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III. Modélisation de l’adsorption

III.3. Modélisation moléculaire

On peut montrer que l’entropie de Boltzmann est obtenue quand on maximise l’entropie du système, comme attendu d’après la seconde loi de la thermodynamique. En utilisant la méthode du multiplicateur de Lagrange λ, on montre que l’entropie est maximisée pour : , c'est-à-dire pour une probabilité égale de tous les micro-états [119]. Pour un système isolé, les deux définitions de l’entropie sont donc équivalentes.

Ainsi, la mesure d’une grandeur A est exprimée par sa moyenne <A> qui correspond à une mesure simultanée de cette grandeur sur un nombre suffisamment grand de systèmes identiques à l’équilibre. Grâce à cette moyenne, la variation temporelle (fluctuation du système entre les micro-états) ne fausse donc pas la mesure.

III.3. Modélisation moléculaire

La modélisation (ou simulation) moléculaire permet ici, grâce aux principes décrits dans les sous-chapitres précédents, de calculer l’état d’un système composé d’une surface solide en contact avec un réservoir. L’adsorption de molécules de gaz en fonction de la pression partielle de gaz appliquée peut donc être connue sans avoir besoin d’effectuer les mesures expérimentales.

III.3.a. Méthodes de modélisation moléculaire

La modélisation moléculaire est une technique de calcul qui repose sur le calcul d’un grand nombre d’états d’un système. Ainsi en mesurant la moyenne d’un grand nombre de micro-états de ce système, il est possible d’extraire les valeurs des propriétés macroscopiques recherchées. Ici nous nous intéresserons particulièrement au nombre de molécules, à la masse volumique de la phase adsorbée, et aux variations d’énergie sous l’effet de l’adsorption.

Il existe plusieurs approches pour la modélisation (ou simulation) moléculaire, qui peut être fondées sur la physique quantique ou classique. La première consiste à modéliser un système à partir des propriétés quantiques des atomes. Il s’agit de résoudre l’équation de Schrödinger afin d’obtenir les fonctions d’onde et donc les densités de probabilité de présence des électrons. Les méthodes quantiques nécessitent des capacités de calcul importantes, et ne permettent pas de traiter des systèmes de plus de quelques centaines d’atomes, ou une durée de plus de quelques picosecondes. La théorie fonctionnelle de la densité [120], permet de considérer des systèmes plus grands (quelques milliers d’atomes) grâce à une reformulation du problème quantique. Dans le cas d’une approche classique, les orbitales électroniques ne sont pas considérées, mais seulement les interactions entre les atomes, ce qui augmente la taille des systèmes modélisables. Parmi les méthodes les plus utilisées sont la dynamique moléculaire et la méthode Monte Carlo.

La dynamique moléculaire consiste à résoudre et à intégrer au cours du temps les équations du mouvement pour toutes les particules du système. Ainsi on peut prévoir l’évolution du système au cours du temps, et mesurer les propriétés liées au temps, comme la diffusion d’espèces, par

exemple. Cette méthode est également coûteuse en temps de calcul, mais permet de traiter plusieurs dizaines de milliers d’atomes.

La méthode Monte Carlo (MC) consiste à simuler un système et à sonder aléatoirement (d’où son nom) les micro-états accessibles pour sélectionner l’état le plus favorable énergétiquement. Ceci est répété un grand nombre de fois afin d’extraire les propriétés thermodynamiques de façon statistique.

Au contraire de la dynamique moléculaire, la méthode MC ne permet pas de connaître l’évolution du système au cours du temps, du fait de la méthode de tirage aléatoire utilisée. En effet, pour obtenir aléatoirement les configurations du système à l’équilibre, on utilise l’algorithme de Métropolis [121]. Celui-ci consiste à effectuer une transition du système entre l’état a et l’état b, i.e. un déplacement des atomes, et/ou une insertion ou retrait d’atomes dans la boîte de calcul, et à calculer l’acceptation ou le refus de cette transformation. Ceci est fait en mesurant la variation de l’énergie interne ΔUa,b

au cours de la transformation : si elle est négative, on accepte le passage, sinon, on applique une probabilité d’acceptation Pa,b égale au rapport des probabilités ρa et ρb des deux états. Pa,b est ensuite comparée à un nombre aléatoire λ dans l’intervalle [0, 1]. Si λ ≤ Pa,b , le passage est accepté, sinon il est refusé. Les déplacements sont faits en choisissant une valeur de distance de déplacement δr pour les espèces considérées. Cette valeur doit être assez élevée pour sonder rapidement les micro-états accessibles, mais assez faible pour ne pas « manquer » un état métastable (minimum local d’énergie). En pratique on choisit une valeur permettant d’avoir 50 % d’acceptation des configurations proposées [122].

