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Modélisation moléculaire

5 Synthèse de diamines chirales pour la réaction de lithiation-substitution

5.6 Design des ligands chiraux et hypothèse rétrosynthétique

5.6.1 Modélisation moléculaire

5.6.1.1 Préambule

La détermination et l’analyse de la structure 3D des molécules sont primordiales en chimie organique, biologie, pharmacologie et en chimie médicinale. Les récents développements en informatique, en chimie théorique et bioinformatique permettent la prédiction, l’étude et le design des structures moléculaires in silico. Afin d’appuyer le design des ligands chiraux et de comparer la structure de la spartéine avec des ligands modèles, la modélisation moléculaire s’est avérée un choix judicieux. La modélisation moléculaire est un outil informatique permettant au chimiste organicien de prévoir le comportement et la conformation des molécules dans un système ou de comparer plusieurs molécules entre elles. La modélisation amène la compréhension des phénomènes, principalement à l’échelle moléculaire.

Il existe principalement deux méthodes de calculs en modélisation : la mécanique moléculaire, plus simple et plus rapide, et la chimie quantique, qui demande un temps de calcul beaucoup plus long et complexe ainsi que des ordinateurs très performants. De plus,

la mécanique moléculaire est fondée sur des méthodes de calcul paramétrisées d’après des résultats expérimentaux d’un ensemble de molécules donc empirique. En fait, les études en mécanique moléculaire font appel à un système constitué d’un modèle mathématique permettant de calculer l’énergie (E) et d’un jeu de paramètres. L’ensemble du modèle mathématique et des paramètres constituent le champ de force. Le traitement des molécules se fait selon le modèle « balle-et-ressort » qui obéit aux lois de la mécanique classique. Les données empiriques sont utilisées comme paramètres dans les équations de mécanique moléculaire. La chimie quantique est basée principalement sur l’équation de Schrödinger et de tout ce qui en découle (électrons, fonctions d’ondes, protons, interactions). Pour ces raisons, nous avons choisi d’opter pour des études en mécanique moléculaire en utilisant le logiciel MOE.

5.6.1.2 Choix du champ de force et de la méthode de calcul de l’énergie

Premièrement, pour effectuer les calculs de modélisation, et déterminer les conformations de plus basse énergie à l’aide du logiciel MOE, il faut sélectionner un champ de force. Ce champ consiste en une fonction mathématique (Équation 1) utilisée pour modéliser chaque terme énergétique (E) contribuant à l’énergie totale de la molécule :

Etotale = Eélongation + Edéformation + Etorsion + EVan der Waals + E électrostatique + Eliens H

Équation 1 : Calcul de l'énergie totale d’une molécule

Le champ de force choisi est le « Merck Molecular Force Field » (MMFF) développé par les laboratoires de recherche Merck.135 Ce champ est basé sur le MM2, conçu pour les petites molécules organiques.136

Deuxièmement, afin de générer des conformations et effectuer des calculs, la méthode de recherche conformationelle stochastique a été sélectionnée. Cette méthode génère de nouvelles conformations moléculaires en perturbant aléatoirement la position de chaque atome dans la molécule par de petites variations, typiquement moins de deux angströms, suivies par une minimisation d’énergie. C’est une méthode rapide et puissante qui permet d’obtenir des conformations d’énergie minimum locale. Cependant, afin de

repérer les minimums globaux, plusieurs calculs doivent être effectués et comparés entre eux.

5.6.1.3 Résultats de la modélisation moléculaire

Les études de modélisation moléculaire ont été effectuées en utilisant les trois modèles présentés à la Figure 38: la (-)-spartéine 68, la c[L-Pro-L-Pro]R 92 et la c[L-Leu- L-Leu]R 93. Il est à noter que la lettre « R » représente les composés réduit tandis que les lettres « RM » représentent les composés réduit et méthylés.

