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Nous allons proposer dans cette section une modélisation micro-mécanique du comporte-ment observé de la résistance au cisaillecomporte-ment et de la compacité en fonction de la non-convexité des particules. Cette modélisation micro-mécanique permet de comprendre ces comportements à caractère macroscopique à partir des propriétés statistiques du réseau des contacts et de la distribution des volumes des pores.

3.7.1 Origines de la résistance au cisaillement

Nous avons caractérisé la microstructure des empilements dans l’état critique, en quantifiant par des outils statistiques la géométrie du réseau de contacts et de forces de contact. Les figures 3.11, 3.15et3.22montrent clairement que le déviateur des contraintes s’accompagne du déve-loppement d’une anisotropie dans l’orientation des contacts et dans la distribution angulaire des forces de contact.

Cette corrélation peut être mise en évidence sur une base solide en considérant l’expression du tenseur des contraintes (3.3) écrite sous la forme intégrale et en utilisant les développements de Fourier des fonctions P (θ), "fn#(θ) et "ft#(θ) [93]. En faisant l’hypothèse que les forces et les tailles des particules ne sont pas corrélées et en négligeant les produits des anisotropies, l’expression suivante est établie :

sin ϕ = q

p % 12(ac + afn + aft). (3.22) Cette expression est très bien vérifiée pour les systèmes composés de disques, de particules po-lyédriques en 3D, des particules polygonales en 2D et pour des systèmes à forte polydispersité de taille. Elle suggère que l’angle de frottement interne résulte du potentiel du système à déve-lopper une structure anisotrope ou une transmission anisotrope des forces. Ainsi, lorsque cette relation fonctionne, l’origine de la résistance au cisaillement doit être recherché en considérant ces anisotropies en fonction des paramètres du système. Dans notre cas, ce paramètre est la non-convexité η.

MODÉLISATION MICRO-MÉCANIQUE 95

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

η

0.25

0.30

0.35

0.40

0.45

0.50

q

*

/p

0.5(a

*c

+a

*fn

+a

*ft

)

FIGURE 3.23 – Déviateur de contrainte normalisé q*/p en fonction de η et approximation

har-monique donnée par l’équation (3.22). Les barres d’erreurs représentent l’écart type autour de la valeur moyenne.

La figure 3.23, montre l’évolution de q/p en fonction de η ainsi que l’approximation 0, 5(a

c + a fn + a

ft) en fonction de η dans l’état critique. Les valeurs des anisotropies sont évaluées à partir des données. On voit que cette approximation est excellente quelle que soit η. Ainsi, l’augmentation et la saturation de q/p reflète directement le comportement similaire des trois paramètres d’anisotropie. Comme a

ft < a fn < a

c, l’essentiel de la résistance au cisaille-ment dans un empilecisaille-ment constitué des particules non convexes provient de l’anisotropie des contacts (texture) et les anisotropies des forces normales (formation des chaînes de force) et des forces de frottement (mobilisation du frottement) viennent en deuxième et en troisième.

3.7.2 Un modèle pour la compacité

Nous avons vu que l’évolution de la compacité en fonction de η est non monotone. Ce résul-tat n’est pas trivial dans la mesure où, en raison de l’augmenrésul-tation du degré de non-convexité des particules, on s’attend à ce que la compacité des empilements diminue par enchevêtrements entre agrégats. Pour comprendre l’augmentation de la compacité à partir de la compacité à η = 0, il est nécessaire de considérer les différentes populations de pores entre agrégats dont un exemple est représenté sur la figure3.24pour η = 0, 5. Dans cette section, nous présentons un modèle relativement simple qui permet d’approcher la variation de la compacité dans les états isotrope et cisaillé.

Ce modèle est basé sur la distinction entre deux catégories de pores, comme illustré sur la figure 3.25 : 1) les pores type I formés avec uniquement les parties convexes des agrégats et 2) les pores type II impliquant au moins une partie non convexe du contour des agrégats.

96 RHÉOLOGIE ET TEXTURE EN CISAILLEMENT

FIGURE3.24 – Visualisation de la structure des pores pour l’échantillon η = 0, 5 dans l’état initial.

(a) (b)

FIGURE3.25 – Pores de type I (a), formés entre des parties convexes des agrégats, de type II (b),

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A R = 1 fixé, c’est-à-dire pour des agrégats tous contenus dans le même cercle circonscrit, le rayon r des disques diminue lorsque η augmente. Par conséquent, le volume des pores de type II diminue comme r2 et cet effet contribue à un gain de compacité. Au contraire, les pores de type II incorporent des volumes de plus en plus importants de vide dus aux frontières non convexes des agrégats et qui ne peuvent pas être comblés par simple rapprochement entre particules. Le modèle permet de formaliser cette idée et de proposer une expression phénoménologique de la variation de la compacité en fonction de η.

Pour construire ce modèle, nous considérons deux grandeurs volumiques :

1. Vp, le volume moyen d’un agrégat normalisé par le volume πR2 du cercle circonscrit, 2. Vf, le volume libre moyen par agrégat défini comme étant le volume moyen des pores par

agrégat.