Même si la méthode MC ne permet pas de connaître l’évolution du système au cours du temps, elle est tout à fait adaptée à la modélisation des phénomènes d’adsorption puisqu’il s’agit d’une méthode permettant de décrire la thermodynamique du système. En effet, les isothermes sont des mesures de la quantité de molécules adsorbées à l’état d’équilibre avec un réservoir qui impose une température et une pression de gaz.

III.3.b. Ensemble grand canonique et potentiels d’interaction Pour modéliser l’adsorption d’espèces, il faut travailler dans un ensemble où l’échange de molécules entre le système et le milieu extérieur est permis, i.e. un système ouvert. On distingue plusieurs systèmes en thermodynamique, selon les propriétés thermodynamiques voulues (Tableau III.3.1).

Tableau III.3.1. Correspondance entre les définitions des systèmes thermodynamiques et les ensembles de

physique statistique.

Thermodynamique Physique statistique

Paramètres fixés

Système Ensemble

Isolé Microcanonique N, V, E

Isotherme Canonique N, V, T

Isotherme & Isobare Isotherme & Isobare N, P, T

L’ensemble équivalent en physique statistique est également donné dans ce tableau. Ainsi la méthode utilisée est appelée « Monte Carlo Grand Canonique » (GCMC), et le calcul de l’énergie du système repose sur la connaissance des potentiels d’interaction entre les espèces.

Pour décrire les interactions avec les surfaces, deux potentiels d’interaction sont utilisés pour décrire d’une part les interactions coulombiennes (charges partielles), et d’autre part les interactions de van der Waals (dipôles et forces de dispersion). Le potentiel de Lennard-Jones (Figure III.3.1) consiste en une contribution des forces de van der Waals, sous la forme d’une interaction attractive (~ 1/r6) qui décrit les interactions dispersives, et une approximation du principe d’exclusion de Pauli, qui est lié à la répulsion entre les nuages électroniques des atomes (~ 1/r12).

Le développement d’un potentiel pour une espèce (par exemple l’eau) nécessite un travail très important, car toutes les propriétés macroscopiques doivent être obtenues à partir de ces interactions. Ce développement nécessite donc de simuler de nombreuses expériences afin de tester la densité, les températures de changement de phase, la cristallisation, etc. pour l’espèce étudiée. Nous avons donc utilisé les potentiels disponibles dans la littérature pour décrire les potentiels et les géométries des molécules des différents gaz, à savoir l’eau [132, 133], le méthanol [125] et le toluène [135, 136]. Les positions des atomes (géométrie) et les valeurs des potentiels d’interaction sont données en annexe. Finalement, on décrit chaque atome du système en y associant les charges partielles et les potentiels d’interaction correspondants. On note qu’on simplifie les groupements CH3 du méthanol et du toluène, modélisés comme un « gros » atome pour réduire le temps de calcul (modèle dit "united atom").

Figure III.3.1. Représentation du potentiel de Lennard Jones en fonction de la distance r qui sépare deux

atomes.

Une fois les potentiels choisis, les interactions entre surfaces et molécules sondes peuvent être calculées, par exemple à l’aide des lois de mélange de Lorentz-Berthelot [137, 138]. Ces lois simples sont largement utilisées en modélisation pour limiter le temps de calcul, et permettent d’obtenir les valeurs σab et εab des interactions de Lennard-Jones. On obtient donc σab en effectuant la moyenne

géométrique de σa et σb , et on obtient εab par la moyenne arithmétique de εa et εb , i.e. et .

On peut alors programmer le calcul de la simulation, en positionnant la surface solide dans une boîte de simulation, puis en imposant des conditions aux limites périodiques et un réservoir qui fixe la température T et la pression partielle de gaz (plus précisément sa fugacité, qui est égale à la pression partielle pour un gaz idéal).

Le système, composé au début du calcul de la surface et d’une seule molécule de gaz, va donc évoluer vers un état d’équilibre avec le réservoir. Dans le cas d’une isotherme d’adsorption, le nombre de molécules va donc augmenter jusqu’à se stabiliser (phase de thermalisation). On effectue ensuite un certain nombre de simulations (phase de production) afin d’obtenir la statistique nécessaire à l’extraction des paramètres recherchés. Les systèmes modélisés et l’exploitation des résultats sont décrits en partie V.3.

Partie B – Méthodes et techniques de expérimentales

Dans cette partie seront décrites tout d’abord les conditions de dépôt et de post-traitement des échantillons. Les techniques expérimentales de caractérisation seront également décrites. Enfin, les systèmes simulés pour les « expériences numériques » d’adsorption de gaz seront présentés.