

est significatif (P < 0,000) dans l’équation du modèle à la lumière des résultats consignés dans le

tableau 25. Ainsi, les ménages qui n’utilisent pas quotidiennement les MII (odds ratio4 = 16,63)

ont 16.63 fois plus de chance de contracter le paludisme à M’Bahiakro (tableau 25) par rapport à ceux qui se prémunissent de façon quotidienne contre les moustiques en utilisant les MII.

L’usage ou non des MII se révèle être un excellent prédicteur de la variation du paludisme à l’échelle des quartiers de M’Bahiakro selon les résultats de notre analyse.

Table 25: résultats du modèle de régression logistique de la morbidité diagnostiquée du paludisme en fonction de l’usage quotidien du paludisme à M’Bahiakro

3.4.2 Utilisation quotidienne des moustiquaires imprégnées d’insecticides comme facteur déterminant les espaces à risque de paludisme à M’Bahiakro

Le tableau 26 et les figures 48 et 49 nous permettent de comparer et de spatialiser la variation de l’incidence du paludisme et de la proportion d’utilisation des MII à M’Bahiakro.

Nous pouvons constater au travers de ces résultats que la proportion d’utilisation des MII tout comme celle de l’incidence du paludisme varient d’un quartier à un autre à M’Bahiakro. Selon

4 Le rapport de côte (Odds ratio) correspond au nombre de fois d’appartenance à un groupe lorsque la valeur du prédicteur augmente de 1 (Desjardins, 2005).

B S.E. Wald df Sig. odds ratio Nagelkerke R square

Step 1a usage moustiquaire

2,812 ,546 26,547 1 ,000 16,636 0,398

Variable

P < 0,05

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nos enquêtes, une personne sur deux utilise les MII dans les quartiers de Baoulékro et Résidentiel. Avec 75%, Représentant est le quartier de M’Bahiakro dans lequel la moustiquaire est le plus utilisée dans les ménages. Au quartier Commerce, l’utilisation quotidienne de la MII dans les ménages se situe juste en dessous de la moyenne (40%). Dans l’ensemble, les populations résidant au sud-est de M’Bahiakro, et au centre avec Baoulékro, ont une utilisation quotidienne de la moustiquaire plus élevée par rapport au reste de la ville. La conséquence, c’est que ces quatre quartiers situés au sud-est et au centre de M’Bahiakro, connaissent les incidences du paludisme les plus faibles de la ville. L’incidence palustre pour ces quartiers est comprise entre 1 et 4 cas pour 100 ménages enquêtés pour les quartiers au sud-est (Représentant, Résidentiel, Commerce) et 6 cas pour 100 ménages enquêtés à Baoulékro au centre. En revanche, dans les quartiers situés au nord on observe les taux d’incidence de paludisme les plus élevés et les proportions d’usage des MII les plus faibles de M’Bahiakro. Les incidences de paludisme sont comprises entre 14 et 16 cas déclarés pour 100 ménages enquêtés, à Koko 1 et Koko 2 et de 12 cas enregistrés au Lycée pour 100 ménages enquêté. La proportion d’usage des MII est estimée dans ce même secteur de la ville à 13% à Koko 1 ce qui représente la proportion la plus faible, 21% au Lycée et 33% à Koko 2. En outre à N’Gatakro, 27% des ménages enquêtés utilisent quotidiennement les MII pour un taux d’incidence palustre de 8 cas pour 100 ménages. Dougouba quant à lui connait un taux d’incidence palustre de 10 cas pour 100 ménages pour une proportion d’usage des MII estimée à 33%.

