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3.5 Conclusion

4.4.3 Modélisation locale du processus de diffusion

Avant de présenter un bref exposé des modèles élaborés au cours des 15 dernières années, il est nécessaire d’introduire les concepts fondamentaux des modèles de diffusion (figure4.15).

des fibres

configurations motif de

dispersion fODF dODF

parall`eles

en ´eventail

courbes

croisement `a 30◦

croisement `a 90◦

FIG. 4.15: Représentation visuelle de configurations de fibres possibles et d’exemples de motifs

de dispersion (liés au propagateur), de dODF et de fODF obtenues pour ces configurations. Figure adaptée de [Johassen-Berg and Behrens,2009].

On appelle propagateur de diffusion ou fonction de densité de probabilité (PDF), la probabilité conditionnelle qu’une particule soit à la position r au temps t alors qu’elle était en r0 au temps t0. L’expression exacte du propagateur de diffusion

dans le tissu cérébral est complexe et reste encore inconnue. Ce propagateur de diffusion permet de caractériser localement le processus de diffusion. C’est pour cela que plusieurs études se sont intéressées à calculer une expression approchée de ce propagateur.

On appelle fonction de distribution d’orientation de diffusion (dODF) la projection sur une sphère de la probabilité de déplacement. Cette fonction est calculée

à partir du propagateur de diffusion en effectuant une intégration radiale : Ψ(θ, φ) =

Z

0

P (r, θ, φ)r2dr (4.7) où (θ,φ) sont tels que (θ ∈ [0, π], φ ∈ [0, 2π]).

On appelle fonction de distribution d’orientation des fibres (fODF) ou

densité d’orientation des fibres (FOD) la fonction qui décrit la distribution de

l’orientation des fibres. La relation entre l’ODF de diffusion et l’ODF des fibres est une question ouverte qui peut être illustrée par exemple par le lien entre la physique de diffusion et quelques propriétés biophysiques des tissus telles que la perméabilité membranaire ou les coefficients de diffusion libre des différents compartiments cellulaires. Retrouver l’ODF de diffusion à partir de l’ODF de fibres est un pro- gramme de recherche crucial qui avance en parallèle avec la recherche de solutions du problème qui consiste à retrouver l’ODF des fibres à partir de l’ODF de diffusion. Dans plusieurs études visant à reconstruire les fibres de la substance blanche grâce aux techniques de suivi de fibres encore appelées techniques de tractographie, l’ODF de diffusion reste souvent assimilée à l’ODF des fibres alors qu’elle est la réponse de la géométrie membranaire de ces fibres au processus de diffusion, et reste avant tout une mesure indirecte.

Les études qui se sont intéressées à la représentation locale du processus de diffu- sion ont essayé de retrouver le propagateur de diffusion ou la fonction de distribution d’orientation de diffusion, soit en imposant un modèle analytique au processus de dif- fusion, soit sans imposer de modèle de diffusion.

Le premier modèle qui a été proposé pour représenter le processus de diffusion de manière synthétique est le modèle de tenseur de diffusion proposé par [Basser et al., 1994]. Ce modèle repose sur l’hypothèse d’un propagateur de diffusion gaussien. Nous décrirons dans ce qui suit ce premier modèle ainsi que ses limites et nous présente- rons alors les modèles dits à haute résolution spatio-angulaire qui sont apparus pour combler les lacunes du modèle tensoriel.

Imagerie du tenseur de diffusion (DTI)

Ce modèle repose sur l’hypothèse que le processus de diffusion dans le tissu cé- rébral est libre. Dans ce cas, le signal suit une décroissance exponentielle réglée par la valeur b et faisant intervenir le coefficient de diffusion apparent dans la direction d’observation appliquée comme nous l’avons vu dans l’équation4.6. Si la diffusion est anisotrope, le coefficient de diffusion scalaire D (ou ADC) n’est plus valable. [Basser et al., 1994;Basser and Jones, 2002] ont proposé une modélisation de la diffusion dans un milieu anisotrope par une matrice D de dimension 3 × 3 symétrique définie positive appelée tenseur de diffusion d’ordre 2. Cette matrice est obtenue en calculant

