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V. Techniques de caractérisation et conditions expérimentales

V.3. Modélisation moléculaire de l’adsorption

Nous décrirons seulement ici les systèmes et l’extraction des résultats, les bases théoriques ayant été exposées en partie III.3.

V.3.a. Systèmes modélisés

Comme nous l’avons discuté précédemment (cf. partie II.1), l’ellipso-porosimétrie (EP) est un outil de choix pour caractériser la porosité des matériaux low-k. Toutefois, dans le cas de matériaux microporeux, l’application d’un modèle simple pour obtenir une distribution de la taille des pores nécessite la connaissance préalable des courbes dites t-curves (voir partie II.1.a.1). Ces isothermes

d’adsorption doivent être mesurées sur un matériau dense possédant une composition chimique identique au matériau à caractériser. Ceci est difficile expérimentalement pour nos matériaux de référence, puisque la réticulation de la matrice, et donc les groupements à la surface des pores, dépendent de la quantité de porogène inclus dans le dépôt et des conditions de dépôt PECVD. Le problème devient encore plus complexe pour les matériaux endommagés, pour lesquels la modification est en partie due à cette porosité.

Nous avons donc utilisé la modélisation moléculaire, plus précisément la méthode Monte Carlo dans l’ensemble Grand Canonique, décrite en partie III.3, afin d’obtenir ces isothermes d’adsorption sur surfaces planes (ou « t-curves ») de référence.

Un bloc de silice amorphe a d’abord été obtenu à partir d’une cellule de silice cristalline (cristobalite), montrée en Figure V.3.1. Cette cellule est dupliquée dans les trois directions de l’espace pour obtenir un bloc de silice cristalline (Figure V.3.2).

Figure V.3.1. Cellule unitaire de cristobalite utilisée

pour la simulation moléculaire. Les atomes de silicium sont en couleur or, et ceux d’oxygène en rouge.

Figure V.3.2. Bloc de silice cristalline obtenu par duplication (5x5x5) de la cellule de cristobalite. Les dimensions du bloc de silice sont de 3 × 3 × 3 nm3. Le code couleur est le même que pour la cellule unitaire.

Un recuit simulé a ensuite été effectué sur le bloc, i.e. la température du système a été fixée à 2000 K par modélisation dynamique moléculaire, afin de prendre en compte la cinétique des atomes du système. Le progiciel DL_POLY Classics [153] et le potentiel d’interactions Carre–Horbach–Ispas–Kob (CHIK) [154] ont été utilisés pour cela. La silice a ensuite subi une trempe thermique pour garder la structure amorphe obtenue. Ceci est réalisé avec des séries de modélisations successives, en diminuant la température du système de 10 % à chaque série, jusqu’à atteindre la température ambiante (300 K). La durée de chaque modélisation est de 300 ps afin de permettre une relaxation du système.

Une structure de 3 x 3 x 3 nm3 est ensuite découpée dans le bloc pour être introduite dans la boîte de simulation choisie (3 × 3 × 10 nm3). Les atomes d’oxygène ayant des liaisons pendantes en surface sont alors « passivés » avec des atomes d’hydrogène pour obtenir une surface de silice hydroxylée (Figure V.3.3), dite « SiOH ». La densité surfacique de groupements silanol obtenue de cette façon est de 6.8 nm-2, soit une valeur standard pour une silice hydroxylée « réelle », puisqu’on mesure typiquement entre 3 et 10 nm-2 selon les silices [155].

Deux autres surfaces ont ensuite été modélisées. La première, dite « SiCH3 », est obtenue en substituant les groupements OH par des groupements méthyle, dans le but d’être représentative du matériau low-k non modifié. La seconde, dite « SiCF3 », est obtenue de la même façon, par substitution des silanols par des groupements trifluorométhyle (CF3).

La composition du matériau low-k modifié par les procédés de fabrication des interconnexions n’étant pas précisément connue, deux taux de substitution des groupements silanol η ont été

étudiés : η = 70 % et η = 100 %. Ainsi cinq surfaces fonctionnalisées de silice ont été fabriquées, et le calcul Monte Carlo permet d’obtenir les isothermes d’adsorption sur ces surfaces des trois molécules de gaz considérées (Figure V.3.4). Les potentiels utilisés pour la modélisation des interactions entre les molécules adsorbées et les surfaces sont issus de la littérature (voir partie III.3), et sont donnés en annexe 2.

L’effet du rayon de courbure a également été étudié par la modélisation de pores cylindriques. Trois pores ayant respectivement un diamètre de 2,4 nm, 3,2 nm et 4,8 nm (Figure V.3.5) ont donc été découpés dans des blocs de silice amorphe de 100 x 70 x 70 nm3. A la surface des pores, les groupements silanol de surface ont été substitués comme dans le cas des plans pour obtenir les trois compositions de surface SiOH, SiCH3 et SiCF3 (η = 100 %).

Figure V.3.3. Surface de silice amorphe hydroxylée utilisée en modélisation. Les atomes de silicium sont en

couleur or, ceux d’oxygène en rouge, et ceux d’hydrogène en blanc.

Figure V.3.4. Molécules d’eau (haut à gauche), de méthanol (haut à droite) et de toluène (bas) utilisées en

Figure V.3.5. Pores modélisés pour l'étude de l'influence du rayon de courbure sur l'adsorption.

Finalement, tous les échantillons numériques considérés sont résumés dans le Tableau V.3.1.

Tableau V.3.1. Récapitulatif des échantillons modélisés.

