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Modélisation de la fissuration par fatigue de détails soudés - Analyse fiabiliste

Chapitre 2   Outils méthodologiques pour optimiser la gestion des ouvrages existants

2.4   Outils pour le pronostic de la performance des ouvrages pris individuellement

2.4.2   Modélisation de la fissuration par fatigue de détails soudés - Analyse fiabiliste

2.4.2.1 Fatigue des assemblages soudés

La durée de vie d’un élément de structure caractérise sa capacité à résister à la fatigue qui est définie par le nombre de cycle d’étendues de contrainte conduisant cet élément à la ruine. Les assemblages soudés présentent de petits défauts inhérents conduisant sous sollicitations à l’apparition de microfissures. Les principaux facteurs qui influencent leur croissance et leur propagation sont :

- les nombres de cycles et les étendues correspondantes de contrainte nominale correspondantes (sollicitations = action),

- la géométrie et l'exécution des assemblages (structure = résistance), - les effets dynamiques (EN 1993-1-9).

La géométrie et l'exécution des assemblages sont caractérisées par la notion de catégorie des détails d'assemblage (SETRA, 1996) qui caractérise la résistance en fatigue à 2 millions de cycles.

Le processus de fatigue comprend trois étapes (Schive, 1984):

- l’initiation de la fissure ou phase d’amorçage d’une fissure microscopique (après N i

cycles),

- la propagation (après Np cycles),

- la défaillance (après NdNiNp cycles).

Ces cycles ne sont endommageant que si les variations d’étendues de contraintes dépassent certaines amplitudes. La contribution de chaque cycle à l’endommagement (Miner, 1945) permet d’estimer simplement la durée de vie de l’assemblage.

Cependant les aléas nombreux du phénomène d’endommagement par fatigue (cycles d’amplitudes variables, géométrie ou qualité de la soudure, la nature des contraintes) conduisent à privilégier un modèle probabiliste permettant notamment de tenir compte des mesures d’inspection (Cremona 2001, 2003).

Le modèle le plus classiquement retenu pour décrire la propagation d'une fissure est la loi cinétique de Paris. Mais la loi de Paris ne distingue pas les cycles endommageants et non endommageants. Sous le seuil de variation d’intensité de contrainte  , la fissure ne se Kth

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propage pas. Le modèle modifié de la référence (Cremona, 1996, 1997) introduit une fonction de correction

G a( )

qui permet cette nuance :

 

2 ( ) ( ) ( ) ( ) 1 2 m m k d a E S m C Y a M a S a G a d N            (2.16)

 

2 2 1 1 ( ) 1 1 ; 2 2 2 1 ( ) ( ) ( ) 2 th k K m G a m E S Y a M a a                        (2.17)

où a est la profondeur de fissure, C et m sont deux paramètres du matériaux,

E S( )

est la moyenne du processus d’étendue de contrainte,

(.)

et

(.;.)

sont respectivement les fonctions Gamma et Gamma incomplète, N t

 

 0t est le nombre de cycles à l’instant

t

. Il est noté que les étendues de contraintes sont supposées suivre une loi de Rayleigh et que l’approche de l’étendue de contrainte équivalente est appliquée (Cremona, 1996 ; Lukic 1999). Le facteur de correction de forme

Y a( )

est une fonction de la profondeur de fissure a , de la demi-longueur c , de l’épaisseur b , et de la largeur de la semelle d (Sedlacek & al., 1997). Le facteur de concentration de contrainte M a dépend non seulement de la k( ) profondeur de fissure a , mais aussi d’autres paramètres géométriques comme l’épaisseur b , la hauteur du cordon de soudure h et de son angle  . Ce facteur représente l’augmentation de contrainte à prendre en compte suivant le détail étudié. On utilise la solution classique d’Hobbacher (1993).

