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FABRICATION PAR INFUSION SOUS VIDE

IV.1.2 Modélisation numérique

Face à la pénurie de modèles analytiques fiables pour décrire de manière quantitative le remplissage d’un moule par un procédé d’infusion sous vide, l’usage de la modélisation numérique est préconisé. Elle permet de préciser davantage les lois constitutives des renforts et les conditions aux limites, car la résolution numérique de l’EDP (équation aux dérivées partielles) non-linéaire mise en jeu n’est pas limitée au même titre que la résolution analytique exacte. Cependant, ce type de modélisation nécessite l’emploi de méthodes numériques spécifiques, que nous allons détailler dans la suite, notamment les méthodes de discrétisation pour la résolution d’EDP non-linéaires ou encore des méthodes de suivi du front d’écoulement.

IV.1.2.1 Méthodes numériques de discrétisation pour la résolution d’EDP non-linéaires

Les méthodes d’analyse numérique sont des outils mathématiques qui offrent la possibilité de résoudre, par discrétisation numérique, des problèmes physiques décrits par des EDP non-linéaires et pour lesquelles aucune méthode de résolution analytique n’est généralement connue. Pour la modélisation du procédé d’infusion sous vide, plusieurs méthodes de discrétisation numérique sont utilisées, notamment la méthode des différences finies (FDM) [31,40,47,55] ou celle des éléments finis (FEM) [22,97–101].

Depuis le début des années 2000, l’une des méthodes les plus répandues pour la simulation de procédés de fabrication par infusion sous vide est celle des éléments finis et des volumes de contrôle (CV/FE) [16,50–52]. Elle permet de simuler l’écoulement d’un fluide à travers un maillage fixe, mais qui implique des conditions aux limites appliquées à une interface mobile (l’avancement du front d’écoulement engendre l’agrandissement du domaine imprégné représentant le domaine d’étude), ce qui impose en conséquence d’associer une méthode de suivi du front d’écoulement en complément de cette méthode de résolution numérique. De plus, elle est même favorisée par rapport à l’emploi de la méthode des éléments finis, car elle offre l’avantage de mieux satisfaire la conservation de la masse [102].

En effet, le principe de base de la méthode CV/FE consiste à obtenir une équation discrétisée, qui imite localement l'équation de conservation de la masse au sein de chaque volume de contrôle [103]. Pour cela, un volume de contrôle est attribué à chaque nœud du maillage élément fini, suivant une méthode bien précise, qui engendre la subdivision du domaine d’abord discrétisé une première fois en éléments finis (cf. Figure 66). Par définition, un volume de contrôle est un polygône, dont le centroïde est l’un des nœuds du maillage en éléments finis. Les contours des volumes de contrôle sont délimités par les segments reliant les centroïdes aux milieux des contours des éléments finis. L’ensemble des contours de chaque volume de contrôle ainsi créés forme une surface de contrôle.

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Figure 66. Création de volumes de contrôle à partir des éléments finis [103].

Dans le contexte de l’infusion sous vide d’une préforme et pour un nœud du maillage élément fini donné, l'équation discrétisée par la méthode CV/FE consiste alors en l’intégrale du terme décrivant la variation d’épaisseur du renfort (taux de déformation) sur le volume de contrôle impliqué (le premier terme de l’équation (58.IV)), rendue équivalente à l’intégrale de la divergence de la vitesse de Darcy (conservation de la masse) sur ce même volume de contrôle (le deuxième terme de l’équation (58.IV)).

Nous pouvons observer une application de cette méthode de discrétisation, à travers l’exemple suivant des travaux de Kang et al [33], dont l’intégrale associée à la conservation de la masse sur un volume de contrôle CV peut également être exprimée par le flux de masse à travers la surface de contrôle CS du volume de contrôle correspondant (le troisième terme de l’équation (58.IV)), grâce au théorème de Green-Ostrogradski :

où 𝐧 désigne le vecteur normal à la surface de contrôle. De plus, le terme associé au taux de déformation de la préforme peut être discrétisé en temps de la façon suivante :

L’indice 𝑛 associe la fraction volumique au pas actuel, alors que 𝑛 − 1 renvoie à la valeur au

pas précédent, et 𝛥𝑡 désigne le pas de temps, choisi suffisamment petit pour minimiser les

erreurs de calcul.

