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Mod´eles physico-chimiques de carbonatation

4.5 Conclusion et propositions de lois de comportement

5.1.2 Mod´eles physico-chimiques de carbonatation

Ce rapide ´etat de l’art dress´e pour les mod`eles analytiques met en avant le fait qu’il est difficile de mod´eliser un ph´enom`ene multifactoriel comme la carbonatation avec des ´equations simples. Ainsi, plus le mod`ele se veut complet, plus il est d´ependant de param`etres qui doivent ˆetre calibr´es. De plus, une mod´elisation physico-chimique est n´ecessaire si l’on souhaite coupler la mod´elisation de la carbonatation `a une mod´elisation de la corrosion. En effet, l’estimation seule de l’´evolution de la profondeur de carbonatation Xc n’est pas suffisante.

Si on se place dans un cadre plus g´en´eral d’un mod´elisation coupl´ee entre carbonatation et diffusion des chlorures, d’autres param`etres sont tout aussi importants pour d´ecrire la phase d’induction de la corrosion comme l’´etat de d´ecalcification des C-S-H (qui va influencer leur capacit´e de fixation des ions chlorures [18, 19] et jouer un rˆole sur l’´evolution du pH). Apr`es cette phase d’induction, si l’on souhaite mod´eliser la progression de la corrosion, des param`etres comme la concentration en alcalins et en sulfates dans la solution interstitielle [106], le taux de saturation en eau liquide (qui va fortement influencer la diffusion du dioxyg`ene dans le milieu poreux), etc. n´ecessitent que la mod´elisation soit plus compl`ete et int`egre une approche type physico-chimique.

Pr´esentation des mod`eles num´eriques de carbonatation

Les mod`eles num´eriques permettent de mieux prendre en compte tous les ph´enom`enes mis en jeux lors de la carbonatation, mais restent fortement tributaires des nombreux param`etres d’entr´ee, diffi- cilement mesurables, qui sont n´ecessaires `a la r´esolution des diff´erentes ´equations.

Saetta et al. [152–154] s’int´eressent pincipalement aux param`etres de transport par le biais de bilan de masse d’eau, de chaleur et de masse de dioxyde de carbone. La mod´elisation bidimensionnelle propos´ee int`egre aussi un aspect cin´etique puisque l’´evolution des propri´et´es de transfert est coupl´ee au taux de carbonatation. Toutefois, ce mod`ele n’int`egre pas r´eellement d’approche li´ee `a la carbonatation des diff´erentes phases de la matrice cimentaire. En effet, seule la carbonatation de la portlandite est prise en compte par le biais de l’´equation C + CH → CC + H. L’eau lib´er´ee alimente le milieu poreux en eau libre et modifie ainsi l’humidit´e relative et le coefficient de diffusion effectif du dioxyde de carbone. En revanche, la carbonatation des C-S-H n’est pas d´ecrite et la r´eduction de porosit´e n’est pas explicite, les auteurs proposant un param`etre jouant sur la diffusion du dioxyde de carbone en fonction de l’avancement de la carbonatation.

L’´etude de sensibilit´e men´ee par les auteurs met en avant que le param`etre influant le plus la pro- fondeur de carbonatation est principalement la concentration en dioxyde de carbone, puisque les au- teurs effectuent des simulations num´eriques en carbonatation naturelle et que les conditions aux limites ne sont pas control´ees. On peut alors noter une bonne concordance entre leurs r´esultats exp´erimentaux et le mod`ele 2D. En revanche, en l’absence de description des esp`eces en solution, ce mod`ele ne permet pas d’obtenir des valeurs de pH.

Ishida et al. [155] proposent un mod`ele num´erique de carbonatation bas´e sur des simulations aux ´el´ements finis. Ils montrent alors l’importance du taux de saturation en eau du mat´eriau sur l’´evolution de la profondeur de carbonatation. Les esp`eces en solution H+, OH−, CO2−

3 , H2CO3, HCO−3 et Ca2+ sont d´ecrites par des ´equilibres chimiques, ainsi que par une cin´etique de pr´ecipitation de la calcite. La r´eduction de porosit´e est pilot´ee par le rapport E/C. Les auteurs concluent alors que le facteur le plus influant sur la profondeur de carbonatation est la diffusion du dioxyde de carbone.