la covariance du vecteur déplacement R par généralisation de la loi d’Einstein : D =    Dxx Dxy Dxz Dxy Dyy Dyz Dxz Dyz Dzz    = 1 hRRTi (4.8) Les éléments diagonaux de la matrice correspondent aux diffusivités selon 3 axes orthogonaux et les autres éléments à la corrélation entre les déplacements le long de ces axes orthogonaux. Cette matrice est symétrique c’est à dire que pour tout (i, j) : Dij = Dji. Elle contient donc 6 coefficients inconnus à estimer. Le calcul de

ces coefficients nécessite donc des images de diffusion à 6 directions au moins pour résoudre le système d’équations. Cette matrice est diagonalisable dans une base de vecteurs propres e1, e2 et e3 de valeurs propres associées λ1, λ2 et λ3 positives et

telles que λ1 > λ2 > λ3. Le tenseur de diffusion peut être représenté sous forme d’un

ellipsoïde avec les directions des vecteurs propres comme axes principaux. La direc- tion principale de l’ellipsoïde est donnée par la direction du vecteur propre associé à la valeur propre la plus élevée comme le montre la figure4.16(a). Plusieurs mesures scalaires peuvent être déduites à partir du modèle du tenseur de diffusion :

– la diffusivité axiale λk égale à la valeur propre la plus élevée λ1.

– la diffusivité radiale λ donnée par la moyenne des deux autres valeurs propres : λ = λ2+λ3

2 .

– le coefficient de diffusion apparent (ADC) représente la moyenne des va- leurs propres du tenseur de diffusion : ADC = trace(D)

3 = λ

1+λ2+λ3

3

– l’anisotropie fractionnelle (FA) est liée à la variance de la diffusion dans toutes les directions : F A = q3

2 r P3 i=1(λi−¯λ) P3 i=1λ 2 i

, où ¯λ représente la moyenne des valeurs propres du tenseur. Lorsque les fibres sont fortement alignées, celà se traduit par un fort degré d’anisotropie (FA tend vers 1) et lorsqu’elles sont struc- turellement moins organisées, la valeur de la FA diminue [Basser,1995]. – l’élongation (prolateness en anglais) : δ12= λ1− λ2 traduit l’élongation de l’el-

lipsoïde du tenseur de diffusion. Cet ellipsoïde est dit allongé (prolate) lorsque λ1>> λ2= λ3. ce qui correspond à δ12≃ λ1 [Westin et al.,1997].

– l’aplatissement (oblateness en anglais) : δ23 = λ2− λ3 traduit l’aplatissement

de l’ellipsoïde du tenseur de diffusion. Cet ellipsoïde est dit planaire (oblate) lorsque λ1 = λ2 >> λ3 ce qui correspond à δ12 ≃ 0 et δ23 ≃ λ2 [Westin et al.,

1997].

– le codage en couleur : consiste à encoder la direction des fibres en couleur sous la forme d’une carte dite Rouge-Vert-Bleu (RVB) [Pierpaoli,1997]. Le voxel est rouge lorsque le vecteur propre principal est aligné selon l’axe z, vert lorsqu’il est aligné selon l’axe y et bleu lorsqu’il est aligné selon l’axe z. L’intensité des couleurs est pondérée par la valeur de l’anisotropie fractionnelle selon la rela- tion suivante (r, v, b) = 255F A(e1x, e1y, e1z) afin d’estomper la couleur dans les

Quelques unes de ces mesures ont été calculées sur un sujet de test appartenant à la base de données Archi acquise à NeuroSpin par Cyril Poupon. Ces mesures dont illustrées dans la figure4.16.

b

a

c

d

e

f

FIG. 4.16: Mesures scalaires effectuées à partir du modèle du tenseur de diffusion. (a) Forme

ellipsoïde du tenseur de diffusion (b) Diffusivité axiale. (c) diffusivité radiale. (d) coefficient de diffusion apparent. (e) anisotropie fractionnelle. (f) codage en couleurs. Figure adaptée de [Poupon,2010].

Le modèle du tenseur de diffusion reste encore le modèle le plus utilisé en imagerie de diffusion et a permis de grandes avancées dans la compréhension du fonctionne- ment du cerveau et des neuropathologies. Nous nous attarderons dans les sections

10.1et11.1sur l’utilisation des mesures scalaires dérivées du modèle de tenseur de diffusion pour comparer des sujets sains à des sujets atteints respectivement de la maladie de Huntington et de la maladie de Gilles de la Tourette et pour détecter de nouveaux biomarqueurs de ces neuropathologies.

