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II. L’ammoniac de l’échelle locale à l’échelle régionale: analyse des processus et méthodes de modélisation analyse des processus et méthodes de modélisation

II.2. Modélisation de l’ammoniac à l’échelle régionale

De nombreux modèles de transport et de dépôt par voie atmosphérique sont utilisés dans la recherche et comme supports à l’action publique pour calculer les différents flux d’ammoniac

30 atmosphérique et ainsi évaluer les problèmes environnementaux liés à l’émission et au dépôt d'ammoniac. A l’échelle régionale, les modèles utilisés peuvent être classés en trois types :

 Les modèles eulériens pour les simulations à l’échelle européenne : EMEP (Sandnes, 1993 ; Simpson, 2003), CHIMERE (Vautard et al., 2001 ; Schmidt et al., 2001 ; Bessagnet et al., 2009 ; Menut et al., 2014), MATCH (Persson et al., 2004), LOTOS-EUROS (Schaap et al., 2008), EMEP4UK (Vieno et al., 2005) ;

 Les modèles lagrangiens pour les simulations à l'échelle nationale : FRAME (Singles et al., 1998), HARM (Metcalfe et al., 1995), TREND (Asman et van Jaarsveld, 1992) ;  Les modèles imbriqués : DAMOS (Geels et al., 2012) qui couplent un modèle eulérien DEHM (Christensen, 1997) avec un modèle gaussien OML-DEP (Operationelle Meteorologiske Luftkvalitetsmodeller ; Sommer et al., 2009).

Les différents modèles utilisés n’ont pas été conçus pour les mêmes objectifs et n’ont donc pas les mêmes formalismes et hypothèses de calcul. Les modèles FRAME et DAMOS ont été construits pour décrire les concentrations et les dépôts avec une résolution spatiale élevée, alors que les autres modèles ont été initialement conçus pour décrire le transport de la pollution à grande distance en général. Les différences principales entre les modèles régionaux peuvent être décrites selon trois axes, comme cela ressort des exercices d’intercomparaison (e.g. EURODELTA, Bessagnet et al., 2016) :

 La représentation du transport advectif (par un schéma d’advection) et de la turbulence verticale ; les différences de traitement de l’advection et du mélange peuvent entraîner des différences dans la dispersion des polluants ;

 La chimie en phase gazeuse et la physico-chimie des transferts entre phases gazeuse et particulaire ;

 Le calcul des dépôts sec et humide par l’utilisation des schémas différents ou aussi par des estimations très différentes de quelques paramètres de dépôt (hauteur de la couche de mélange, coefficient de diffusivité…).

Il est important de mentionner que grâce à l’amélioration des moyens de calcul, les modèles lagrangiens utilisés principalement dans les années 90 à cause de leur faible temps de calcul ont été remplacés progressivement par les modèles eulériens à partir des années 2000.

Les modèles eulériens des flux d’ammoniac à une échelle spatiale large (~ 1000 km) sont aussi caractérisés par une résolution verticale relativement faible, et notamment la résolution de la première couche au-dessus de la surface (épaisseur de 25 à 100 m ; van Pul et al., 2009).

31 Les émissions proches de la surface sont alors immédiatement diluées dans cette couche, ce qui tend à conduire à une sous-estimation des concentrations de surface et donc des dépôts secs, en particulier à proximité des sources, alors que les modèles avec une meilleure résolution spatiale (horizontale et verticale) montrent un bon accord avec les mesures d'ammoniac (van Pul et al., 2009).

Les paysages agricoles, correspondant à des échelles de quelques km2 à quelques dizaines de km2, représentent une échelle pertinente pour la modélisation des flux d'ammoniac par voie atmosphérique. C’est en effet à cette échelle qu’il est possible d’agir sur l’hétérogénéité des sources d'ammoniac (e.g. bâtiments d’élevage, aires de stockage des effluents) en modifiant leur localisation géographique et leur position relative par rapport aux écosystèmes sensibles (e.g. forêts, zones humides, réserves de biodiversité), ainsi que l’intensité de ces sources. Les modèles de chimie-transport (CTM, chemical-transport models) (Kukkonen et al., 2012), lorsqu’ils sont utilisés à des résolutions spatiales de plus en plus grandes, peuvent sortir du domaine de validité de leurs hypothèses et conduire à des sous-estimations ou des surestimations des flux simulés, notamment les dépôts de NH3. La résolution spatiale des modèles régionaux est limitée par différents facteurs : la résolution des données d'entrée (en particulier les conditions météorologiques, les lieux et intensités des émissions, les occupations des sols), les ressources informatiques (temps de calcul) et la résolution pour laquelle les différents paramètres sont calculés.

La grande différence entre les simulations et les mesures pour les modèles à l’échelle régionale est due principalement à la résolution spatiale des modèles ainsi qu’à la paramétrisation des processus au niveau de la surface. Cette large échelle spatiale peut engendrer des comparaisons non objectives entre les simulations et les stations de mesures, qui ne sont représentatives que de sites ponctuels et ne représentent pas l’ensemble du domaine de simulation. Cette grande variabilité spatiale des mesures pour l’ammoniac ne peut évidemment pas être capturée par les modèles eulériens avec une résolution spatiale de 50 km x 50 km1.

Le modèle EMEP (European Monitoring and Evaluation Program ; Simpson et al., 2003 ; http://www.emep.int) est utilisé généralement pour des résolutions de 50 x 50 km2 et peut aussi calculer raisonnablement des flux de NH3 jusqu'à une échelle de 5 × 5 km2, sachant qu'il existe une limitation générale pour la modélisation eulérienne de l'ordre de 1 × 1 km2 (van Pul

1Résolution typique dans la littérature des deux dernières décennies ; aujourd’hui la résolution typique des modèles à l’échelle de l’Europe est davantage de 10 km à ¼ de degré.

32 et al., 2009), due à la non prise en compte de la turbulence dans les dimensions horizontales. Même avec une grande résolution spatiale, les modèles eulériens ne parviennent pas à résoudre tous les processus locaux (à côté des sources), ce qui aboutit à une sous-estimation des concentrations à proximité des sources ponctuelles. L'augmentation de la résolution des modèles est donc souhaitable et même nécessaire, mais elle implique de disposer d’une plus grande quantité de données sur les facteurs d'entrée, qui dépendent aussi du domaine d'application et la finalité d’utilisation des modèles (pollution et santé humaine, projections et scénarios,…). Par exemple, le modèle EMEP4UK (Vieno et al., 2009) est une version d’EMEP avec une résolution spatiale plus grande qui a permis d’améliorer nettement la capacité du modèle EMEP à prédire les flux de NH3 à l'échelle de la Grande Bretagne, à partir de la description des processus de dépôt dans des mailles de 5 x 5 km2. D’autres modèles ont aussi été utilisés avec des résolutions plus grandes, comme le modèle CHIMERE (Menut et al., 2014) où la résolution spatiale a été augmentée de 100 x 100 km2 à 10 km x 10 km2 pour des simulations à l’échelle d’un domaine européen (Terrenoire et al., 2015). Toutefois, ces modèles ne permettent pas d’utiliser des résolutions spatiales supérieures à 1 x 1 km2, voire 5 x 5 km2, et donc de représenter la variabilité des dépôts de NH3 dans des paysages hétérogènes du point de vue des flux d’NH3 (e.g. régions d’élevage ou de polyculture-élevage). Dans ces derniers cas, les modèles permettant d’utiliser des résolutions plus grandes (de quelques dizaines à quelques centaines de mètres) peuvent s’avérer plus pertinents.

II.3. Considérations de modélisation de la dispersion de NH

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