Dans une version am´elior´ee [104], les auteurs int`egrent une description d´etaill´ee de l’´evolution de la microstructure des C-S-H (porosit´e et surface sp´ecifique). Une cin´etique de carbonatation des C-S-H est propos´ee, proportionelle `a la quantit´e de C-S-H et `a la concentration en dioxyde de carbone, et ralentie par la formation de carbonates de calcium et la cr´eation de gel de silice. La quantit´e initiale de C-S-H est d´eduite d’un mod`ele simple d’hydratation. La r´eduction de porosit´e totale propos´ee est calcul´ee `a partir des valeurs de masse volumique fournies par Taylor [120], `a savoir 2100 kg/m3 pour SH, 2240 kg/m3 pour CH, 2440 kg/m3 pour les C-S-H1 et 2720 kg/m3 pour CC. `A partir d’une analyse de sensibilit´e, les auteurs proposent la valeur de 0,5 moles d’eau relargu´ee par une molde de C-S-H carbonat´ee. En prenant en compte ces nombreux ph´enom`enes, les auteurs parviennent `a une meilleure pr´ecision pour pr´edire l’´evolution de la profondeur de carbonatation. Plusieurs simulations sont ef- fectu´ees `a diff´erentes temp´eratures et humidit´es relatives. Malheureusement, les auteurs ne proposent pas de m´ethodologie pour appliquer leur mod`ele aux liants autres que CEM I.

L’effet des cendres volantes est pris en compte par Kunthongkeaw et Tangtermsirikul [?] dans un mod`ele couplant transport et chimie. Le dioxyde de carbone, ainsi que la vapeur d’eau peuvent diffuser dans la phase gazeuse. La diffusion du dioxyde de carbone en phase aqueuse est n´eglig´ee. La quantit´e de portlandite carbonatable est ´evalu´ee en prenant en compte la comp´etition hydratation et r´eaction pouzzolanique. Malheureusement, aucune description de la carbonatation des C-S-H n’est propos´ee, et le transport de l’eau se fait uniquement en phase gazeuse, ce qui peut ˆetre ennuyeux si c’est le s´echage en phase liquide qui est pr´edominant.

Peter et al. [156] mettent en avant le fait que les phases non hydrat´ees peuvent aussi se carbon-

ater et proposent de prendre en compte la comp´etition entre hydratation et carbonatation. Ceci est int´eressant dans le cas de la carbonatation au jeune ˆage. La carbonatation de CH, C-S-H,C2S et C3S est prise en compte. Apr`es ajustement des nombreux temps caract´eristiques (cin´etiques chimiques et transport), les auteurs mettent alors en ´evidence que les C-S-H influencent fortement les profils de dioxyde de carbone fix´e et doivent ˆete pris en compte dans leur mod`ele. L’influence des C2Set des C3S est par contre n´egligeable. Ils d´ecrivent la pr´esence de couches dans lesquelles la r´eaction de carbon- atation a lieu. Ces couches sont distinctes en fonction du solide consid´er´e et se propagent au cours du temps au cœur du mat´eriau. A l’inverse, la r´eaction d’hydratation est elle homog`ene. Les auteurs observent alors que leur mod`ele d´ecrit un l´eger d´ecalage entre la couche de carbonatation de CH et celle des C-S-H qui pr´esente un retard.

Le mod`ele de carbonatation de Bary et Sellier [103] est param´etr´e par trois variables principales qui permettent de r´ealiser des bilans de masse. La concentration du calcium en solution aqueuse (Ca2+), le taux de saturation en eau liquide et la pression partielle en dioxyde de carbone pilotent ainsi le ph´enom`ene de carbonatation. Les phases solides qui sont succeptibles de se carbonater sont la portlandite, les C-S-H, mais aussi les phases AFm et AFt. Le relarguage d’eau lors de la carbonatation de ces phases est d´ecrit, tout comme la modification de porosit´e induite par les variations de volume molaire. Une cin´etique sur la pr´ecipitation C + C→ CC permet d’obtenir un front de carbonatation qui n’est pas raide. Une loi au premier ordre modifi´ee (vitesse proportionelle `a la concentration en calcium et `a la presssion partielle en dioxyde de carbone) est pond´er´ee par une fonction d´ependant du taux de saturation en eau liquide. Ceci permet de d´ecrire l’optimum de carbonatation usuellement constat´e aux environs de HR=60 %. La d´ecalcification des C-S-H est mod´elis´ee selon une approche discr`ete o`u 4 types de C-S-H sont pr´esent´es, avec des rapports CaO/SiO2 allant de 1,65 `a 0,85. Les auteurs observent une lixiviation prononc´ee du calcium en amont du front de carbonatation. Cette lixiviation provoque une augmentation temporaire de la porosit´e, qui est ensuite colmat´ee par la pr´ecipitation de carbonates de calcium (sˆurement surestim´ee puisque les r´esultats montrent que l’on peut combler totalement la porosit´e). Cette approche ne permet malheureusement pas de d´ecrire l’´evolution du pH de la solution interstitielle.