Malgré toutes les avancées rendues possibles grâce à ce modèle, il présente le grand inconvénient de reposer sur une hypothèse très forte d’une diffusion libre ce qui n’est pas le cas dans le tissu cérébral. Ce modèle suppose aussi qu’un même voxel ne contient qu’une seule population de fibres de même orientation ce qui n’est pas le cas. Dans un voxel contenant un croisement de fibres comme celui présenté dans la fi- gure4.17, le tenseur est plat et il ne permet de retrouver aucune des orientations des fibres présentes dans le voxel. C’est pour cela qu’est apparue l’imagerie de diffusion à haute résolution spatio anglaire (HARDI) qui permet de distinguer les croisements

+ =

tenseur plat

FIG. 4.17: Limites du modèle tensoriel. Figure adaptée de [Poupon,1999a].

de fibres au sein d’un même voxel. Certaines des techniques proposées reposent sur un modèle analytique du processus de diffusion alors que d’autres tentent de s’affran- chir de tout modèle mathématique. Nous présenterons brièvement dans ce qui suit certaines de ces techniques en distinguant celles qui reposent sur un modèle de celles qui s’en affranchissent (figure4.18).

vMF mixture Wisharts mixtures CSD SDT De la vallee poussin mixtures CHARMED Ball et Stick multi−gaussiennes gDTI HOI DOT aQBI QBI PAS−MRI Kurtosis DSI

avec mod`ele sans mod`ele

reconstruction reconstruction

FIG. 4.18: Techniques proposées pour la modélisation locale du processus de diffusion. Figure

inspirée de [Descoteaux,2008] et [Poupon,2010].

Imagerie HARDI avec modèle de diffusion

Modèle multi-tensoriel C’est une extension du modèle du simple tenseur. Ce mo-

dèle proposé par [Tuch et al.,2002] consiste à modéliser le signal de diffusion sous forme d’un mélange de gaussiennes. Ce modèle suppose que chaque voxel contient n populations distinctes de fibres et qu’il n’y a aucun échange entre ces populations.

Modèle Ball et Stick : Ce modèle introduit par [Behrens et al.,2003b] constitue une approche similaire au modèle multi-tensoriel. Il suppose que les molécules d’eau dans un voxel appartiennent à une parmi deux populations : une population res- treinte à l’intérieur ou à côté des fibres et une population libre qui n’est pas affectée

par les barrières des fibres. La diffusion restreinte est représentée par une distri- bution gaussienne anisotrope et la diffusion libre par une distribution gaussienne isotrope. Cette approche a été étendue au cas de plusieurs compartiments restreints par [Hosey et al.,2005;Behrens et al.,2007].

Modèle CHARMED : Ce modèle introduit par [Assaf et al.,2004] représente la dif- fusion restreinte avec un modèle analytique caractéristique de la diffusion restreinte à un cylindre. L’espace extracellulaire est représenté par une diffusion entravée sous forme d’une distribution gaussienne anisotrope.

Imagerie HARDI sans modèle de diffusion

Imagerie de l’espace q (QSI) : Si on suppose que l’impulsion est étroite c’est à dire si le gradient a une durée δ assez courte pour qu’on puisse supposer que la dif- fusion des molécules d’eau est négligeable pendant ce temps, [Stejskal and Tanner, 1965] ont montré que l’atténuation du signal S(q, τ) s’exprime comme une transfor- mée de fourier 3D du propagateur de diffusion moyen.

S(q, τ ) S0 = Z R3P (r|r0, τ ) exp(−2πiq TR)dr (4.9)

où q est le vecteur d’onde de l’espace dual du propagateur et est donné par q = γδG/2π, avec γ le rapport gyromagnétique pour les protons de l’eau et G est le gra- dient de diffusion appliqué. S0 est l’image de base acquise sans gradient de diffusion

(aussi appelée image b=0) et P (r|r0, τ ) est le propagateur de diffusion des molécules

d’eau. Intuitivement, il faudrait échantillonner le propagateur de diffusion selon dif- férents vecteurs q pour pouvoir le reconstruire. L’espace tridimensionnel de tous les vecteurs q est appelé l’espace q. La reconstruction du propagateur de diffusion moyen par transformée de Fourier inverse du signal d’echo de spin forme la base de l’image- rie dite de l’espace q [Callaghan,1991].

