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Vers la modélisation de l’extension du noyau branchu séquentiel par les

E.6.1 Principe

In fine, l’objectif des différentes études menées sur l’ontogénèse des épicormiques

du chêne devrait permettre d’alimenter le volet « qualité des bois » du simulateur de croissance Fagacées en apportant des précisions sur la nodosité séquentielle et épicormique des chênes afin de prédire des assortiments de qualité des sciages plus réalistes. Le volet « qualité des bois » de Fagacées présente en effet, en fin de simulation, un module de billonnage qui permet d’évaluer le volume et la qualité du bois produit ainsi que les produits de première transformation que l’on peut tirer de chacun des arbres (Bucket

et al., 2005). Cependant, à l’heure actuelle, pour estimer la qualité du bois des billons, le

simulateur ne se base que sur les caractéristiques dendrométriques de l’arbre et la nodosité est réduite au noyau branchu séquentiel adhérent ; les nœuds non adhérents des branches séquentielles mortes ainsi que les traces raméales des épicormiques ne sont pas pris en compte.

Pour répondre à cet objectif d’amélioration de la prédiction de la qualité des bois d’œuvre produits, une stratégie d’assemblage de différentes études réalisées, en cours ou à venir, peut-être imaginée. Cette stratégie peut être succinctement présentée en 4 étapes (Figure 13) :

A/ l’étude de la variabilité inter et intra-peuplement nous permet d’attribuer, pour chaque arbre d’un jeune peuplement de chêne simulé, une probabilité d’avoir un certain potentiel épicormique.

B/ Les hauteurs de première branche morte et verte sont modélisées, et à l’aide du simulateur de croissance Fagacées le noyau branchu séquentiel adhérent et non-adhérent est estimé.

C/ Parallèlement, au cours de la croissance des arbres dans Fagacées, les corrélations juvéniles / adultes permettent d’estimer le cortège épicormique de chaque arbre en fonction de son âge et du potentiel épicormique qui lui a été attribué.

D/ Enfin, l’étude des relations entre le cortège épicormique d’un chêne observé au niveau de l’écorce et le volume de bois affecté par des nœuds épicormiques nous permet pour chaque arbre du peuplement simulé de lui attribuer un volume de défauts épicormique dans la grume et ainsi d’être plus juste lors de la désignation des produits de première transformation que l’on peut extraire de cette grume.

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Figure 13 : Stratégie d’assemblage des différentes études. A/ Dans Fagacées, simulation d’un peuplement juvénile de chêne et attribution d’un potentiel épicormique à chaque arbre en fonction de la variabilité intra-peuplement (les formations épicormiques sont représentées par des points rouges). En haut cas d’un arbre présentant de nombreux épicormiques, en bas cas d’un arbre en présentant peu. B/ Croissance du peuplement dans Fagacées et modélisation de l’enveloppe du cœur branchu adhérent et non adhérent (ligne rouge). C/ Evolution du cortège épicormique en fonction du potentiel épicormique attribué au stage juvénile. D/ relation entre le cortège épicormique au stade adulte observable au niveau de l’écorce et le volume (V) de défaut associé à l’intérieur de la grume.

E.6.2 Les études nécessaires

Quatre étapes majeures ont donc été proposées dans la stratégie de modélisation de l’extension du noyau branchu séquentiel par les épicormiques. Nous allons les reprendre ici séparément afin de faire le point sur leur avancement.

E.6.2.1 Variabilité intra/inter peuplements

Au cours des nombreuses études sur les épicormiques menées dans différents peuplements de jeunes chênes sessiles, nous avons pu remarquer que la variabilité inter- arbre était très importante concernant le nombre de formations épicormiques par mètre sur les troncs ; c’est ce que nous avons nommé « l’effet arbre ». Mais au même titre que cette variabilité intra-peuplement, existe-il une forte variabilité inter-peuplement ; et peut-on quantifier ces deux variabilités? Pour répondre à cette question une étude, que j’ai co- encadrée, a été menée (Duboscq, 2010) au cours de laquelle les histogrammes de répartition du nombre d’épicormiques par mètre (sur le billon compris entre 1.5m et 2.5m) de 8 peuplements de chênes sessiles ont été comparés. Ces dispositifs sont situés en

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Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine et tendent à comparer différents scénarios sylvicoles tels qu’une sylviculture plus ou moins dynamique, ou encore des éclaircies ciblées (détourage) versus des éclaircies en plein. Le résultat principal de cette étude est que la variabilité inter-peuplement est bien moindre que la variabilité intra-peuplement. Ainsi, dans tous les dispositifs, le nombre total d’épicormiques par mètre est, pour plus de la moitié des arbres, compris entre 0 et 5. En retirant au cortège épicormique les amas et/ou les bourgeons isolés, c’est alors plus de 80% des arbres qui présentent moins de 5 formations épicormiques par mètre et cela est vrai quel que soit le dispositif d’étude ou la modalité (sylviculture appliquée). Le tableau 4 présente le pourcentage d’arbres au sein de chaque classe de nombre d’épicormiques, toutes modalités et tous dispositifs confondus.

