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1.6 Caractérisation de la rupture

1.6.2 Vers une modélisation de l’endommagement

Modéliser l’endommagement est un des grands enjeux de la mécanique actuelle. Dans cette partie, nous allons brièvement illustrer la façon de prendre en compte l’endomma-gement dans les simulations numériques, et ce, selon deux approches.

1.6.2.1 Endommagement continu

Cette théorie de l’endommagement est fondée sur l’idée que les défauts discrets appa-raissent dans le matériau sous chargement et peuvent être intégrés de manière continue dans le comportement mésoscopique du matériau endommagé (approche continue de l’en-dommagement). A travers une grandeur scalaire notée D, le comportement du matériau peut être décrit de la façon schématique suivante : D = 0 implique que le matériau est localement intact alors que l’élément de matière est rompu pour D = 1 [Jer15].

Dans le cas simple d’un endommagement isotrope, prenons l’exemple d’une section dont l’aire est notée S. Dans cette section, l’endommagement crée des fissures et cavités qui laissent des traces de formes diverses. On appelle ˜S l’aire résistante effective tenant compte de l’aire des traces. On peut définir une aire endommagée SD :

SD = S − ˜S (1.10) La définition de D devient alors :

D = SD

S (1.11)

L’introduction de cette variable d’endommagement, représentant une densité surfacique de discontinuités de la matière, conduit à la notion de contrainte effective. Cette grandeur correspond à la contrainte rapportée à la section résistante aux efforts.

Cette contrainte effective est définie selon l’équation 1.12 : ˜ σ = σS ˜ S = σ 1 − D (1.12) Avec ˜σ >= σ,

— ˜σ = σ pour un matériau vierge. — ˜σ → ∞ lors de la rupture.

Pour un endommagement isotrope, le rapport D, ne dépend pas de l’orientation de la surface et s’applique à toutes les composantes du tenseur des contraintes. L’endomma-gement peut être lié aux caractéristiques du matériau via l’hypothèse d’équivalence en déformation. Cette hypothèse suppose que le mécanisme de déformation est impacté par l’endommagement uniquement via la contrainte effective. En d’autres termes, le compor-tement d’un matériau endommagé est traduit par les mêmes lois de comporcompor-tement que celles du matériau non endommagé, il suffit simplement de remplacer la contrainte par la contrainte effective [Nga97]. La figure 1.15 donne une représentation de cette hypothèse.

Figure 1.15: Contrainte effective et équivalence en déformation [Lem96].

Pour illustrer le principe d’équivalence en déformation, prenons l’exemple d’une loi d’élas-ticité linéaire unidimensionnelle (σ = Eεe), E étant le module de Young du matériau. On peut alors écrire :

εe = σ˜ E =

σ

(1 − D)E (1.13)

L’endommagement D fournit alors une mesure du module d’élasticité du matériau en-dommagé noté ˜E :

˜

E = (1 − D)E (1.14)

Il s’agit d’une hypothèse relativement simple supposant que l’endommagement par varia-tion de la densité surfacique affecte les comportements du matériau (élasticité, plasticité, viscoplasticité). Cependant, sa simplicité permet d’établir un formalisme cohérent et qui a montré son efficacité à de nombreuses reprises [Lem96].

De nombreux critères existent pour évaluer la variation de la grandeur D. On peut citer par exemple le modèle de Mazars [Maz84], qui permet de fournir une évaluation de la variable D en fonction de la déformation équivalente définie à partir des déformations principales εi dans le cas d’un modèle élasto-endommageable.

On définit ˜ε : ˜ ε = v u u t 3 X i=1 < εi >2 + (1.15) avec : < εi >2+= ( εi si εi > 0 0 si εi < 0

L’endommagement débute lorsque la déformation équivalente atteint un seuil défini par une constante εd0 tel que le critère puisse s’écrire :

f (ε) = ˜ε − εd0= 0 (1.16) — Si ˜ε < εd0, le comportement reste élastique.

— Si ˜ε > εd0, le matériau s’endommage et on suppose une loi d’endommagement linéaire (Equation 1.17).

