• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 Critique du mod` ele et discussion

5.3 Un mod` ele r´ ealiste de la m´ emoire ?

Essayons dans cette section de comparer le mod`ele Cortexionist aux nombreuses th´eories de la m´emoire du premier chapitre.

Longtemps dans les syst`emes informatiques, la s´eparation nette et franche entre m´emoire `a long terme (MLT) et m´emoire `a court terme (MCT) a ´et´e n´ecessaire pour diff´erencier l’ensemble des connaissances de l’agent et le sous-ensemble de connaissances sur lequel il occupe actuelle- ment son attention, ou plus simplement sur lequel il « travaille » `a un instant t. Lorsqu’on utilise des r´eseaux de neurones, cette question peut ˆetre ais´ement ´elud´ee, voire r´esolue, en consid´erant proposition suivante : la MLT, autrement dit l’ensemble des connaissances de l’agent, est stock´ee par les connexions entre les neurones. La MCT, autrement dit l’ensemble des connaissances que le cerveau de l’agent est en train de manipuler, est de facto repr´esent´e par le sous-ensemble de neurones activ´es `a un instant t.

5.3. Un mod`ele r´ealiste de la m´emoire ?

Une autre distinction, entre m´emoires proc´edurale et s´emantique, s’est en revanche av´er´ee tr`es pertinente puisqu’elle constitue `a elle seule le fondement mˆeme du mod`ele Cortexionist. De ces deux types de m´emoire, nous avons d´eduit un mod`ele bidimensionnel au sein duquel cohabitent comportements et repr´esentations de l’environnement.

Les th´eories de l’activation, focalis´ees sur les relations d’associativit´e qu’entretiennent les connaissances en m´emoire, sont bien repr´esent´ees dans le mod`ele Cortexionist. En fait, nous ne le devons qu’`a l’utilisation d’un r´eseau associatif en tant que m´emoire s´emantique.

Si `a l’origine, c’est avant tout le caract`ere non supervis´e de son apprentissage qui nous a s´eduit car il ´etait en parfait accord avec celui d’une telle m´emoire, les r´esultats th´eoriques de la section 3.3.3 puis les exp´erimentations du chapitre 4 ont d´emontr´e les nombreuses qualit´es du r´eseau associatif. En particulier une propri´et´e inh´erente `a ces r´eseaux, la compl´etion des motifs, explique `a elle seule le transfert ou la g´en´eralisation des connaissances, des propri´et´es que l’on peut associer `a l’intelligence.

L’exp´erimentation du r´eseau associatif a toutefois r´ev´el´e certaines faiblesses. En particulier, l’impossibilit´e pour l’agent de construire correctement des repr´esentations internes dans certaines simulations (voir page133) a trahi l’incapacit´e de la couche associative `a adresser correctement le probl`eme stabilit´e/plasticit´e, relev´e par Grossberg en page95. Une quatri`eme critique du mod`ele Cortexionist consisterait `a dire que notre loi d’apprentissage associatif ne permet pas de pr´eserver correctement les connaissances lorsque la perception de l’agent devient momentan´ement confuse.

La th´eorie des niveaux de traitement de Craik et Lockhart consid`ere, d’un point de vue logique, le cerveau comme un empilement de couches. Les informations qui « entrent » dans le cerveau traversent donc cette pile, pour finalement ´evoquer un souvenir ou ˆetre consolid´ees en tant que connaissance dans une couche particuli`ere. La profondeur de chaque couche est `a mettre en rapport avec le niveau s´emantique, que l’on pourrait ´egalement appeler degr´e d’abstraction, des connaissances qu’elles contiennent. Enfin, la dur´ee de r´etention des connaissances d´epend ´egalement de la couche consid´er´ee.

Le parall`ele avec notre mod`ele est relativement ais´e. Les informations — stimuli — entrent dans le contrˆoleur par la couche d’entr´ee et en sortent par la couche de sortie. Entre temps, ils traversent une unique couche, `a savoir la couche associative. Le contrˆoleur Cortexionist est donc une instanciation incompl`ete du mod`ele de Craik et Lockhart. Cette cinqui`eme critique peut ˆetre mise en relation avec la comparaison du mod`ele Cortexionist et du mod`ele de Hawkins (section2.4.6).

Selon Hawkins, la m´emoire est un syst`eme incroyablement perfectionn´e dont l’unique fonction est de capturer des s´equences afin de pouvoir constamment pr´edire les situations futures. Un exemple que l’on retrouve dans son argumentation est celui d’une chanson. Bien qu’une chanson soit une connaissance `a part enti`ere, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une succession de notes, et on se rend bien compte de la difficult´e `a se la repr´esenter d’une autre mani`ere. Si nous nous attardons d´esormais sur la notion mˆeme de note, nous apprenons qu’une note n’est qu’une ou un ensemble de fr´equences, lesquelles n’existent qu’`a travers une dimension temporelle. Si les fr´equences sont directement capt´ees par notre syst`eme auditif, la note revˆet un caract`ere s´emantiquement plus abstrait, et plus encore la chanson. On retrouve donc dans cet exemple la notion de couches d’abstraction s´emantique, des caract´eristiques sensorielles aux connaissances les plus abstraites.

Pour Hawkins, l’aspect temporel de l’information est primordial, sinon obligatoire. Pourtant, le mod`ele Cortexionist n’en rend pas compte. Il ressort des deux derniers paragraphes que le mod`ele Cortexionist n’est pas en mesure d’expliquer certaines propri´et´es fondamentales de la m´emoire. La section suivante est une proposition d’´evolution de ce contrˆoleur, qui a pour ambition de mod´eliser plus justement les propri´et´es de modularit´e s´emantique et de pr´ediction de la m´emoire humaine.

Documents relatifs