• Aucun résultat trouvé

La présence des forces de frottement et leur mobilisation est un mécanisme clé de la résis-tance au cisaillement des empilements. Nous sommes intéressés ici par l’influence de la non-convexité des agrégats sur ce phénomène, ainsi que par son anisotropie induite par la compres-sion biaxiale.

3.6.1 Mobilisation du frottement

La mobilisation de frottement au niveau d’un contact est caractérisée par la valeur de la force de frottement ft par rapport à son seuil µsfn au même contact. Nous définissons donc l’indice de mobilisation If par la valeur moyenne du rapport ft/(µsfn)

If =, |ft| µsfn

-, (3.17)

où la moyenne est prise sur l’ensemble des contacts. Il faut remarquer que la force de frottement est complètement mobilisée pour une fraction des contacts. Nous allons donc considérer aussi la proportion S de ces contacts critiques.

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

η

0.40 0.45 0.50 0.55 0.60 0.65

I

f

*

FIGURE 3.16 – Indice de mobilisation des forces de frottement dans l’état critique en fonction de

la non-convexité. Les barres d’erreurs représentent l’écart-type des fluctuations autour de la valeur moyenne.

La figure 3.16 représente l’indice de mobilisation I

f dans l’état critique en fonction de η. On voit que I

f augmente avec η à partir de 0,45 pour η = 0 jusqu’à 0,60 pour η = 0, 5, et tend à saturer pour les valeurs plus grandes de η. L’augmentation de I

f signifie une plus forte sollicitation des forces de frottement pendant le cisaillement pour les particules de plus en plus non convexes probablement en raison de l’effet d’engrenage entre particules. La saturation de I

90 RHÉOLOGIE ET TEXTURE EN CISAILLEMENT

Les figures 3.17 et 3.18 montrent les cartes de mobilisation des forces de frottement pour les échantillons η = 0 et η = 0, 4, dans l’état critique. Les disques situés aux points de contact entre les agrégats ont un rayon proportionnel au rapport |ft|/µsfn. Les disques les plus gros correspondent aux contacts critiques où un glissement est possible. On observe que les disques sont plus nombreux et plus gros dans l’échantillon d’agrégats par rapport à l’échantillon de référence (η = 0). Par ailleurs, on voit par une inspection visuelle, pour l’échantillon η = 0, 4, que les disques les plus gros ont une tendance à se regrouper souvent sous la forme d’amas, ce qui peut être une signature de mouvements d’ensemble des agrégats enchevêtrés.

η = 0

FIGURE3.17 – Une carte de la mobilisation du frottement aux contacts entre particules pour η = 0.

Le rayon du disque placé au point de contact entre deux particules est proportionnel à la mobilisa-tion de la force de frottement |ft|/µsfn.

La figure3.19montre la proportion S des contacts critiques moyennée dans l’état critique en fonction de η. S suit la même tendance que I

f, une augmentation puis un effet de satura-tion. Elle varie d’environ 0, 13 pour η = 0 à environ 0, 28 pour η = 0, 5. Il se trouve que la fraction des contacts critiques varie suivant le type de contact comme on peut le voir sur la fi-gure3.20. Une faible fraction de contacts T et D est critique alors que la proportion de contacts DS critiques augmente considérablement au détriment des contacts simples. Par conséquent, contrairement à S

D qui est bien inférieur à S

DS, la proportion K

D des contacts doubles aug-mente plus rapidement que la proportion K

DSdes contacts double-simples.

Cette différence entre les rôles joués par les contacts D et DS est la meilleure preuve de l’effet d’engrenage entre les agrégats qui conduit à geler le mouvement relatif et le glissement au niveau des contacts D et T. Par conséquent, la dissipation par frottement est localisée de façon préférentielle aux contacts S et DS. Cet effet d’enchevêtrement renforcé aux contacts D et T est similaire à l’effet de la cohésion : les agrégats liés par un contact D ou T tendent à se mouvoir ensemble sous la forme d’amas rigides, ce qui entraîne une dilatance plus importante

MOBILISATION ET ANISOTROPIE DES FORCES DE FROTTEMENT 91

et donc des compacités plus faibles.