D = ε − ε˜ d0

εR− εd0 (1.17) Avec εd0, la déformation limite au-delà de laquelle se produit l’endommagement et εR, la déformation à rupture. Ce modèle a été particulièrement utilisé dans le domaine des matériaux considérés comme élastiques fragiles du Génie Civil comme les bétons.

1.6.2.2 Méthode des zones cohésives CZM

La technique des zones cohésives est une méthode qui permet de gérer numériquement l’endommagement des matériaux. Ce modèle suppose qu’il est possible de représenter l’en-dommagement du matériau en introduisant à la frontière de chaque élément d’une maille, une loi cohésive. Cette loi de cohésion représente la relation reliant l’effort entre deux éléments à une variable cinématique (une « discontinuité » du champ de déplacement) [Bla13]. Lors de la transformation mécanique, les efforts de cohésion augmentent avec la discontinuité du champ de déplacement puis décroissent plus ou moins violemment et s’annulent. La liaison entre les deux élements est alors rompue, traduisant l’apparition d’une fissure dans le maillage par éléments finis.

Les méthodes dites de zones cohésives reposent donc d’abord sur l’élaboration d’une rela-tion entre l’effort de cohésion (vecteur contrainte cohésive Rc) et l’ouverture de la fissure (vecteur saut de déplacement [u]). Ce modèle permet de suivre les mécanismes d’endom-magement surfacique entre deux éléments depuis l’amorçage d’une micro fissure jusqu’à la séparation des deux éléments. Cette loi surfacique peut se décrire sous la forme d’une loi de séparation de type « force de cohésion-saut de déplacement » Rc([u]).

Les modèles de zones cohésives peuvent être extrinsèques, c’est à dire sans partie élas-tique et une raideur initiale infinie ou intrinsèque, avec une partie élasélas-tique et une raideur initiale finie 1.17 (a). Les modèles extrinsèques sont réputés plus stables que les modèles intrinsèques [Bla13].

Différentes formes de loi existent. On citera par exemple la loi polynomiale, la loi ex-ponentielle, la loi trapézoïdale, la loi bilinéaire... Une liste des modèles disponibles dans la littérature est consultable dans la thèse de Y.MONERIE [Mon00].

On distingue trois zones dans un modèle intrinsèque (Figure 1.17 (b)). Dans la zone I, la contrainte cohésive augmente jusqu’à atteindre un seuil où un endommagement se produit par une perte de rigidité. Ceci entraîne une chute de la contrainte cohésive qui correspond à la Zone II. Cette décroissance atteint ensuite un saut de déplacement critique pour lequel le matériau est totalement endommagé, état qui se traduit par une contrainte cohésive nulle et qui marque le début de la zone III.

(a) (b)

Figure 1.17: Modèle de zone cohésive : loi intrinsèque et extrinsèque (a) et illustration d’une loi cohésive (b)

Sur un plan numérique, le passage à l’endommagement des structures se fait via des mé-thodes par éléments finis cohésifs volumiques reposant sur une décomposition multicorps du milieu. Ce domaine de recherche est actuellement encore très actif.

Décomposition multicorps

La fissuration peut être étudiée à travers une approche locale utilisant les modèles de zones cohésives. Ces modèles permettent d’initier et de propager des fissures grâce à l’utilisation de paramètres locaux (contrainte, énergie) tout en conservant le principe des études globales. La stratégie pour mettre en place de tels modèles repose sur la notion de corps.

Figure 1.18: Décomposition du comportement du matériau [Mad15].

Chaque élément d’un maillage est considéré comme un corps indépendant. Les mailles (ou corps) sont reliées entre elles par des relations surfaciques de type condition aux limites mixtes. Les fissures peuvent donc se propager entre chaque maille. On parle alors d’une stratégie de résolution multicorps [Mad15][Ric12].

La figure 1.18 illustre le scindement en deux parties du comportement du matériau global. — Un comportement volumique durcissant, décrit par une loi de comportement du

matériau sans endommagement.

— Un comportement surfacique adoucissant avec une loi de cohésion entre les éléments continus comprenant un processus d’endommagement.