Nombre d'épicormiques par mètre 0 1-5 6-15 16 et + tous épicormiques pourcentage 13% 57% 23% 7% pourcentage cumulées 13% 70% 93% 100% hors bourgeons isolés pourcentage 34% 49% 15% 3% pourcentage cumulées 34% 82% 97% 100% hors bourgeons isolés et amas pourcentage 50% 41% 8% 2% pourcentage cumulées 50% 91% 98% 100%

Tableau 4 : Proportion d’arbres en fonction du nombre de formations épicormiques,

par mètre sur le billon 1.5-2.5 m tous dispositifs et toutes modalités confondus (Duboscq, 2010)

Cette étude s’appuie sur des peuplements âgés de 15 à 50 ans environ. Or à 50 ans l’effet de la sylviculture sur la variabilité intra-peuplement est déjà présent, les arbres présentant le plus de formations épicormiques ont été éliminés ; de plus, les simulations sous Fagacées débutant pour des arbres âgés de 15 ans, il faudrait pouvoir confirmer ces résultats sur des peuplements plus jeunes. Enfin les dispositifs sont tous situés dans des régions proches les unes des autres et ne couvrent pas l’aire de répartition naturelle du chêne sessile en France. Une campagne d’échantillonnage couvrant au mieux l’aire de répartition du chêne sessile dans des peuplements âgés d’une quinzaine d’année serait donc intéressante afin de confirmer et d’affiner ces résultats.

De plus, au cours de cette étude, la relation entre les mesures réalisées sur le billon de 1 mètre précédemment cité et le reste de la grume a été étudiée (Figure 14). Il en ressort que les effectifs d’épicormiques sur le billon situé entre 1.5 et 2.5m sont très fortement liés aux effectifs d’épicormiques sur les 4 premiers mètres de la grume (relation linéaire avec R² =0.85). Les comptages menés sur ce billon de 1 mètre sont donc représentatifs des arbres, et donc des peuplements.

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Figure 14 : relation entre le nombre d’épicormiques sur les 4 premiers mètres de grume et le nombre d’épicormiques sur le billon 1.5 – 2.5 mètres. La droite grise représente la première bissectrice et la droite noire le modèle linéaire (Nb épicormiques 0-4m = 3.594 + 0.713 * Nb épicormiques 1.5 – 2.5m ; R² = 0.84).

E.6.2.2 Modélisation de la base du houppier

Les traces raméales dues aux épicormiques ne déprécient la qualité du bois d’œuvre que si elles se trouvent au-delà du noyau branchu séquentiel. Comme nous avons pu le dire dans la première partie de cette étude, si la modélisation du noyau branchu séquentiel adhérent présente des lacunes, la modélisation du noyau branchu séquentiel non adhérent n’a presque jamais été réalisée pour le chêne sessile.

Une nouvelle modélisation du noyau branchu séquentiel adhérent du chêne sessile a été réalisée (Morisset et al. 2012d). Cet article, en français a été écrit dans le cadre du séminaire 2012 de l’école doctorale RP2E15 et est présenté dans sa version intégrale dans l’annexe 3.

Sur le même principe, la modélisation du noyau branchu séquentiel non adhérent a été réalisée, mais la qualité de l’ajustement n’était pas satisfaisante. De plus la réalisation de deux modèles distincts aurait été biologiquement assez incohérente, les deux données étant

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fortement liées. Pour résoudre ce problème, un important travail statistique a été engagé sur la prédiction simultanée des hauteurs de première branche vivante et de première branche morte par la méthode du maximum de vraisemblance. Ce travail est réalisé au LERFoB en collaboration avec Mathieu Fortin et Francis Colin et fera l’objet d’un article scientifique dans les prochains mois.

E.6.2.3 Corrélations juvéniles / adultes

Nous avons montré (Morisset et al., 2012b, 2012c) que le cortège épicormique d’un arbre près de l’écorce est fortement lié à son cortège épicormique près de la moelle. Cependant, ce résultat a été obtenu sur des arbres relativement jeunes dont le diamètre à 1.30 mètres ne dépassait pas 40 centimètres. Comme nous l’avons présenté dans le premier paragraphe de cette partie «Perspectives ou Ouvertures», une étude est en cours sur des chênes matures. Cette étude devrait permettre de déterminer si les relations établies pour les premières phases du développement des chênes sont identiques tout au long de la vie de l’arbre. Les premières observations (Sangay, 2012) semblent néanmoins montrer une forte diminution du nombre de formations épicormiques par mètre pour ces chênes matures, mais cette étude montre aussi des biais dans la méthodologie appliquée ce qui empêche, pour le moment, de confirmer ces premières observations.

E.6.2.4 Relations interne / externe

Les relations entre les formations épicormiques observées au niveau de l’écorce et le volume de défauts observés à l’intérieur de la grume constituent la dernière étape de notre stratégie de modélisation de l’extension du noyau branchu séquentiel par les formations épicormiques. Comme pour les corrélations juvéniles / adultes sur les arbres matures, nous pouvons nous appuyer pour cette étude sur le dispositif de la Forêt Domaniale de Saint-Jean (Cf. annexe 1). En effet lors des mesures réalisées in situ, les formations épicormiques présentes sur chacune des grumes ont été minutieusement mesurées et localisées sur deux tronçons de grume de 1m qui ont par la suite été scannés. L’interprétation des clichés scanner est en cours et le lien entre observations externes et défauts internes n’a pas encore pu être établi. Cependant, dans son étude préliminaire, Sangay (2012) a montré que le volume de défauts internes dû aux formations épicormiques était plus important pour les arbres classés en qualités C et D que pour les arbres classés en qualité B, et que le volume de défauts en qualité B était plus important que celui des arbres en qualité A, ce qui est bien conforme à ce à quoi on s’attendait.

Les travaux pour atteindre l’objectif d’amélioration du volet « qualité des bois » du simulateur de croissance Fagacées sont donc encore conséquents, mais les études ont pour la plus part été engagées et les premiers résultats probants ne sauraient donc tarder.

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