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1.1 Le séchage du bois d’œuvre : quelques notions théoriques

1.1.4 Modélisation du séchage

Dans le but d’optimiser le procédé de séchage de bois en terme de qualité, de durée et d’efficience énergétique, plusieurs scientifiques ont eu recours à la modélisation de ce processus. Les modèles développés permettent de simuler l'évolution des profils de teneur en humidité, de température, de pression et des contraintes dans le bois en cours de séchage.

1.1.4.1 Cinétique

Plusieurs modèles permettant la simulation de la cinétique de séchage ont été développés à l’échelle macroscopique. Ces modèles consistent à l’établissement d’un ensemble d’équations décrivant la physique des transferts de masse et de chaleur à travers un milieu poreux. Ils nécessitent tous la connaissance des caractéristiques de la pièce de bois séché (espèce, teneur en eau initiale, dimension, propriétés physique) et des conditions de séchage imposées à la surface du bois. Ils se distinguent les uns des autres par les lois gouvernant le mouvement de l’eau dans le bois, le nombre de directions d’espace étudiées (1D, 2D, 3D), les méthodes de résolution numérique et la façon de traduire les conditions de séchage imposées à la surface du bois.

Perré (2004) classe les modèles macroscopiques en trois catégories selon le nombre de variables d’état utilisées pour décrire le séchage:

- modèle à une seule variable : ce type de modèle considère que le mouvement de l’eau dans le bois est généré par le gradient de la teneur en eau ou de la concentration (Salin,

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19 1999 et 2001 ; Mounji et al., 1991; Pang et Haslett, 1995), de potentiel hydrique (Fortin, 1979), de potentiel chimique (Kawai et al. 1978) ou de potentiel de transfert de masse (Luikov, 1966). Toutefois, cette formulation est incapable de considérer le couplage des transferts de chaleur et de masse,

- modèle à deux variables : les variables utilisées sont la teneur en eau et la température. La formulation qui en découle permet de modéliser correctement des configurations pour lesquelles la pression gazeuse interne n'a pas d'effets sur les transferts tel que le séchage convectif à basse température,

- modèle à trois variables : ce modèle utilisant la teneur en eau, la température et la pression gazeuse est le modèle le plus complet. En intégrant la pression de la phase gazeuse, il permet de simuler le séchage à haute température, sous vide, haute fréquences, micro-onde, etc. (Perré, 1987 ; Perré et Degiovanni, 1990 ; Perré et Turner, 1996 et 1999 ; Nijdam et al., 2000).

Dans un séchoir classique à convection forcée, les planches sont empilées, baguettées et placées bord à bord sur un même lit horizontal. Ainsi, chaque planche de la pile influe sur le séchage des planches voisines. L’optimisation du procédé de séchage au niveau industriel via la modélisation nécessite, donc, une approche double échelle. Salin (2001) et Awadalla et al., (2004) ont modélisé le séchage de plusieurs planches. Cependant, leurs modèles sont basés sur une seule variable d’état et l’évolution des conditions climatiques dans la pile est basée sur une seule surface de la planche. Perré et Rémond (2006), ont développé un programme qui utilise le code TransPore pour simuler le séchage d’une pile de planches. Dans ce programme, les équations de conservation sont écrites pour chaque écoulement compris entre deux couches de planches et font intervenir les flux de chaleur et d’humidité échangés entre les faces des planches d’un canal donné et l’écoulement d’air. Le modèle double échelle développé est capable de simuler plusieurs centaines de planches non identiques en parallèle.

1.1.4.2 Mécanique

La modélisation du comportement mécanique du bois au cours de séchage permet de prédire l’évolution de l’état des contraintes dans la planche. L’objectif ultime étant de pouvoir choisir les conditions de séchage pour améliorer la qualité du bois séché ou le sécher plus vite à qualité égale.

Le comportement du bois au cours du séchage combine différentes propriétés (élasticité, plasticité, viscoélasticité et mécanosorption) qui sont influencées par la température et la teneur en eau. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à la modélisation du comportement mécanosorptif du bois que l’on rencontre couramment dans la littérature. Avant d’aborder la modélisation, nous allons tout d’abord rappeler la distinction de ces deux comportements en s’appuyant sur le résultat d’un essai de fluage-recouvrance utilisé pour caractériser la viscoélasticité du bois. En effet, lors de l’application d’une contrainte constante au cours du temps sur un échantillon de bois, il en résulte une déformation élastique qui apparait instantanément lors de l’application de la charge suivie d’une déformation différée croissante au cours du temps (Figure 1.7). Cette déformation différée joue un rôle décisif dans la relaxation des contraintes liées au retrait du bois. Lorsqu’elle se produit à humidité

constante, elle est attribuée au fluage viscoélastique, tant dis que, à humidité variable, elle est attribuée au fluage mécanosorptif.

