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Modélisation cinétique de l’inactivation des phages M13 et MS2

5 RESULTATS EXPERIMENTAUX ET ANALYSE

5.2 L ES PARAMETRES CIBLES

5.2.3 Modélisation cinétique de l’inactivation des phages M13 et MS2

Depuis de nombreuses années, beaucoup de travaux sont conduits sur l’inactivation des agents infectieux par le procédé thermique. C’est seulement depuis quelques années que les cinétiques d’inactivation sont étudiées et que des avancées remarquables sont faites dans la modélisation de ces cinétiques. L’application de nouvelles technologies d’inactivation des phages telles que les traitements par le laser femtoseconde requiert la construction de modèles mathématiques fiables qui décrivent précisément le taux d’inactivation de la population bactérienne et permettent d’anticiper le comportement de ces phages vis-à-vis de la technologie.

niveaux d’inactivation microbienne souhaités et permettre ainsi la production des produits stables et sains [121-123]. Les modèles doivent être simples et basés sur l’inactivation des agents infectieux modèles en fonction des paramètres de traitement tels que la durée d’exposition et la densité d’énergie. La modélisation se fait en deux étapes. La première étape consiste à modéliser la cinétique d’inactivation c’est-à-dire à modéliser les paramètres du modèle primaire, comme par exemple le taux d’inactivation kmax, qui décrit la sensibilité d'un

virus à l'inactivation par des décontaminants [123-124]. Une fois ces paramètres modélisés, l’étape suivante consiste à modéliser la variation de ces paramètres en fonction de différents facteurs intrinsèques et extrinsèques grâce à des modèles secondaires. Les paramètres et les modèles des cinétiques sont employés pour le développement des processus d’inactivation et pour assurer leur innocuité. Ils fournissent également les outils pour comparer l'impact de différentes technologies de transformation sur la réduction de populations microbiennes. Il est donc indispensable de connaître le type de comportement cinétique qui décrit le mieux l’inactivation par le laser femtoseconde afin d’établir un modèle fiable et de quantifier cette inactivation. Les paramètres décrits plus bas, permettent d’évaluer la résistance des agents infectieux au traitement.

Geeraerd et al. [123] ont proposé un logiciel, GInaFiT, de neuf différents modèles de survie microbienne. La spécificité de ce logiciel est qu’il permet à l'utilisateur de partir des données expérimentales et après modélisation, d’obtenir des paramètres pouvant lui permettre de les interpréter aisément avec les critères d’ajustement correspondants. L’évolution de la population microbienne en fonction du temps avec cet outil se définit à travers trois principaux modèles de log-linéaire, Weibull et biphasique. Ces modèles ont été principalement conçus et appliqués pour les courbes de destruction des agents infectieux.

5.2.3.1 Modélisation des courbes de survie: Modélisation log-Linéaire

Lors du traitement laser, la charge microbienne diminue progressivement au cours du temps. Classiquement, les modèles les plus utilisés sont conçus sur la base de l'hypothèse d’une cinétique de premier ordre. L’évolution du taux de survie en fonction du temps est décrite selon l’équation (5.2). On remarque que, selon la figure 5.8, l’inactivation par le traitement laser femtoseconde est différente selon le type des agents infectieux et la longueur d’onde d’excitation et que par conséquent la cinétique d’inactivation est différente d’un agent infectieux à un autre et d’une longueur d’onde à une autre. Les résultats de la détermination du taux d’inactivation des phages M13 et MS2 à la décontamination par le traitement laser femtoseconde sont présentés sur le tableau 5.5. De manière générale, le tableau 5.5 montre

que les valeurs kmax augmententavec une diminution de la longueur d’onde d’excitation. Ces

résultats montrent que l’inactivation par la lumière visible de MS2 est plus rapide que celle de

M13. Le taux d’inactivation le plus élevé est observé à 400 nm (0.554 ± 0.189 min-1) suggère

une sensibilité plus élevée de MS2 au traitement laser à 400 nm, tandis que M13 avec la valeur 0.485 ± 0.090 min-1, reflète une population bactérienne résistante à 400 nm. Cependant à 800 nm, les résultats montrent que la constante d’inactivation de M13 (0.284 ± 0.02) est supérieure à celles de MS2 (0.218 ± 0.001).

Tableau 5. 5 Les paramètres de la cinétique d'inactivation des phages M13 et MS2, estimés par les

modèles: modèle linéaire et Weibull pour différentes longueurs d'onde d'excitation.