Imagerie du spectre de diffusion (DSI) : C’est une technique héritée de l’ima- gerie de l’espace q et qui consiste à acquérir le signal dans l’espace q sur une grille cartésienne. Le propagateur de diffusion peut alors être calculé à partir des valeurs acquises en appliquant une transformée de Fourier inverse [Wedeen et al., 2005]. Une intégration radiale du propagateur de diffusion permet d’obtenir la fonction de distribution des orientations de diffusion. Ce modèle permet bien de distinguer les croisements de fibres mais il nécessite des temps d’acquisition très longs (42h pour un échantillonnage de 5000 points de l’espace q sur un cerveau entier).

Modèle PAS-MRI : Ce modèle basé sur l’imagerie de l’espace q, introduit par [Jan- son and Alexander,2003] définit la fonction PAS (Persistent Angular Structure) sur une sphère de rayon ρ à partir du propagateur de diffusion et ignore la structure

radiale. La recherche des maxima de la fonction PAS renseigne sur les orientations principales des fibres.

Modèle Q-ball numérique Ce modèle a été introduit par [Tuch,2002]. Il consiste à faire de l’échantillonnage sur une sphère de l’espace q pour approximer la dODF en utilisant une transformation de Funk-Radon. Il nécessite 200 directions de diffusion à b > 3000s/mm2.

Modèle Q-ball analytique [Descoteaux et al.,2007] ont proposé une simplifica- tion mathématique de la transformée de Funk-Radon en utilisant une base d’har- moniques sphériques modifiée. La dODF est alors exprimée dans cette base d’har- moniques sphériques comme le montre la figure 4.19. Une régularisation par l’opé- rateur de Laplace-Beltrami est rajoutée pour rendre robuste au bruit d’acquisition l’estimation de la dODF. Une déconvolution a aussi été proposée pour transformer la dODF en fODF en utilisant la représentation en harmoniques sphériques d’un noyau gaussien représentant la réponse impulsionnelle d’un faisceau de fibres homogène au processus de diffusion : dODF = fODF ∗ Rd. Ce modèle permet de bien recouvrir

les croisements de fibres tout en nécessitant des temps d’acquisitions et de calcul rai- sonnables. C’est le modèle pour lequel nous avons opté dans le cadre de cette thèse.

(a)

l=0,j=1 l=2,j=4 l=2,j=6 l=4,j=9 l=4,j=11

(b)

carte RVB

dODFs obtenues avec dODFs obtenues avec le Q-Ball analytique le Q-Ball num´erique

FIG. 4.19: Modèle Q-Ball analytique. (a) exemples d’harmoniques sphériques modifiées. (b)

Comparaisons entre les ODFs obtenues avec le modèle Q-Ball numérique et le modèle Q-Ball analytique. Figure adaptée de [Descoteaux,2008].

Modèle de transformée d’orientation de la diffusion (DOT) : Ce modèle

caractéristique surfacique du propagateur de diffusion. Cet iso-rayon du propagateur de diffusion est différent de la dODF puisque la dODF tient compte de la contribution de plusieurs iso-rayons.

Ces modèles HARDI se sont surtout focalisés sur la composante angulaire du si- gnal en négligeant la composante radiale. Des modèles plus récents dits hybrides (HYDI) ont essayé de combiner les deux grâce à un échantillonnage intelligent de l’espace q qui permet de représenter à la fois la composante angulaire et radiale en un temps d’acquisition raisonnable au regard des applications cliniques.

Imagerie de diffusion hybride (HYDI)

Nous ne rentrerons pas dans le détail de ces modèles mais nous nous contenterons de les citer. Parmi les approches hybrides, on peut citer les approches qui ont utilisé des bases d’ondelettes et de bandelettes lors de la phase de reconstruction [Michai- lovich and Rathi,2010;Kezele et al.,2010] ou lors de la phase d’acquisition [Menzel et al., 2010]. D’autres approches ont essayé de faire de l’imagerie du propagateur de diffusion en utilisant une base d’harmoniques simples et de polynômes d’Hermite [Ozarslan et al.,2009], une base d’harmoniques solides et équation de Laplace par partie [Descoteaux et al.,2010] et une base d’harmoniques sphériques polaires et de polynômes de Gaussian-Laguerre [Assemlal et al.,2009].