Table 26: proportion de l’utilisation des moustiquaires par quartiers à M’Bahiakro Quartier Incidence Usage moustiquaires

Baoulékro 6% 50% Commerce 3% 40% Dougouba 10% 33% Koko 1 14% 13% Koko 2 16% 33% Lycée 12% 21% N'gatakro 8% 27% Representant 1% 75% Residentiel 2% 50%

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Figure 48 : Variation de l’incidence du paludisme en fonction de l’usage des MII à l’échelle des quartiers de M’Bahiakro en 2017

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 0 10 20 30 40 50 60 70 80 in ci de nc e du p al ud is m e (% ) U sa ge M II (% ) Quartiers

Paludisme et usage des MII à M'Bahiakro en 2017

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83 3.5 Conclusion partielle de la deuxième partie

Les résultats de l’analyse du milieu physique et de l’occupation du sol de M’Bahiakro nous ont permis dans un premier temps de comprendre les éléments qui régissent la forte morbidité du paludisme à M’Bahiakro. En effet l’occupation du sol, la température de surface, l’humidité de surface et la topographie induisent l’abondance des gîtes larvaires potentiels de moustiques. Cela a pour corollaire la présence massive des moustiques. Ces moustiques en abondance assurent la transmission du paludisme à l’être humain dans tous les quartiers de M’Bahiakro. Nous avons été en mesure dans un deuxième temps d’observer que les conditions sociales et le comportement des populations de M’Bahiakro amplifient la transmission du paludisme. Mais la variation du paludisme observée d’un quartier à un autre de M’Bahiakro dépend de la capacité de la population à se protéger des moustiques. Les MII sont le seul mode de protection anti vectoriel accessible à tous les ménages de M’Bahiakro. Nous avons pu constater que la proportion d’utilisation des moustiquaires suit l’incidence du paludisme dans les quartiers de M’Bahiakro. En effet, les quartiers qui connaissent les proportions d’utilisation des MII les plus élevées ont enregistré les plus faibles taux d’incidence palustre. Ce constat nous a permis de comprendre que le risque de contracter le paludisme à M’Bahiakro, dépend de l’usage ou non des moustiquaires imprégnées d’insecticide.

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Chapitre 4 : Discussion et perspectives

4.1 M’Bahiakro : un piège spatial caractérisé par un environnement en tout lieu favorable à la prolifération des gîtes larvaires de moustiques et des conditions socio comportementales qui amplifient le risque de contracter le paludisme

La virulence du paludisme à M’Bahiakro au regard de nos analyses est la résultante des facteurs externes liés à l’aléa écologique favorable au développement des moustiques (microclimat, topographie, hydrographie et biogéographie), appréhendés à l’échelle territoriale. Mais aussi de facteurs internes associés à la vulnérabilité sociocomportementale des populations qui a été mesurée à l’échelle du ménage à M’Bahiakro.

M’Bahiakro dans son ensemble est à 76% couverte de sites qui ont un potentiel élevé ou très élevé d’être des gîtes larvaires de moustiques (Figure 24). Les sites de reproduction de moustiques abondent donc dans tous les quartiers de M’Bahiakro. Ces quartiers sont pour chacun d’entre eux composés à plus de 50% de type d’OS qui ont un potentiel élevé ou très élevé d’héberger des gîtes larvaires de moustiques (tableau 15 ; figure 25). L’occupation du sol de M’Bahiakro expose ainsi les populations qui y vivent à une forte agressivité anophélienne. De plus, tel que nous l’avons démontré dans nos analyses (figures 26 et 28), le microclimat se caractérise par des températures de surface supérieures à 20°C en tout lieu. Mais aussi par des sols humides dont la teneur en eau varie peu à l’échelle des quartiers. Dès lors, les conditions idoines sont réunies pour accélérer la reproduction et amplifier la prolifération des principaux vecteurs du paludisme (Mouchet et al., 2004). La récurrence des sols gorgés d’eau, qui selon Pages et al.(2007) guide le choix des lieux de ponte des anophèles trouve son explication dans la topographie et l’hydrographie du site sur lequel est construite la ville. Le relief de M’Bahiakro est quasiment plat (figure 30), car c’est en réalité le fond de la vallée attenante au lit du fleuve N’Zi qui borde et inonde la ville à certaines périodes de l’année (Figure 11).

