Matériel psychologique et physiologique

Pour les mesures physiologiques, nous procédons au raisonnement suivant : nous nous intéressons à l’effet des SBA en cas de dissociation. L’effet connu des SBA sur le symptôme de réaction physiologique marquée (B.5) montre que les SBA impactent l'activité du système nerveux autonome (Aubert-Khalfa et al., 2008). Or les personnes dont le vécu subjectif est dissocié peuvent ne pas avoir de réactions physiologiques particulières lors de la remémoration du souvenir (D. Rabellino et al., 2015).

La population qui nous intéresse considère un événement comme marquant ou stressant sans pour autant ressentir ce stress. Ces personnes témoignent alors d’une certaine dissociation dans la remémoration du souvenir stressant. C’est l’émotion dans sa composante physiologique qui est dissociée.

Nous devons exclure de la population les individus qui présentent une réaction physiologique marquée à l’évocation du souvenir. Cette variable rendrait impossible une conclusion sur un effet spécifique relatif à la dissociation, car nous ne pourrions jamais être sûr que l’éventuel mécanisme observé ne soit pas le fruit de celui de désensibilisation de l’activité physiologique déjà bien connue des SBA.

Pour être certain que cet effet n'est pas en cause dans nos résultats et que la population présente bien une certaine dissociation, nous contrôlons cette variable. Pour nous en assurer, l'activité autonome est mesurée à partir de l’enregistrement du signal physiologique via un encodeur multimodales à une fréquence de 256Hz (Procomp Infinity). Ce matériel est utilisé dans une étude sur la thérapie par exposition qui inspire notre travail (Wangelin & Tuerk, 2015).

Pour les mesures psychologiques, nous procédons au raisonnement suiv ant : nous mesurons les signes impliqués dans l'ESPT via le questionnaire RSDI : « Responses to Script-Driven Imagery Scale ». Il est un bon indicateur de la réactivité psychophysiologique dans l'ESPT, car ses résultats ont été corrélés à ceux du « The clinician-Administered PTSD Scale (CAPS) qui est un outil reconnu et recommandé dans le diagnostic de l’ESPT. Le questionnaire RSDI a donc fait l'objet d'une étude montrant sa haute consistance interne, sa validité de construit et sa validité prédictive

dans le cadre de l'évaluation des symptômes pour la recherche clinique ou psychobiologique (Hopper, Frewen, Sack, Lanius, & Van der Kolk, 2007).

Ce questionnaire présente l'avantage de mesurer les signes de reviviscences, mais aussi celui d'intégrer l’évaluation d’un fonctionnement dissociatif sans forcément être pathologique sur le plan du diagnostic. Il est utilisé dans les plus récentes études sur la régulation émotionnelle (Nicholson, Rabellino, et al., 2017). Ce questionnaire nous semble être au plus proche de la conception du TSPT présentée par le DSM V puisque celui-ci a intégré la dissociation liée à la remémoration d'un souvenir autobiographique qui est le processus que nous souhaitons observer. Toutefois, la manière dont la dissociation est évaluée dans le RSDI correspond davantage à cette idée de détachement/désengagement de la perception qui détermine une nouvelle modélisation de la dissociation dans le TSPT (Choi et al., 2017).

La dissociation est présente dans d'autres problématiques, il semble alors important de cibler le contexte dans lequel nous souhaitons la mesurer, à savoir lorsqu'elle est en lien avec la perception d'éléments internes ou externes en rapport avec un événement autobiographique provoquant une perturbation. C’est pourquoi nous ne prenons pas un questionnaire d’évaluation de la dissociation classique. Nous souhaitons également limiter au maximum le temps de passation du questionnaire pour éviter que la passation ne soit trop longue puisque celle-ci implique les participants dans leur histoire personnelle.

Comme nous le sous-entendions, d’autres échelles existent pour mesurer les symptômes dissociatifs (Bremner et al., 1998). Mais celles-ci nous semblent trop sensibles et donc plus appropriées pour l'étude d'une population de patients présentant une pathologie diagnostiquée.

Comme nous l'avons vu plus haut, dans notre étude la dissociation est la variable mesurée, mais en tant que processus et non pas forcément comme symptôme. Or le processus évalué dans le RSDI n'est pas considéré comme forcément pathologique puisque ce questionnaire ne constitue pas un outil diagnostique.

Pour définir plus précisément la variable dépendante « intensité des signes de dissociation », voici les items qui l’évalue dans le RSDI : « Lors de la remémoration de

- Avoir l’impression que l’événement n’est pas réel - Se sentir extérieur/observateur de la scène - Se sentir déconnecté de son corps

- Se sentir comme dans le brouillard, avoir une perception floue de ce que l’on ressent ».

L’intensité de ces ressentis est reportée sur une échelle de 0 à 6 par pas de 1. De « pas du tout » à « beaucoup ».

La clinique nous montre que les mêmes ressentis évalués par ces différents items peuvent être observés pour des souvenirs qui ne sont même pas considérés comme stressants ou perturbants par l’individu concerné. Comme nous souhaitons évaluer les effets des SBA sur la dissociation en tant que processus potentiellement sain, nous considérons que le RSDI constitue donc le meilleur outil.

Aussi, nous souhaitons étudier l'effet immédiat des SBA sur le fonctionnement de l'individu. Or ce questionnaire est développé pour s'appliquer immédiatement après la remémoration du souvenir, puisqu'il a été testé à partir du paradigme « Script-driven imagery symptoms provocation paradigm ». Dans ce paradigme les sujets racontent l’événement qu’ils ont vécu. Le récit est retranscrit. Les variables sont étudiées lors de l’exposition du sujet au récit de son propre événement dans le moment de la passation. Le RSDI est conçu pour évaluer ce qui vient de se produire. Ainsi ce questionnaire est plus fiable qu'un autre pour évaluer la dissociation successive à la remémoration d'un souvenir perturbant, au moment où celle-ci est à l’œuvre.