Nous supposons que la compacité est distribuée de manière homogène dans les échantillons de telle sorte que les hétérogénéités mésoscopiques liées à la présence des bandes de cisaillement ou parois rigides ne sont pas considérées. En réalité, comme on le verra au chapitre 4 la va-riabilité de compacité en présence de telles hétérogénéités est globalement plus faible que la variation de la compacité avec la non-convexité des agrégats.

La compacité est par ρ = Vp/(Vp+Vf) et l’indice des vides par e = Vf/Vp. La normalisation par πR2 implique que Vp = 1 lorsque η = 0. Par construction, lorsque η augmente, Vp décroît. Par suite, on peut définir la quantité 1 − Vp comme étant la porosité propre de chaque particule (voir figure 3.26) et Vf − (1 − Vp) correspond à la porosité résiduelle de l’espace interstitiel situé entre trois agrégats ou plus.

∆R

R

r

1 − V

p

R

!

FIGURE3.26 – Porosité propre 1 − Vpd’un agrégat.

On peut exprimer le volume Vp de chaque agrégat en fonction de sa géométrie par l’expres-sion (2.3). En ce qui concerne le volume libre Vf, il peut être exprimé en fonction de η par la somme de quatre contributions

98 RHÉOLOGIE ET TEXTURE EN CISAILLEMENT

où Vf(0) désigne le volume libre lorsque η = 0. ∆Vf(1) correspond à un gain de volume libre par l’augmentation de la porosité propre avec η. On a

∆Vf(1) = 1 − Vp. (3.24)

Le terme ∆Vf(2)traduit la perte de volume libre en raison de l’enchevêtrement des particules, ce qui implique un chevauchement entre leur porosités propres. La distance entre les agrégats est réduite lorsque l’espace libre dû à la non-convexité d’une particule est partiellement rempli par la partie convexe d’un agrégat voisin, comme le montre la figure3.27. En première approxi-mation, nous supposons que ∆Vf(2) varie proportionnellement à la porosité propre

∆Vf(2) = f (η)(1 − Vp), (3.25)

où f (η) est une fonction de η désignant le taux de remplissage. Le changement de volume effectif dû aux deux premiers termes de l’équation 3.23 est donné par ∆Vf(1) − ∆Vf(2) = {1 − f(η)}(1 − Vp). Il est toujours positif puisque le volume libre augmente en raison des exclusions stériques. La configuration enchevêtrée des agrégats ne compense jamais intégra-lement l’augmentation de la porosité propre lorsque η évolue. En d’autres termes, l’excès de volume libre créé par l’augmentation de la profondeur de concavité des particules ne peut être rempli par la parties convexes des agrégats voisins, comme le schématise la figure3.27.

Pour cette raison, la variation de la taille des pores résultant de l’évolution de la porosité propre et de l’enchevêtrement des particules n’explique pas l’augmentation de ρ lorsque η se situe entre [0; 0, 2]. On s’attend à ce que f (η) soit une fonction décroissante de η en raison de la diminution du remplissage du creux formé par la non-convexité des particules qui s’accentue avec η. Nous allons simplement poser que f (η) est une fonction linéaire décroissante de η :

f (η) = α(1 − γ η) (3.26)

où γ traduit le taux du phénomène.

Le dernier terme ∆Vf(3) de la relation 3.23 représente la variation du volume libre due à l’évolution de la taille des pores formés uniquement des bords convexes des agrégats ; voir figure 3.25(a). Le rayon de courbure correspondant au rayon r des disques qui constituent les agrégats diminue lorsque le rayon du cercle circonscrit aux agrégats est fixe R = 1. Par conséquent, le volume des pores formés entre les bords convexes de trois agrégats ou plus décroît comme −r2. Dès lors, avec r(η = 0) = R = 1, nous avons

∆Vf(3) = β(1 − r2), (3.27)

où β est une constante. Contrairement à ∆Vf(1)− ∆Vf(2), le terme ∆Vf(3) est une fonction dé-croissante de η, et peut donc expliquer l’augmentation de ρ pour η ∈ [0; 0, 2].

En insérant l’expression de Vf obtenue par l’équation (3.23) dans l’expression de ρ, et étant données les expressions (3.24), (3.25) et (3.27), nous obtenons l’expression suivante pour la

EXTENSIONS 99

FIGURE3.27 – Remplissage partiel de la porosité propre de deux agrégats.

variation de la compacité : ρ(η) ρ(0) =

Vp

1 − αρ(0)(1 − γ η)(1 − Vp) − βρ(0)(1 − r2). (3.28) En exprimant Vpde l’équation (2.3) et r de l’équation (2.4) en fonction de λ(η) de l’équation (2.2), on a une fonction avec trois paramètres phénoménologiques α, β et γ. Comme le montre la figure 3.28, cette expression donne une excellente approximation des compacités calculées dans l’état initial et dans l’état cisaillé en ajustant ces paramètres pour la valeur maximale de ρ et pour sa valeur à η = 0, 7. Dans l’état isotrope εq= 0, la meilleure approximation est obtenue pour α = 0, 87, β = 0, 17 et γ = 0, 17 et dans l’état cisaillé εq = 0, 5 avec les valeurs α = 1, β = 0, 11 et γ = 0, 18.

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