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Les 14894 habitants de M’Bahiakro (RGPH, 2014), vivent sur un espace où pullulent les moustiques du fait de l’enchevêtrement des conditions écologiques en rapport avec leur essor. À la lumière de nos investigations, les conditions sociales et le comportement des populations de la ville face au paludisme ne sont vraisemblablement pas faits pour réduire la présence de moustiques et par ricochet la transmission du paludisme.

En effet, les facteurs appréhendés à l’échelle du ménage dans la chaine de transmission du paludisme à M’Bahiakro mettent en évidence une grande vulnérabilité des populations face à la maladie. La vulnérabilité telle définie par Borderon et al.(2017) fait référence à l’incapacité à résister aux effets d’un environnement hostile. Dans le cadre de notre étude, la vulnérabilité des ménages face au paludisme a été analysée dans plusieurs dimensions (matériel, immatériel et comportemental). La vulnérabilité matérielle correspond aux types d’habitats et aux équipements (installations sanitaires et source d’eau potable). La vulnérabilité immatérielle nous renvoie au niveau d’éducation du chef (e) de ménage. La vulnérabilité comportementale porte sur le mode de gestion de l’eau et des ordures ménagères. La mauvaise gestion de l’eau et des ordures peut contribuer à l’émergence des gîtes larvaires artificiels de moustiques intradomiciliaire en accord avec les travaux de Dongo et al., (2008). L’aspect comportemental de la vulnérabilité prend également en compte la façon dont les populations des différents quartiers de M’Bahiakro se prémunissent des vecteurs du paludisme. Nos résultats font état du fait que, de toutes les variables sociocomportementales seul l’usage quotidien des MII est significativement associée à la morbidité déclarée de paludisme à l’échelle des ménages de M’Bahiakro, (tableaux 23 et 24). Plus loin, nous avons été en mesure d’estimer à l’aide d’une régression logistique (tableau 25) que les membres des ménages de M’Bahiakro qui n’utilisent pas quotidiennement les MII pour se protéger des moustiques ont 16,63 fois plus de chance d’avoir le paludisme par rapport à ceux qui l’utilisent quotidiennement. Ces résultats se conforment à ceux de Tia et al. (2016) après des études sur l’usage des MII et la transmission du paludisme réalisées à Bassam et Adzopé, deux villes situées au sud de la Côte d’Ivoire.

Les populations de M’Bahiakro vivent sur un territoire que nous pouvons qualifier de piège spatial. Borderon et al. (2017), inspiré par Jalan et al. (1997) considèrent comme piège spatial,

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un territoire contraignant (aléa) et dont le risque de contracter le paludisme est aggravé par les vulnérabilités individuelles des populations.

À M’Bahiakro, 45% des ménages vivent dans des logements de bas confort, 42% des chefs de ménages interrogés n’ont aucun niveau scolaire. De plus, 62% des ménages que nous avons visité possèdent au moins un puits dans leur concession comme mode d’accès à l’eau potable. À cela, il faut ajouter un grand nombre de ménages qui conservent mal leurs ordures ménagères (86%) et 58% qui disposent de sanitaires de type traditionnel (figure 39). De même, 68% des chefs de ménages enquêtés, nous ont affirmé ne pas utiliser les MII. Les moustiquaires servent plutôt à protéger les potagers des animaux domestiques (figure 50).

Les conditions de vie difficiles liées à la pauvreté et les comportements des populations de M’Bahiakro vis-à-vis de la protection anti vectorielle augmentent considérablement le risque de contracter le paludisme à M’Bahiakro. Cette observation est en phase avec l’étude de Kouassi (2012) qui a constaté une bonne corrélation entre différentes pathologies, dont le paludisme

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avec les conditions sociales, économiques et comportementales des habitants de la commune d’Adjamé à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire.