Figure 1.7. Evolution de la déformation d’un échantillon de bois soumis à une contrainte

constante sur l’intervalle de temps [t0 – t1] : OA : déformation instantanée; AB: déformation

différée ; BC : recouvrance instantanée et CD : recouvrance différée (d’après Navi et Heger, 2005).

La déformation viscoélastique du bois, lié à la nature polymérique de ses constituants, dépend du temps, de la température, de l’humidité relative ainsi que du niveau de contrainte appliquée. La déformation mécanosorptive, quant à elle, dépend du niveau de contrainte et augmente avec le changement cumulatif de teneur en eau.

Plusieurs explications de l’origine du comportement mécanosorptif du bois ont été proposées dans la littérature. Ce phénomène est attribué soit aux processus de rupture et de déformation de liaisons hydrogènes des régions amorphes des chaines de cellulose (Hanhijärvi, 1995) soit aux changements géométriques et mécaniques qui se produisent entre les différents constituants de la structure de la paroi cellulaire (Mukudai et Yata, 1986 ; Gril, 1988 ; Hoffmeyer et Davidson, 1989). Nous renvoyons le lecteur désireux d’avoir plus d’informations sur l’origine du comportement différé du bois aux travaux de thèse de Gril, 1988, et Randriambololona, 2003).

Pour modéliser le comportement mécanique du bois au cours du séchage on fait généralement appel à des modèles rhéologiques qui sont établis en utilisant des éléments de base constitués de ressorts, caractérisant l’élasticité, et des amortisseurs, caractérisant la viscosité du bois. Deux catégories de modèles existent dans la littérature :

- les modèles à activation indépendante : ils sont basés sur l’hypothèse de découplage entre le fluage viscoélastique dépendant du temps et de l’humidité relative et du fluage mécanosorptif dépendant que de l’humidité,

- les modèles à activation combinée : ces modèles supposent l’existence d’une interaction entre l’effet du temps et celui de l’humidité relative.

1.1.4.2-a Modèles à activation indépendante

En se basant sur l’hypothèse de l’absence d’interaction entre le fluage viscoélastique et mécanosorptif, la déformation mécanique totale peut être exprimée ainsi :

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( ) (1.3) où est la déformation élastique instantanée, la déformation due au retrait libre, la déformation viscoélastique et la déformation mécanosorptive.

Plusieurs modèles mécanosorptifs ont été développés dans cette approche (Leicester, 1971 ; Ranta-Maunus, 1975 ; Hunt, 1989 ; Svensson et Toratti, 2002 ; Salin, 1992 ; Martensson, 1994).

Ces modèles découlant soit du modèle de Maxwell (Leicester, Ranta-Maunus) soit de celui de Kelvin-Voigt (Salin, Svensson et Toratti, Hunt, Martensson) se différencient, d’une part, par leur comportement à la recouvrance. En effet, les modèles de type Kelvin permettent une recouvrance totale de la déformation mécanosorptive accumulée lors des variations d’humidité après déchargement. Tandis que, pour les modèles de type Maxwell, une partie de la déformation mécanosorptive reste irrécouvrable après déchargement. D’autre part, le modèle de type Kelvin admet un ralentissement du fluage mécanosorptif vers une valeur limite après quelques cycles d’humidité, alors que pour les modèles de type Maxwell il n’existe pas de limite.

1.1.4.2-b Modèles à activation combinée

Ces modèles considèrent une interaction entre le fluage viscoélastique et le fluage mécanosorptif :

( ) ( ) ( ) ( ) (1.4) où est la déformation élastique instantanée, la déformation due au retrait libre, la forme couplée des déformations viscoélastique et mécanosorptive.

Plusieurs modèles ont été développés sur ce principe (Gril, 1988 ; Hanhijarvi et Hunt, 1998 ; Randriambolona, 2003 ; Husson et al., 2010). Une synthèse approfondie des modèles existants dans la littérature est présentée dans Randriambololona (2003).

Dans la littérature, les travaux sur la modélisation du comportement mécanique du bois sont abondants. Cependant, les données actuelles ne permettent pas de conclure sur la pertinence d’un modèle plutôt qu’un autre pour le séchage du bois (Hanhijärvi et Hunt, 1998 ; Montero, 2010). Les principales raisons sont :

- la complexité du processus de séchage : transferts couplés de masse et de chaleur, - la variabilité du matériau : entre espèces mais aussi entre planches de la même charge

à sécher,

- la complexité du comportement mécanique : influence du temps, de la température, de l’humidité et de l’historique des déformations précédentes sur les contraintes et les déformations pouvant apparaitre au cours du séchage.