Groupements de surface Plan Pore 2,4 nm Pore 3,2 nm Pore 4,8 nm

Si-OH X X X X

Si-OH et Si-CH3 = 70 %) X

SiCH3 (η = 100 %) X X X X

Si-OH et Si-CF3 (η = 70 %) X

SiCF3 (η = 100 %) X X X X

Treize configurations sont calculées pour chaque système, afin de modéliser l’adsorption à différentes pressions partielles de gaz P/P0, avec P0 la pression de vapeur saturante du gaz. Ainsi on fixe la fugacité de chaque gaz utilisé pour avoir des points à la fois à basse pression partielle (10-3P0, 10-2P0, 5.10-2P0 et 0.1P0) et dans le reste de la gamme (de 0.2P0 à P0 par pas de 0.1P0).

V.3.b. Extraction des résultats

Une fois les systèmes équilibrés, la quantité de molécules adsorbées est calculée comme la moyenne du nombre de molécules pour les 1000 dernières configurations Monte Carlo calculées. Ainsi on obtient le nombre <N> de molécules adsorbées et l’énergie interne du système <U> à l’équilibre thermodynamique, à partir des valeurs obtenues pour les 1000 dernières configurations simulées. La position des atomes étant connues, on peut également connaître la densité de la phase adsorbée en rapportant la densité de molécules présentes à la surface à la densité de la phase liquide (bulk). La chaleur isostérique d'adsorption qst est définie comme la chaleur libérée par le système au cours de l'adsorption d’une mole de molécules lorsque Na atomes sont déjà adsorbées, et correspond donc à l'opposé de l'enthalpie différentielle d’adsorption. La chaleur d’adsorption peut s’exprimer par l’équation (V.5) [156]

Partie C – Résultats et discussion

Dans cette troisième partie seront présentés les résultats de caractérisation des dommages apportés aux couches minces de matériaux low-k pendant les traitements de gravure, nettoyage et polissage pendant le processus de fabrication.

Nous nous intéresserons d’abord aux modifications de composition chimique, à l’aide de techniques spectroscopiques (FTIR et XPS). Les dommages causés par les différentes étapes touchent principalement les groupements silyle, dont la liaison Si-C est la plus fragile dans le matériau. Les liaisons pendantes réagissent ensuite avec des molécules d’eau de l’air pour former de silanols. Ces modifications provoquent un comportement de surface différent qui sera évalué par des mesures d’angle de mouillage.

Nous montrerons ensuite que les modifications ne sont pas limitées à la modification chimique, mais que la microstructure du matériau poreux est également modifiée. Les modifications du volume libre sont étudiées par EP, qui repose sur l’utilisation de différents modèles. Afin d’améliorer la précision des résultats obtenus par cette technique, l’adsorption de gaz a d’abord été modélisée à l’échelle moléculaire sur des surfaces silices fonctionnalisées. Les isothermes d’adsorption obtenues fournissent de nombreuses informations sur l’organisation des molécules au voisinage de la surface. En particulier, l’affinité sonde-surface varie quantitativement selon la composition chimique de surface. Nous utiliserons ces résultats pour étudier les tailles de pores, en confrontant les résultats obtenus par adsorption de gaz (EP) et par diffusion de rayons X (GISAXS). Finalement, le réseau poreux sera caractérisé par PALS et par EP cinétique afin de comprendre les paramètres régissant la diffusion de molécules dans la couche.

Finalement, les conclusions et recommandations concernant la fabrication des circuits intégrés seront présentées dans le dernier chapitre. Nous verrons que le développement des nettoyages doit continuer sur un mélange d’acides qui permet de limiter les modifications du matériau en gardant une efficacité suffisante. Les derniers développements de la scattero-porosimétrie (EP sur motifs de lignes parallèles) seront également exposés, et on montrera les similitudes en termes de modifications par rapport aux couches pleine plaque. Enfin, une comparaison de l’efficacité de deux procédés de restauration sera faite sur des matériaux low-k endommagés de porosité variable.

VI. Analyse chimique et structurale

L’analyse des modifications du matériau low-k constitue le point central de cette thèse, et nous montrons ici comment on peut décrire ces modifications en utilisant plusieurs techniques complémentaires. En effet, la question sous-jacente au sujet de ce travail est la minimisation des modifications, et la réparation des dommages subis. Il est donc nécessaire dans un premier temps de caractériser les dommages avec assez de précision pour mesurer l’efficacité de tels traitements. Cette partie décrit donc les propriétés chimiques (composition) et structurales (liaisons chimiques) des matériaux étudiés. La première sous-partie traite du matériau de référence (ou non-modifié), alors que dans la suite on s’intéresse à l’impact des différents traitements par plasma, par voie chimique ou par le polissage mécano-chimique.

Les propriétés sont étudiées en partant des propriétés « macroscopiques » de la couche, c'est-à-dire la composition globale, et les propriétés de mouillage observables par dépôt d’une goutte d’eau. On approfondira ensuite cette description à l’échelle atomique à l’aide de techniques de surface (XPS), ou définies en profondeur (ToF-SIMS). Enfin, on s’intéressera aux modifications aux modifications microstructurales du solide, i.e. la réticulation du réseau organosilicique.

Nous verrons que l’utilisation de chaque technique donne des résultats soit relatifs, soit indirects, et qu’il est nécessaire d’effectuer des recoupements entre les analyses afin de conclure. En particulier, l’analyse chimique présentée dans ce chapitre est à corréler avec l’analyse « physique » (densité, porosité) qui sera présentée dans la partie suivante.