η = 0,4

FIGURE3.18 – Une carte de la mobilisation du frottement aux contacts entre particules pour η =

0, 4. Le rayon du disque placé au point de contact entre deux particules est proportionnel à la mobilisation de la force de frottement |ft|/µsfn.

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

η

0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35

S*

FIGURE 3.19 – Proportion des contacts critiques en fonction de la non-convexité dans l’état

cri-tique. Les barres d’erreur représentent l’écart-type des fluctuations autour de la valeur moyenne.

3.6.2 Anisotropie des forces de frottement

En raison de l’équilibre des moments des forces sur chaque particule, la force de frottement est en moyenne nulle dans un matériau granulaire. Mais la force de frottement moyenne "ft#(θ)

92 RHÉOLOGIE ET TEXTURE EN CISAILLEMENT 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

η

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

S*

SS SD SDS ST

FIGURE 3.20 – Proportion des contacts critiques de différents types dans l’état critique en

fonc-tion de la non-convexité. Les barres d’erreur représentent l’écart-type des fluctuafonc-tions autour de la valeur moyenne.

pour une direction donnée θ des contacts n’est pas nécessairement nulle. Comme pour les forces normales, le développement de Fourier à l’ordre 2 ajuste très bien les données pour toutes les valeurs de η. La figure 3.21 montre la fonction "ft#(θ) à l’état critique pour les échantillons η = 0, η = 0, 3 et η = 0, 5 ainsi qu’une approximation de Fourier de ces fonctions à l’ordre 2 :

"ft#(θ) = "fn# aftsin 2(θ − θt) (3.18) où aft représente l’anisotropie des forces tangentielles et θtest la direction privilégiée de la mo-bilisation du frottement. Cette direction sur la figure3.21est π/2 de telle sorte que le maximum est atteint pour θ = π/4.

La normalisation par "fn# est imposée par le fait que "ft#=0. Cette condition implique 0 = "ft# =

π

+

0

"ft#(θ)P (θ) dθ. (3.19)

Ceci signifie que les fonctions "ft#(θ) et P (θ) sont orthonormales, ce qui implique θt− θc = π/4. Remarquons aussi que le rapport "ft#(θ)/"fn# peut être considéré comme une autre façon d’exprimer la mobilisation directionnelle du frottement. D’après (3.18), ce rapport est égal à aftsin 2(θ − θt) dont la valeur maximale est aft. Ainsi, l’anisotropie des forces tangentielles correspond à la mobilisation du frottement. Cette mobilisation est simplement modulée par une fonction sinusoïdale en fonction de la direction des contacts.

Pour évaluer aft, on introduit un tenseur d’ordre 2 χt, défini par χtαβ = 1 "f# Nc $ c=1 fttcαncβ = 1 "f#"fttαnβ#V 1 "f# + π 0 "ft#(θ)tα(θ)nβ(θ)P (θ)dθ (3.20)

MOBILISATION ET ANISOTROPIE DES FORCES DE FROTTEMENT 93 η=0_theo η=0_mes η=0.3_theo η=0.3_mes η=0.5_theo η=0.5_mes θ=0 θ=π/2

FIGURE 3.21 – La force de frottement moyenne en fonction de l’orientation θ des contacts dans

l’état critique pour η = 0, η = 0, 3 et η = 0, 5 en représentation polaire. Les courbes en trait plein correspondent à un développement de Fourier à l’ordre 2.

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

η

0.05 0.10 0.15

a

f t

*

FIGURE 3.22 – Evolution de l’anisotropie des forces tangentielles moyennées dans l’état résiduel

a

ften fonction de η. Les barres d’erreurs représentent les fluctuations autour de la valeur moyenne dans l’état résiduel.

94 RHÉOLOGIE ET TEXTURE EN CISAILLEMENT

En posant que χ = χn+ χt, il est facile de montrer la relation 2χ1− χ2

χ1+ χ2

= ac+ afn+ aft (3.21)

où χ1 et χ2 sont les valeurs propres de χ.

La figure3.22, montre l’évolution de la valeur critique aft en fonction de η. Comme pour la mobilisation des contacts critiques I

f, nous observons une augmentation linéaire de a

ft suivie de saturation à partir de η = 0, 4.

Documents relatifs