Pour déterminer la profondeur de fissure critique a , la règle R6 - ou règle des 2 critères – est c

utilisée (Milne et al, 1986, Lukic 1999). Il est ainsi possible d’appréhender simultanément la rupture ductile et la rupture fragile en séparant les composantes plastiques des composantes élastiques; La règle R6 n’est pas une formulation optimiste contrairement au choix arbitraire d’une profondeur de fissure critique telle qu’une demi épaisseur ou l’épaisseur totale de la semelle (Lukic 1999).

Cette règle prend en compte un facteur d’incertitude sur la ténacité, la température du matériau et la température de rupture à 28 jours. Ces 3 variables peuvent également recevoir une description probabiliste en entrant dans un calcul fiabiliste. Les détails quant à la mise en oeuvre de cette règle peuvent être trouvés dans (Lukic & Cremona, 2001) et (Kunz, 1992).

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D’autres règles sont parfois proposées en liaison avec la forme de fissure (3D par ex., cf. Chryssanthopoulos & Righiniotis 2006).

2.4.2.2 Principes du calcul de fiabilité

Les méthodes de fiabilité, combinant mécanique de la rupture et analyse probabiliste, ont été initiées dans l’industrie pétrolière, en particulier les structures off-shore, ainsi que dans l’aéronautique et le matériel hautes pressions (Goyet & Maroini 1996, Schoefs & Labeyrie 1997, Labeyrie et al. 1998, Cremona 2005). Cette approche est appliquée depuis quelques années à la conception et à la maintenance des ouvrages d’art, comprenant notamment des assemblages soudés. Les méthodes de prévision en fiabilité sont fondées sur le calcul d’un indice représentant la probabilité d’un évènement de se produire.

On cherche à estimer la probabilité qu’un élément de structure caractérisé par sa résistance R (essentiellement sa géométrie et ses matériaux) rencontre une défaillance sous une sollicitation S, la notion de défaillance étant arbitraire.

Ce que l’on peut traduire par l’expression G U

 

  R S 0, où U représente les paramètres, aléatoires ou déterministes, caractérisant la structure et les sollicitations.

L’indice de fiabilité utilisé ici est l’indice d’Hasofer-Lind

. Il peut être vu comme la distance au point de défaillance le plus probable et caractérise ainsi la fiabilité d’un élément de structure (et par extension d’une structure : système en série ou en parallèle).

A titre de repère, un indice de fiabilité



3.8 tel que préconisé par l’Eurocode pour les ouvrages d’art dimensionnés à la fatigue correspond à une probabilité de défaillance

5

7.24 10

f

P   , si G est linéaire en fonction des variables aléatoires avec Pf   

 

, où

est la fonction de répartition d’une variable aléatoire normale centrée réduite (Cremona 2005).

La probabilité de défaillance est une mesure globale déterminée par l’intégrale de la densité de probabilité conjointe des variables de base dans la zone de défaillance. L’évaluation de cette intégrale est d’autant plus difficile que la fonction d’état limite est non linéaire. Diverses méthodes peuvent être utilisées dont la plus précise mais aussi la plus lente est la méthode de Monte-Carlo. Dans la pratique, on préfère calculer l’indice de fiabilité par l’approche au premier ordre (méthode FORM pour First Order Reliability Method) est la plus employée, son coût de calcul étant essentiellement lié au nombre de variables aléatoire du modèle. C’est l’approche utilisée tout au long de cette étude. Une correction au second ordre (SORM) peut

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affiner la recherche. La première étape consiste donc à définir une fonction marge de sécurité dont les paramètres sont des variables aléatoires (ou éventuellement déterministes) suivant des lois de probabilité appropriées. La seconde étape est la transformation des variables aléatoires non normales en variables aléatoires normales au moyen de la transformée de Rosenblatt. Une fois les variables de base transformées en variables normales centrées réduites, on recherche le point de fonctionnement sur la nouvelle surface de défaillance dans l’espace des variables transformées (Figure 2.30).