IV.1.2.2 Méthodes numériques pour le suivi de l’avancée du front d’écoulement

Quelle que soit la méthode numérique de résolution par discrétisation numérique employée pour le calcul des champs de pression et de vitesses, celle-ci est toujours associée à une méthode de suivi de l’avancée du front d’écoulement à travers le maillage fixe, imposé par la discrétisation du domaine de calcul (mais qui implique des conditions aux limites

− ∫ 1 𝑉𝑓 𝜕𝑉𝑓 𝜕𝑡 𝑑𝛺 = ∫ 𝛻 ( 𝐾 µ 𝛻𝑃𝑓) 𝑑𝛺 𝐶𝑉 = ∫ (𝐾 µ 𝛻𝑃𝑓. 𝐧) 𝑑𝑆 𝐶𝑆 𝐶𝑉 (58.IV) ɛ̇ = − 1 𝑉𝑓 𝜕𝑉𝑓 𝜕𝑡 = − 1 𝑉𝑓,𝑛−1( 𝑉𝑓,𝑛− 𝑉𝑓,𝑛−1 𝛥𝑡 ) (59.IV)

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mobiles). Nous allons présenter les méthodes de suivi de cette interface les plus utilisées pour la modélisation de la phase de remplissage d’un procédé d’infusion sous vide, parmi celles recensées pour la modélisation de procédés de fabrication de composites.

IV.1.2.2.1 Méthode du Level Set

Parmi les méthodes de suivi de l’avancée d’un front d’écoulement au sein d’un maillage fixe, nous pouvons citer celle du Level Set, qui se traduit par l’attribution d’une fonction Ф(𝑥, 𝑡) scalaire, locale et dépendante du temps, aux différents domaines de la préforme. Cette fonction représente la distance algébrique qui sépare le front d’écoulement de la zone concernée, statuant donc du degré d’imprégnation du renfort en cette zone (cf. Figure 67). Il est possible de délimiter plusieurs régions, en considérant différentes valeurs de Ф(𝑥, 𝑡) :

 Ф(𝑥, 𝑡) = 0, au niveau du front d’écoulement ;

 Ф(𝑥, 𝑡) > 0, pour les régions du renfort déjà imprégnées ;

 Ф(𝑥, 𝑡) < 0, pour les zones sèches du renfort.

Cette méthode se base sur le fait que la position du front d’écoulement est considérée comme le niveau zéro. Cette position doit être réévaluée à chaque pas de temps, au moyen d’une équation faisant intervenir la fonction Ф et qui ne concerne que le front d’écoulement [104] :

Pour l’attribution des valeurs de la fonction Ф aux autres régions de la préforme, une procédure de réinitialisation, à partir des valeurs définies au pas précédent, est nécessaire à chaque nouveau pas de temps, afin de pouvoir recalculer la nouvelle distance séparant le front d’écoulement et la zone de la préforme étudiée.

Figure 67. Méthode du Level Set délimitant le front d’écoulement et les zones sèches et imprégnées de la

préforme [104].

IV.1.2.2.2 Méthode VOF (Volume of Fluid)

En complément de la méthode de résolution numérique des CV/FE, la méthode VOF [105] est souvent associée afin de suivre la position mobile du front d’écoulement à

𝜕Ф(𝑥, 𝑡)

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travers le maillage fixe créé suite à la discrétisation spatiale de la préforme étudiée. La définition de la position du front d’écoulement par cette représentation discrète consiste en un classement des volumes de contrôle en trois catégories, selon la proportion de fluide occupant ces volumes. Un indicateur 𝑓, aussi appelé « taux de remplissage », est associé à chaque volume de contrôle et réactualisé lors de l’avancée du front d’écoulement (soit à chaque pas de temps). Il permet d’évaluer le degré de remplissage du volume de contrôle et de déterminer ainsi une position approximative du front d’écoulement vis-à-vis du maillage (cf. Figure 68), grâce aux valeurs de taux de remplissage suivantes :

 si 𝑓 = 1, alors le volume de contrôle est totalement rempli par le fluide ;

 si 𝑓 = 0, ce volume de contrôle est encore sec et n’est pas pris en compte dans le

domaine de calcul ;

 si 0 < 𝑓 < 1, le volume de contrôle est partiellement rempli, signifiant que le

front d’écoulement le traverse. Un front d’écoulement approximatif (numérique) peut alors être défini comme l’ensemble des contours des éléments du maillage qui se situent au sein des volumes de contrôle partiellement remplis.