Dans un second temps Bary et M¨ugler [157] compl´etent le mod`ele pr´ec´edent en ajoutant une de- scription de cin´etique de dissolution de CH propos´ee par Thi´ery [14] (cf. paragraphe suivant) traduisant la formation d’une gangue de calcite autour de cette derni`ere. Les alcalins sont pris en compte. La description du ph´enom`ene de carbonatation est ainsi am´elior´ee, mais ne permet toujours pas d’obtenir des profils de pH. Les auteurs mettent aussi en ´evidence une importante augmentation du taux de saturation en eau liquide au niveau du front de carbonatation. Ceci est dˆu `a l’importante quantit´e d’eau relargu´ee par toutes les esp`eces qui se carbonatent (pour 1 mole de CH carbonat´ee, on relargue 1 mole d’eau, 12 mol/mol pour AFm, 32 mol/mol pour AFt et (CS+ 0,8) moles d’eau pour une mole de C-S-H) , en plus de l’effet de la diminution de la porosit´e.

Finalement, le mod`ele d´evelopp´e par Thi´ery [14] d´ecrit la carbonatation de matrices cimentaires de type CEM I. On pr´esentera plus en d´etails (cf.§5.2) ce mod`ele par la suite puisqu’il a servi de base au mod`ele d´evelopp´e dans cette th`ese. Dans le mod`ele initial, la portlandite, ansi que les C-S-H, peuvent se carbonater. Une cin´etique de dissolution de CH traduit la r´eduction d’accessibilit´e des cristaux de portlandite, les C-S-H quant `a eux se carbonatent avec une cin´etique du premier ordre par rapport `a la concentration en dioxyde de carbone (approche tr`es macroscopique et non li´ee aux concentrations des esp`eces en solution). La porosit´e ´evolue en fonction des volumes molaires de diff´erentes phases, tout comme le taux de saturation en eau liquide ´evolue en fonction de l’eau relargu´ee par la carbonatation

des hydrates. Le transport de l’eau liquide (gradient de pression capillaire), la diffusion des esp`eces en solution aqueuse ainsi que la diffusion du dioxyde de carbone en phase gazeuse sont pris en compte. Par contre, il n’y a pas de description du transport d’eau en phase vapeur et la carbonatation des phases AFm et AFt n’est pas d´ecrite. Le mod`ele a ´et´e modifi´e r´ecemment pour prendre en compte la pr´esence des alcalins, ainsi que pour am´eliorer la description de la d´ecalcification des C-S-H par le biais d’une approche de type solution solide [158]. N´eanmoins ce mod`ele n’est applicable que pour les mat´eriaux `

a base de CEM I, l’influence de la pr´esence de cendres volantes n’´etant toujours pas prise en compte. Apport des bases de donn´ees thermodynamiques

Les bases de donn´ees thermodynamiques se sont consid´erablement enrichies ces derni`eres ann´ees. La mod´elisation de l’hydratation du ciment est de plus en plus pr´ecise et permet de prendre en compte la majorit´e des esp`eces solides pr´esentes dans les ciments [135,159,160]. Ces bases de donn´ees peuvent aborder la thermodynamique selon deux approches : soit par minimisation de l’enthalpie libre (Gibbs free energy), avec comme exemple le code GEMS-PSI [135, 161] ; soit par le biais de loi d’action de masse comme dans le code CHESS [162]. Ce dernier, coupl´e au code de transport HYTEC [163] g´en´eralement utilis´e pour mod´eliser le transport dans les sols, permet ainsi de mod´eliser de fa¸con s´equentielle it´erative des ph´enom`enes coupl´es de r´eactions/´equilibres chimiques et de transport [106]. Derni`erement, la n´ecessit´e de mod´eliser l’effet du dioxyde de carbone `a l’´etat supercritique dans le cas du stockage g´eologique du CO2 a provoqu´e l’emergence de nombreux codes de transport r´eactifs appliqu´es `a la carbonatation [164]. On peut citer par exemple bil [165, 166], DynaflowTM [167], FLO- TRAN [168] ou encore Gimrt [169].

Le principal avantage du code bil utilis´e dans cette th`ese repose sur l’expertise accumul´ee `a l’Ifsttar par de nombreux travaux ayant permis le d´eveloppement de mod`eles li´es au transport de l’eau, des chlorures, du dioxyde de carbone, ... [14, 19, 158, 165, 166, 170]. Ce code a aussi l’avantage de traiter en simultan´e `a la fois le transport et la chimie.

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