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Analyse des données

4.1 Le code de transfert radiatif

4.1.1 Modélisation de l’émission atmosphérique

Nous avons vu dans la section 1.1 comment l’émission de l’atmosphèreTb,out observée depuis un pointsout pouvait être modélisée par l’équation du transfert radiatif :

Tb,out(ν) =Tb,ine−τν(sin,sout)+ c2 2kBν2

Z sout

sin

αν(s)Bν(T(s))e−τν(s,sout)ds (4.1) avec :

τν(s1, s2) = Z s2

s1

αν(s0)ds0. (4.2)

94 4. Analyse des données

L’équation (4.1) préalablement discrétisée est résolue par le code MOLIERE pour simuler les mesures atmosphériques.

Notation Description Unité

Tb,in Rayonnement cosmologique [K]

sin Position du point le plus haut de l’atmosphère [m]

sout Position du point de mesure [m]

s Position le long de la ligne de visée [m]

T Température physique du milieu [K]

Bν(T) Fonction de Planck (1.3) [W m-2 Hz-1 sr-1] τν Opacité le long du chemin de visée [-]

αν Coefficient d’absorption [m-1]

ν Fréquence [Hz]

Tab.4.1 – Notations utilisées dans le transfert radiatif.

Discrétisation

La discrétisation de l’atmosphère terrestre en couches isothermes est à la base des codes informatiques de transfert radiatif. Elle permet de résoudre numériquement l’équation du trans-fert radiatif en considérant N couches successives dont les positions sur la ligne de visée sont notées si et la température moyenne est notée Ti. On peut alors écrire (Baron, 1999; Urban et al., 2004) :

Tb,out(ν) =Tb,ine−τν(sin,sout)+ c2 2kBν2

N

X

i=1

Bν(Ti)1−e−τ(si,si+1)e−τ(si+1,sout). (4.3) La longueur du trajet dans chaque couche dépend de la géométrie de la visée, et peut être influencée par la réfraction du signal par l’atmosphère. Le code MOLIERE prend en compte plusieurs géométries (limbe, avion, ballon, sol) et peut traiter la réfraction.

4.1.2 Calcul du coefficient d’absorption αν

Le coefficient d’absorption αν(s) quantifie les processus d’interaction entre rayonnement et molécules. Il dépend de la pression, de la température et de la concentration des molécules présentes. MOLIERE peut prendre en compte toutes les transitions de toutes les molécules entre 3 MHz et 3 THz qui contribuent au signal : i) transitions comprises dans la bande de fréquence, ii) transitions en-dehors de la bande contaminant par leur ailes de raie et iii) continua H2O, N2,O2. C’est le principe du calculraie-par-raie (Baron, 1999).

Dans notre cas, seule la transition rotationnelle de la vapeur d’eau à 22,235 GHz est assez forte pour contribuer de manière significative au signal atmosphérique dans la bande 21,7 -22,7 GHz :

αν(s) =αHν2O(s). (4.4)

Le coefficient d’absorption αν(s) pour une molécule donnée et pour une transition de fré-quence centraleν0 donnée peut se décomposer de la manière suivante :

4.1. Le code de transfert radiatif 95

αν(s) =ρ(s)·Iν0(T(s))· ν

ν0f(ν, ν0) (4.5)

ρ est la concentration moléculaire de l’espèce étudiée. Elle est determinée à partir de la pression, de la température et du rapport de mélange x(s) en utilisant la loi des gaz parfaits :

ρ(s) =x(s) p

kBT (4.6)

Iν0(T(s)) correspond à la fonction décrivant l’intensité de la raie. Elle est généralement tabulée en fonction d’une température de référence dans les catalogues spectroscopiques.

Son expression est détaillée par Baron (1999).

f(ν, ν0) est appeléprofil de raie normaliséde la transition considérée. Il est principalement déterminé par deux mécanismes influant sur la forme des raies atmosphériques : l’élargis-sement collisionnel dû à la pression et l’élargisl’élargis-sement Doppler lié à la racine carrée de la température. Ces processus sont détaillés ci-dessous.

Elargissement spectral

Le profil d’une raie spectrale est une fonction normalisée qui décrit la distribution en fré-quence de l’intensité. Ce paragraphe décrit les différents mécanismes qui provoquent un élar-gissement de la raie. Le profil de la raie est une fonction de distribution f(ν, ν0), généralement caractérisée par sa largeur à mi-hauteur (FWHM, Full-Width Half-Maximum).

Les trois principaux mécanismes qui régissent l’élargissement des raies sont :

1. l’élargissement naturel, dû à la durée de vie finie ∆td’une molécule dans un été excité. La probabilité d’émission spontanée entraîne, suivant le principe d’incertitude d’Heisenberg, un élargissement ∆t∆ν 1/(2π). Il est de l’ordre de 10−5 Hz, donc négligeable, et n’est pas pris en compte dans notre modèle.