Figure. 2.30. Illustration de l’indice de fiabilité

L’indice de fiabilité est déterminé au travers du point de fonctionnement déduit par une minimisation de la distance sous une contrainte d’égalité traduisant l’appartenance à la surface de défaillance:

    

min t u u min u    (2.18) sous la contrainte

 

 

0 U g u (2.19)

L’algorithme de Rackwitz-Fiessler (Rackwitz & Fiessler 1978 ; Abdo & Rackwitz 1990) est le plus couramment employé pour la résolution de ce problème de minimisation.

2.4.2.3 Types d’ouvrages, catégories de détail et variables d’états

Le pont de Saint-Vallier est un ouvrage mixte (béton et acier). Les assemblages sont de type soudure et se classent en différentes « catégories de détail », définies à partir d’essais en fatigue comme la résistance à 2 millions de cycles (elles varient de 36 MPa à 160 MPa). Les détails considérés entrent dans la catégorie de détail 90 MPa: attache transversale entre raidisseur et semelle de poutre. Pour un tel détail d’assemblage, la marge de sécurité décrivant la progression d’une fissure s’écrit (Cremona 1996, 1997):

β

zone de défaillance

zone de sécurité point de fonctionnement

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   

0 2 ( ) 1 2 ( ) ( ) ( ) f a a m m k dx m M C N t E S G x Y x M x x             

(2.20)

La liste ci-dessous précise les variables participant à l’expression de la marge de sécurité. Toutes peuvent être des variables aléatoires dont on précise la loi de probabilité adaptée associée. Une étude de sensibilité, via l’expression des coefficients partiels de sécurité (Lukic 1999), permet de restreindre le nombre de variables aléatoires dans l’analyse fiabiliste. L’influence des valeurs moyennes et de l’écart-type des variables aléatoires sur la durée de vie en fatigue est aussi précisée dans ces travaux (Lukic 1999 ; MIKTI 2010). Toutes les variables sont considérées ici comme étant aléatoires (hormis deux, déterministes et nulles) :

- a , profondeur de fissure initiale; Loi lognormale. 0

- a c , forme de fissure; Loi lognormale. -  , nombre de cycles annuels; Loi normale. - m , paramètre de la loi de Paris; Loi normale. - KIC, erreur sur ténacité; Loi de Weibull.

- sQ , contraintes variables ; Loi de Gumbel des maxima (loi de valeurs extrêmes).

- E S

 

, étendue de contrainte; Loi normale.

- lnC , paramètre de la loi de Paris ; Loi normale.

- Kth, seuil de variation du facteur d’intensité de contrainte; Déterministe (fixée à 0). - b , épaisseur de la semelle; Loi normale.

- d , largeur de la semelle; Loi normale.

- h , hauteur de cordon de soudure; Loi normale. -  , angle de cordon de soudure; Loi normale. - fy , limite d’élasticité; Loi lognormale. - sG , contraintes permanente; Loi lognormale. - sS , contraintes résiduelles; Loi lognormale.

- Te, température de matériau; Loi de Gumbel des minima (loi de valeurs extrêmes). - TK28, Température de rupture à 27J; Loi normale.

- N0, nombre de cycles d’initiation; Déterministe (fixée à 0).

Une variable aléatoire, af , profondeur de fissure critique, obtenue par la méthode des 2 critères (ou R6) apparaît. C’est une variable implicitement probabiliste puisqu’elle dépend de variables aléatoires. L’approche probabiliste est séduisante puisqu’elle permet de prendre en

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compte un très large spectre d’incertitudes, comme en témoigne la liste de paramètres ci-dessus. Cependant, elle peut être limitée par le manque d’études statistiques concernant les différentes variables d’entrée et la complexité des calculs de probabilité. Une telle démarche ne trouve donc de cohérence que si les incertitudes sur les différents paramètres peuvent être correctement caractérisées.