N N H H (-)-spartéine N N c[L-Pro-L-Pro]R N N c[L-Leu-L-Leu]RM 68 92 93

Figure 38: Modèles utilisés pour les études de modélisation moléculaire

La Figure 39 démontre une superposition des conformations de plus basse énergie

en présence d’un atome de lithium pour chaque modèle. Il est à noter que la conformation représentée est celle déterminée à partir de 20 calculs de minimisations énergétiques. De plus, afin d’augmenter la validité des résultats, l’inversion chirale a été omise. Les autres paramètres sont présentés dans la partie expérimentale.

Premièrement, dans les deux composés modèles, les atomes d’azote électrodonneurs représentés en bleu sont superposables à ceux de la (-)-spartéine. Pour ce qui est de la distance entre l’azote et le lithium, une plus grande distance est observée dans le cas c[L- Pro-L-Pro]R 92, de l’ordre de 2,5 % environ, ce qui laisse supposer une coordination moins forte avec le métal. Par ailleurs, dans les deux composés modèles, l’angle de liaison formé par l’azote, le lithium et l’azote est de moins de 10% inférieur à celui obtenu avec la (-)- spartéine, pouvant démontrer que la paire d’électrons libres est orientée dans la même direction permettant une complexation adéquate avec le métal.

Figure 39 : Superposition des conformations de plus basse énergie des modèles étudiés Tableau 4 : Distance azote-lithium et angle dièdre obtenus par modélisation moléculaire

des composés modèles 68, 92 et 93

Composés Distance N-Li (Å) Angle N-Li-N (º)

(-)-spartéine 68 1,90 92,1

c[L-Pro-L-Pro]R 92 2,06 82,2

c[L-Leu-L-Leu]RM 93 1,95 83,3

La dernière étude réalisée par modélisation moléculaire permettait de vérifier si, à la lueur des résultats obtenus précédemment, les composés modèles peuvent lier efficacement le lithium comme ligand bidentate tout comme la (-)-spartéine. Les résultats pour la spartéine sont présentés à la Figure 40 et sont en accord avec ceux de la littérature.137 Comme prévu, lorsqu’aucun métal n’est présent, la spartéine présente deux conformations de plus basse énergie (Figure 40 a et b). Les deux conformères diffèrent significativement dans le positionnement des deux atomes d’azote : dans la Figure 40a, les paires d’électrons libres sont orientées dans la même direction menant à un ligand bidentate, tandis que dans la figure 40b, les atomes électrodoneurs peuvent agir indépendamment dans la coordination avec un métal. Dans ces conditions, cette dernière conformation est favorisée. Cependant, lors de l’ajout d’un cation lithium au système, la conformation favorisée est en faveur du complexe bidentate (Figure 40c). La structure de plusieurs complexes organolithium•(-)- spartéine a été déterminée par analyse aux rayons X et démontre bien dans tous les cas un complexe η2-ligand.138

Figure 40 : Étude de modélisation moléculaire de la (-)-spartéine 68 sans (a et b) et avec (c

et d) présence de lithium

Les mêmes études ont été réalisées avec le ligand c[L-Pro-L-Pro]R 92 (Figure 41). Des conclusions semblables peuvent être tirées. Cependant, les deux conformations de plus basse énergie en absence et en présence de lithium présentent de plus faibles différences énergétiques. Ceci pourrait laisser croire que ce ligand agirait préférentiellement comme ligand bidentate sans écarter la possibilité d’agir à titre de ligand monodentate.

Figure 41 : Étude de modélisation moléculaire de la c[L-Pro-L-Pro]R 92 sans (a et b) et

Pour conclure, les études de modélisation moléculaire et la comparaison des résultats obtenus avec la (-)-spartéine 68 et ceux des ligands modèles 92 et 93 démontrent que ces ligands possèdent les caractéristiques nécessaires à la complexation de métaux comme le lithium. Il est donc plausible d’envisager la synthèse d’une banque de pipérazines chirales pouvant remplacer la (-)-spartéine dans différentes réactions chimiques.