Figure 68. Approximation du suivi du front d’écoulement par la méthode VOF [106].

Cette méthode d’approximation de la position du front d’écoulement dans le renfort n’entraîne pas une application des conditions aux limites cohérente avec celles effectives lors d’une expérience d’infusion réelle [107]. Au-delà du front d’écoulement numérique, il y a présence d’éléments partiellement remplis, scindés en deux parties délimitées par le front d’écoulement réel (cf. Figure 68) : à la Figure 69, nous pouvons observer d’un côté une zone imprégnée (zone colorée) et de l’autre, une zone sèche (zone blanche). C’est au niveau de ces éléments finis partiellement remplis que les conditions aux limites sont appliquées de manière incohérente vis-à-vis des cas d’infusions réels.

Il est important de noter que par cette méthode, une pression nulle du fluide n’est appliquée qu’aux nœuds associés à un facteur de remplissage lui aussi nul. Par ailleurs, la méthode des CV/FE conventionnelle ne supporte qu’une unique valeur de gradient de pression au sein d’un même élément et la méthode VOF considère l’entièreté de l’élément comme partiellement imprégnée, sans distinction des deux zones imprégnée et sèche. Par conséquent, une distribution linéaire et continue du champ de pression est considérée au sein

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de cet élément semi-imprégné, et il en résulte qu’une pression non nulle est appliquée au front d’écoulement réel (cf. Figure 69.a). Or, une modélisation au plus proche du réel de la distribution du champ de pression dans cet élément doit faire intervenir une discontinuité du champ de pression avec, en particulier, l’application d’une pression nulle au niveau du front d’écoulement réel (cf. Figure 69.b).

a) Méthode VOF b) Cas réel

Figure 69. Limites de l’utilisation de la méthode VOF : erreur de distribution du champ de pression au sein

d’un élément à proximité du front d’écoulement numérique [106].

IV.1.2.2.3 Méthode FINE (Floating Imaginary Nodes and Elements)

La méthode VOF peut être améliorée grâce à l’emploi de la méthode FINE, afin de remédier aux problèmes précédemment évoqués, concernant la précision de l’application des conditions aux limites au niveau du front d’écoulement [107]. Cette méthode consiste en un raffinement du maillage initial, à proximité du front, dans le but de préciser davantage sa position au sein du maillage. Pour cela, la création de nœuds virtuels est nécessaire, placés à l’intersection des contours des éléments concernés avec le front d’écoulement réel (cette intersection est identifiée par les points des contours de l’élément pour lesquels un facteur de remplissage est évalué à 0.5 grâce à une interpolation).

Par cette méthode, chaque élément concerné est divisé en quatre nouveaux sous-éléments (i), (ii), (iii) et (iv) (illustrés à la Figure 70), les contours desquels sont délimités par les intersections du front d’écoulement réel avec les contours du maillage original. La position de ces intersections (ou nœuds virtuels) évolue à chaque pas de temps le long des contours de l’élément. Un dernier nœud virtuel est enfin créé au milieu du troisième côté de l’élément (le seul qui ne présente pas d’intersection avec le front). Ainsi, les quatre sous-éléments (triangulaires, eux aussi) sont délimités par les trois nœuds du maillage d’origine et les trois

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nœuds virtuels nouvellement créés, ce qui permet désormais d’appliquer de manière plus précise les conditions aux limites en pression au sein du maillage, à savoir aux deux premiers nœuds virtuels où 𝑓 = 0.5.

Figure 70. Schéma de la sous-division d’un élément au front par la méthode FINE [107].

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