Par ailleurs, il est de bon aloi de mentionner que le potentiel écologique de la ville de M’Bahiakro et ses environs à développer des gîtes larvaires de moustiques déjà existants est exacerbé par l’exploitation intensive des bas-fonds autour de la ville pour la culture du riz. Cette assertion se justifie par les travaux d’Adja et al. (2008), qui ont démontré la relation entre l’exploitation des bas-fonds et la hausse de la transmission du paludisme à Adzopé (Côte d’Ivoire).

La prédisposition du milieu physique de M’Bahiakro à développer des gîtes larvaires de moustiques expose ses habitants au paludisme. Cette exposition à la maladie est exacerbée par l’incapacité des populations à se protéger des piqûres pour des raisons qui peuvent tenir aussi bien du manque de moyens, qu’au manque d’éducation (Borderon et al., 2017). La combinaison de l’aléa territorial et la vulnérabilité sociocomportementale des populations face au paludisme fait de M’Bahiakro un piège spatial. Cela tend à justifier les 72 % d’incidence palustre enregistrées en 2017.

Les moustiques sont partout à M’Bahiakro, néanmoins la transmission du paludisme n’est pas homogène à l’échelle des quartiers de la ville (figures 19 et 20). Il va de soi que toute chose étant égale, la capacité d’un individu à ne pas être affecté par le paludisme réside dans son aptitude à se protéger des moustiques.

4.2 La proportion d’utilisation des MII comme facteurs explicatifs de la variation du paludisme à l’échelle des quartiers M’Bahiakro

La distribution gratuite des MII est l’une des actions majeures entreprises par les autorités sanitaires ivoiriennes pour lutter contre le paludisme. Tous les deux ans, une distribution de masse est organisée dans toutes les contrées du pays. Cette action a permis de faire passer la proportion de ménages possédant au moins une MII de 27% à 75,8% entre 2006 et 2016 (INS, 2016).

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À M’Bahiakro, l’usage quotidien des MII a un impact manifeste sur l’incidence du paludisme. En effet les plus faibles taux d’incidences palustres sont constatés dans les quartiers où la proportion d’usage quotidien des MII est le plus élevée. Inversement, le taux d’incidence palustre est beaucoup plus élevé dans les quartiers avec les plus faibles proportions d’usage quotidien de MII

(tableau 26, figure 48 et 49). Nos observations corroborent les résultats de Tia et al. (2016) qui

ont enregistré une baisse de 50% des fièvres palustres à Adzopé (Côte d’Ivoire) avec l’usage des MII. Ainsi, la variation spatiale de la transmission du paludisme observée à M’Bahiakro est assujettie à l’utilisation des MII. Donc, la proportion d’usage des MII caractérise de fait les espaces à risque de paludisme dans cette localité.

Malgré l’efficacité démontrée de la MII dans la lutte contre le paludisme, seulement 47,3% des membres des ménages possédant une MII en font un usage quotidien en Côte d’Ivoire (INS, 2016). À M’Bahiakro, c’est 32% des ménages enquêtés en novembre 2017 qui utilisent les MII de façon quotidienne (Tableau 22).

Il nous revient de nous poser la question de savoir pourquoi les populations dans leur grande majorité n’utilisent pas la MII ?

4.3 Vaincre le paludisme par le renforcement de l’implication des populations dans la stratégie de lutte

C’est en 1996, que la lutte contre le paludisme a été inscrite au tableau des maladies prioritaires du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) en Côte d’Ivoire. Cela s’es t traduit par la création la même année du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP). Le PNLP, a pour mission de contribuer à la réduction de la mortalité et de la morbidité liées au paludisme par des activités de type promotionnel, préventif, curatif et de recherche. Mais aussi de coordonner les activités de lutte contre le paludisme autour d’une orientation stratégique définie par le Plan Stratégique National de lutte contre le paludisme en Côte d’Ivoire (PSNLP- CI, 2014)

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Les résultats de la politique de prévention contre le paludisme en Côte d’Ivoire consignés dans le PSNLP sont mitigés. En effet à part la distribution des MII qui connait un franc succès, ni la

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