2. l’élargissement Doppler, dû à l’agitation thermique des molécules,

3. l’élargissement collisionnel, dû à la perturbation des états d’énergie d’une molécule par les collisions avec les molécules environnantes.

Elargissement Doppler : Le mouvement thermique des molécules selon la ligne de visée entraîne un décalage par rapport à la fréquence centraleν0 par effet Doppler :

ν−ν0=ν0v

c (4.7)

En équilibre thermique, la distribution des vitesses moléculaires est décrite par la distribution de Maxwell, ainsi le profil de la raie FD(ν, ν0) suit une fonction Gaussienne :

FD(ν, ν0) = (

πδD)−1e−[(ν−ν0)/δνD]2 (4.8) où la largeurδD est la largeur à mi-hauteur de la raie, liée à la vitesse des molécules relative à la ligne de visée. La relation entre l’énergie thermique et l’énergie cinétique explique la dépendance de l’élargissement Doppler à la masse molaire M de la molécule et à la température par :

δD = ν0 c

s 2RT

M (4.9)

96 4. Analyse des données

R est la constante des gaz parfaits.

La demi-largeur à mi-hauteur ∆νD est :

∆νD =

ln 2·δD = 3,58.10−7ν0qT /M . (4.10) L’élargissement spectral causé par ce mécanisme est donc proportionnel à

T. Il varie peu en altitude. De plus, comme le profil vertical de la température n’est pas une fonction bijective de l’altitude, il n’est pas possible d’associer une et une seule altitude à un décalage en fréquence donné. Pour la vapeur d’eau à 22,235 GHz, cet élargissement est de l’ordre de∼80 kHz de 0 à 100 km d’altitude.

Elargissement collisionnel : Les collisions entre les molécules dans l’atmosphère réduisent la durée de vie des états impliqués dans les transitions et de ce fait provoquent l’élargissement des raies correspondantes.

Van Vleck et Weisskopf (1945) ont modélisé cet élargissement collisionnel par un profil du type : où ∆νc est la demi-largeur à mi-hauteur de la raie induite par la pression. Cette valeur varie en fonction de la température et de la pression en suivant :

∆νc=γ pγ est le paramètre d’élargissement collisionnel, noté aussi ∆νc0. Il représente la demi-largeur à mi-hauteur due à la pression lorsque T = T0 et p = p0. T0 est la température de référence à laquelle sont réalisées les mesures spectroscopiques (en général 296 ou 300 K) et p0 est la pression atmosphérique moyenne de surface (1013,25 hPa). Le coefficientndécrit la dépendance en température de ∆νc, il est compris entre 0,5 et 1,0.

La largeur à mi-hauteur ∆νcest directement proportionnelle à la pressionp. Cette propriété, liée au fait que dans l’atmosphère le profil vertical de pressionp(z) suit une fonction bijective fait qu’à une valeur d’élargissement collisionnel ∆νc(z) correspond une et une seule altitude. C’est grâce à cette propriété que la mesure de la forme de la raie peut être utilisée pour remonter à l’information de concentration d’un composé chimique atmosphérique en fonction de l’altitude.

Association des mécanismes d’élargissement : Les processus d’élargissement Doppler et collisionnels agissent simultanément sur la forme du profil de raie. La forme de la raie résultante est une convolution des deux phénomènes pouvant être estimée par un profil de VoigtfV(ν, ν0) :

fV(ν, ν0) =

4.1. Le code de transfert radiatif 97

Fig. 4.1 – Demi-largeur à mi-hauteur de la raie de vapeur d’eau à 22,235 GHz en fonction de l’altitude. Sont représentés : l’élargissement collisionnel (tirets épais), l’élargissement Doppler (points épais) et le profil de Voigt (trait plein noir). La résolution et la bande passante des spectromètres de Mobra et du futur radiomètre Dodo sont indiquées par des lignes verticales pointillées.

En pratique MOLIERE utilise un algorithme rapide (Urban et al., 2003) pour estimer nu-mériquement la fonction de Voigt avec une précision de 10-4 Hz.

La Figure 4.1 représente la valeur de l’élargissement de la raie de vapeur d’eau à 22,235 GHz en fonction de l’altitude. L’élargissement est calculé à partir des données climatologiques utilisées pour les restitutions opérationnelles du satellite Odin et moyennées sur une année pour la bande de latitude 40N-50N. On note que la largeur minimum de la raie de vapeur d’eau dans l’atmosphère, déterminée par l’élargissement Doppler vaut∼0.08 MHz et limite l’altitude maximale de restitution à 80 km. A 15 km d’altitude, la valeur de la largeur à mi-hauteur de la raie est de∼300 MHz.

D’après les caractéristiques de notre spectromètre acousto-optique (résolution de 1,1 MHz, bande passante de∼850 MHz autour du centre de la raie (cf. section 2.1.4), il est théoriquement possible de restituer de l’information sur la concentration de vapeur d’eau entre environ 15 et 60 km d’altitude.