CHAPITRE I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Notions et processus hydrologiques
I.IV. La modélisation de la qualité de l'eau des rivières
La qualité de l'eau est un sujet vaste et complexe. Comme cela l’a été exposé précédemment, il
est d'usage de définir la qualité de l'eau par plusieurs paramètres connus (physiques, chimiques
et biologiques). Il est reconnu que la dégradation de la qualité des eaux de surface, les eaux
souterraines et les systèmes d'eau côtières est principalement contrôlée par la structure
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géologique et la lithologie des bassins versants / aquifères, les réactions chimiques qui ont lieu
dans les bassins versants / aquifères ainsi que le type d'occupation du sol et les activités
humaines (Loukas, 2010; Melidis et al., 2007; Naseem et al., 2010, Tsakiris et al., 2009). La
nécessité d'un énorme nombre d'analyses afin de bien caractériser la qualité de l'eau a conduit à
la création d'un grand nombre de modèles permettant de la prédire. Le but de la modélisation
doit être clair et bien défini pour atteindre un maximum de simplicité compatible avec le degré
requis de précision et de détail dans le processus de description du système naturel:
• Dans un sens scientifique le but de la modélisation de développer un modèle conceptuel
clair basé sur toutes les informations disponibles ainsi que de mieux comprendre le
régime de transport des polluants.
• La modélisation peut être utilisée pour évaluer (prédire) la future qualité de l'eau
résultant de différentes stratégies de gestion. Par exemple, l'évaluation de l'amélioration
de la qualité de l'eau après l'installation d'une nouvelle station d’épuration des eaux
usées, ou l'effet de l'évolution industrielle et de rejets d'effluents.
Il existe différents types de modèles :
1) Les modèles mécanistes de la qualité de l'eau sont des modèles qui grâce à des outils
mathématiques expriment les mécanismes du processus qui induisent des changements de la
qualité de l'eau et conduisent à établir des relations "cause et effet". Les modèles mécanistes ont
certains avantages:
• Pour avoir un aperçu et une meilleure compréhension de la qualité d'un cours d'eau
particulière;
• Pour fournir des informations sur les relations "cause et effet»;
• Pour indiquer ce qui n'est pas compris;
• Pour fournir une capacité de prédiction.
2) Les modèles empiriques sont des modèles "boîte- noire". Comme des nombreux modèles
statistiques, ils permettent une description de relations fixes entre les données d'entrée et les
résultats de sortie avec un minimum de compréhension sur la façon dont le système fonctionne.
Les modèles statistiques estiment les paramètres à travers l'analyse statistique et il faut ensuite
vérifier l'adéquation du modèle sur un jeu de données n’ayant pas servies au calage. L'une des
principales limitations des modèles empiriques est qu'ils ne peuvent pas être mis en œuvre dans
d'autres systèmes pour des données hors de la gamme utilisée pour la création du modèle.
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3) Les modèles conceptuels qui englobent les modèles systémiques, paramétriques, boîte-grise,
quasi-déterministes, et synthétiques.
Les progrès l’informatique et des méthodes mathématiques ont permis de mettre en place des
outils qui sont aujourd'hui indispensables pour toutes les activités de la vie humaine. Cet aspect
est tout à fait général et global. Il comprend également les problèmes de protection de la qualité
de l'eau. L'avantage de l'application de ces outils pour le contrôle de la qualité de l'eau des
rivières, des lacs et des aquifères est maintenant apprécié par tous les scientifiques et les
professionnels travaillant dans ce domaine. Un modèle de qualité de l’eau des rivières est une
formulation mathématique des processus biologiques et physico-chimiques (diffusion,
dispersion, advection, sédimentation, resuspension des sédiments...) ainsi que du transport dans
les rivières. Historiquement, la modélisation de la qualité de l'eau de la rivière avait commencé
avec Streeter and Phelps (1925). Ces auteurs ont décrit la décomposition bactérienne de
carbone organique caractérisé par une demande biochimique en oxygène (DBO) et son impact
sur les conditions de l'oxygène dissous. Cette approche simple par des cinétiques de premier
ordre a été améliorée en trois étapes principales. La première étape a été l'amélioration du
modèle en introduisant la vitesse de sédimentation et le taux de décomposition de la matière
dissoute. Le modèle a également été amélioré en utilisant des résultats de la recherche sur le
taux de réaération de surface. La seconde étape a été l'intégration d'un cycle de l'azote
simplifié: l'azote ammoniacal, les nitrates et les nitrites sont pris en compte comme de
nouveaux composants. Ces compléments apparaissent dans QUAL1E, le premier modèle de la
famille QUAL. Dix ans plus tard, la troisième étape a encore étendue l'approche en intégrant le
cycle du phosphore et les algues, permettant de prendre en compte l'azote organique, le
phosphore (organique et minéral), et la biomasse des algues (en termes de chlorophylle a)
comme variables d'état supplémentaires. Ce modèle est connu aujourd'hui comme QUAL2E
(Brown et Barnwell, 1987).
Après 1995, la pollution diffuse a été réduite en raison d'un fort contrôle de son rejet dans les
pays développés. Cependant, les dépôts atmosphériques (sec et humide) de composés
organiques, de métaux lourds et de composés azotés ont montré des effets croissants sur la
qualité de l'eau des rivières (Golomb et al., 1997). En complément des modèles tels que QUAL
2K (Fang et al., 2008), WASP 6 (Artioli et al., 2005), QUASAR (Whitehead et al., 1997 ;
Sincock et Lees, 2002), SWAT (Grizzetti et al., 2003), MIKE 21 (Warren et Bach, 1992) et
MIKE 31 (Rasmussen et al., 2003), d'autres modèles ont également été développés pour
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simuler les conditions plus complexes, comme par exemple dans le cadre d'une étude détaillée
de la Seine (Figure I.28).
Riverstrahler est ainsi un modèle générique de modélisation de la qualité de l’eau et du
fonctionnement biogéochimique des grands réseaux hydrographiques. Il a été développé
d’abord sur la Seine, dans le cadre du programme PIREN-Seine (Billen et al., 1994, Gamier et
al., 1995), puis a été appliqué à divers autres grands bassins fluviaux, comme la Moselle
(Garnier et Billen, 1999), le Danube (Garnier et al., 2002) ou le Fleuve Rouge (Garnier et al.,
2002). Ce modèle est composé de deux modules : Rive, modèle décrivant la cinématique des
processus biologiques et chimiques dans les eaux du réseau hydrographique superficiel
(colonne d’eau et sédiments), a été couplé avec le modèle hydrologique Hydrostrahler. Les
variables d’état d’Hydrostrahler sont des contraintes pour Rive.
Figure I.28 : Représentation schématique du modèle Riverstrahler.
Le tableau I.7 présente une synthèse des principaux modèles de qualité d’eau en rivière
(Reichert et al., 2001 ; Benedini et Taskiris, 2013).
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Tableau I.7 : Modèles de qualité d’eau en rivière O : processus modélisé ; N : processus non
modélisé.
Dans le document
Pollution anthropique de cours d'eau : caractérisation spatio-temporelle et estimation des flux
(Page 74-78)