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II. La dissociation

1. Modélisation dans la lignée des travaux de Stanislas

La dissociation est un processus qui permet à une perception d’échapper à la conscience. Selon nous, si l’on étire ce paradigme de la conscience au champ de la dissociation, nous identifions donc différents types de dissociations comprises comme détachement ou de désengagement, en fonction de l’activité neuronale dont elle dépend lors de l’activité de perception :

- Dissociation préconsciente ou plus rigoureusement dissociation d’une perception relative à une activité préconsciente : nous faisons l’hypothèse qu’une émotion ou une représentation dissociée dans le cadre traumatique correspond à la connectivité préconsciente. L’émotion existe (activation forte), mais l’attention ne s’y arrête pas (le cortex préfrontal n’opère pas l’amplification nécessaire à la conscience).

Ainsi, dans la clinique du traumatisme, cela reviendrait à une émotion ou un détail du souvenir que l’on pense avoir ressenti ou vu au moment de l’événement, mais qui ne nous ait plus accessible à la conscience. Notamment lorsqu’un patient oublie un détail important du souvenir, dont le psychologue n’a souvent conscience de son caractère pré-conscient qu’au moment de la conscientisation de cette représentation. Par exemple, l’amnésie peut porter sur le visage de l’agresseur et revenir à la conscience durant la séance.

Ceci est possible car le cortex préfrontal ne fait pas partie du réseau d’activation neuronale qui code pour ces éléments malgré la décharge à une fréquence suffisante. Notons que cette fréquence est différente de celle des autres éléments du souvenir qui pourront créer eux une certaine cohérence.

La levée de cette dissociation se manifesterait par le fait de se rappeler un détail du souvenir (dont nous savions qu’il en faisait partie, mais que nous n’avions pas l’habitude d’intégrer dans notre représentation) : « j’avais oublié,

enfin je le savais, mais maintenant je les vois aussi quand je me rappelle, en fait je n’étais pas toute seule quand ça s’est passé, j’étais avec mon frère ».

Une représentation dissociée dépendante d’une activité préconsciente pourrait alors devenir consciente lorsque l’activité synchrone et rythmique du réseau de neurones qui la code est amplifiée.

- Dissociation subliminale ou dissociation qui dépend d’une activité subliminale : ces activations neuronales correspondantes à la perception de représentations dont nous n’avons pas conscience de percevoir pourraient aussi être des éléments dissociés du reste de la cohérence d’un souvenir par exemple.

À la différence des éléments dissociés mais préconscients, ceux dissociés subliminaux dans le cadre post traumatique témoignent d’un autre vécu subjectif. Ce n’est pas comme le fait de ne pas percevoir distinctement la conversation à la table d’à côté au restaurant en sachant qu’il y en a une, il s’agit de ne même pas avoir conscience qu’il y aurait une conversation autre que la nôtre.

Dans la clinique du traumatisme, cela reviendrait à parler de ces émotions ou stimuli qui ne sont pas perçus consciemment et que l’individu lui- même pense ne pas ressentir lors de l’événement. Ces éléments sont codés neuronalement à une fréquence différente et cette activité n’est pas assez intense. Pour autant elle n’est pas sans effet sur nos actions.

Sur le plan clinique, la levée de la dissociation lorsqu’elle portait sur des représentations de perceptions dépendantes d’une activité subliminale se manifesterait ainsi : « un élève a joué au malin en émettant des ultrasons avec

moment où il a sorti son portable que je me suis senti mal… oui c’est ça… je ne comprenais pas pourquoi j’étais si en colère plus que de raison juste pour un portable, c’est en fait ce son que je n’ai pas pu entendre consciemment du fait de sa fréquence, mais mon oreille absolue de prof de musique a dû y être sensible ».

Peu de situations cliniques concrètes sont observables sur la thématique post- traumatique pour une dissociation subliminale. Il n’est souvent pas possible de conscientiser une perception dissociée de manière subliminale, Toutefois, notre exemple nous montre que nous pouvons traiter consciemment les conséquences de la dissociation subliminale. L’élément codé de manière subliminale pourrait donc être déduit par interprétation, mais nous ne pouvons pas nous en souvenir consciemment.

- Dissociation déconnectée ou dissociation qui dépend d’une activité déconnectée : le stimulus est perçu par le cerveau mais inaccessible à la conscience car le réseau de neurones qui la code est en dehors de « l’espace de travail neuronal global ».

Prenons l’exemple de l’activité de sudation. Le seul espoir pour conscientiser quelque chose de cette activité est de la coder à partir d’autres modalités sensorielles. Ainsi, en portant notre attention sur la sensation de la peau nous arrivons à avoir une représentation consciente de quelque chose du processus de sudation, dont l’activité neuronale qui code sa perception est déconnectée. En effet, la perception par le cerveau ne sert qu’à la régulation de la motricité végétative et ne nécessite pas sa conscientisation.

Mais dans ce cas, ne pourrions-nous pas dire que la sensation de la peau correspond à une activité préconsciente dont on se sert pour approcher l’activité déconnectée ? L’activité déconnectée relèverait non pas d’une perception dissociée de la conscience de manière péri-traumatique, mais d’un élément qui ne sera jamais perçu et donc encore moins accessible à la conscience.

Dans la clinique du traumatisme, un individu ne peut pas percevoir le mouvement de dilatation ou non de sa pupille,

Si au moment de l’événement l’individu se regarde dans un miroir, il peut percevoir consciemment ou de manière subliminalement dissociée ou préconsciemment dissociée l’image mentale du reflet du mouvement de ses iris dans le miroir. Mais le mouvement en lui-même n’étant pas perçu, ne peut ni être conscient ni dissocié.

Le résultat de l’activité déconnectée est retranchée de la perception elle- même dans un au-delà de toute conscience. Ainsi, le processus inconscient de la perception n’est pas forcément synonyme de la dissociation liée à un évènement. Une part des processus inconscients n’est même pas dissociée au sens traumatique de mise à distance. Cette part n’est accessible que par une reconstruction à partir d’éléments préconscients et subliminaux tel le mythe qui tente de saisir quelque chose de l’origine du monde. Cette part est dissociée par essence.

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