λ (nm) Virus Modèle linéaire (équation 5.2) Modèle de Weibull (équation 5.3) kmax(min

-1

) log10 (N(0)) R 2

MSE α (min) β R2 MSE

800 M13 0.284±0.021 0.173±0.091 0.969 0.029 5.146±0.825 0.700±0.069 0.990 0.008 MS2 0.218±0.011 0.075±0.051 0.983 0.010 9.528±1.319 0.878±0.128 0.982 0.009 400 M13 0.485±0.090 1.182±0.404 0.822 0.568 2.653±2.802 0.673±0.311 0.86 0.446 MS2 0.554±0.189 2.231±0.844 0.559 2.486 0.023±0.052 0.281±0.088 0.884 0.652 800/400 M13 0.301±0.038 0.466±0.171 0.910 0.102 2.572±0.789 0,521±0.065 0.982 0.0203 MS2 0.338±0.049 0.580±0.220 0.885 0.168 1.739±0.791 0.492±0.078 0.970 0.0435

Cette approche log-linéaire permet de calculer de manière rapide l’inactivation subie par les agents infectieux et simplifie les comparaisons entre processus d’inactivation. Cependant, des déviations de ce modèle log-linéaire telles que des « traînées », « queues », « tailing » … sont observées à de nombreuses reprises. De nombreux modèles non linéaires sont développés pour décrire un ou plusieurs types de courbes de survie [122-125].

5.2.3.2 Modélisation des courbes de survie: Modélisation non linéaire

Dans le cadre de l’inactivation non thermique, le phénomène de non linéarité des courbes de survie est amplifié, et il est ainsi rare de trouver une courbe de survie log-linéaire. L’intensité de traitement, mais aussi l’adaptation des phages, jouent sur l’allure des courbes de survie [122- 128]. La non linéarité des courbes de survie s’explique par la différence de résistance et de capacité d’adaptation au stress entre les particules virales. Elle est liée à la variation génétique entre les agents infectieux, l’hétérogénéité de la transcription et composition de la capside virale [160-162]. Deux théories s’opposent pour expliquer la non linéarité des courbes de survie: la théorie vitaliste et la théorie mécaniste [163- 168]. Selon les deux théories, l’épaulement et la traînée qui peuvent être observés sur les courbes de survie, sont dus à une hétérogénéité de la résistance au traitement.

Selon la théorie vitaliste, la résistance au traitement est un caractère intrinsèque à l’agent infectieux et cette résistance est variable selon les agents infectieux. La non linéarité des courbes de survie est donc un phénomène tout à fait normal, lié par exemple à la plus ou moins grande résistance d’une molécule critique. Par contre, selon la théorie mécaniste, l’hétérogénéité est due à des facteurs extrinsèques à la particule virale. Cerf classe les origines de ces facteurs en trois catégories [164]. Premièrement, la traînée est un phénomène normal lié aux mécanismes provoquant l’inactivation. Par exemple, une molécule critique possèderait trois états (sensible, résistant et inactivé). Et le passage d’un état à l’autre expliquerait les courbes de survie et les concaves. Deuxièmement, la traînée est un phénomène lié aux mécanismes de résistance (modification de la résistance pendant le traitement). Et troisièmement, la traînée est un phénomène indépendant des mécanismes d’inactivation. Elle peut être le fruit de l’hétérogénéité génétique, de l’hétérogénéité du traitement, la présence d’agrégats, des méthodes de dénombrement. La construction des modèles peut s’effectuer selon deux approches. L’approche empirique et l’approche mécaniste. Les modèles empiriques décrivent simplement les données sans prendre en compte les phénomènes provoquant la réponse observée. Les modèles mécanistes sont développés à partir de théories, d’hypothèses et permettent d’expliquer la réponse à modéliser par l’action de phénomènes physiques, biologiques et/ou chimiques.

De nombreux modèles ont été employés pour décrire l’inactivation due à un traitement non thermique. Le plus souvent, il s’agit de modèles antérieurement proposés dans le cadre de traitement thermique et dont les applications sont élargies aux autres traitements. Mais certains modèles sont spécialement développés pour l’inactivation non thermique [168-169]. Tous les modèles sont confrontés et critiqués en fonction des théories ou des hypothèses sur lesquelles ils reposent, mais aussi en fonction de leur parcimonie, de leur performance d’ajustement, de l’interprétation physique, chimique ou biologique de leurs paramètres, de leur capacité à décrire les différentes formes de courbes de survie, de leur capacité à être utilisés sous forme dynamique et donc à décrire le comportement microbien en conditions environnementales variables [145, 156-160]. Dans le cadre de cette étude, le propos n’est donc pas de comparer tous les modèles permettant de décrire une courbe de survie non-linéaire, mais, simplement de proposer deux catégories de modèles: le modèle Weibull et le modèle biphasique afin de comparer l'efficacité de traitements laser entre eux et/ou pour différents virus.

La distribution de Weibull est l’une des distributions les plus répandues pour décrire la cinétique d’inactivation de plusieurs agents infectieux en raison de sa simplicité et de sa flexibilité [123- 128]. Le modèle de Weibull prend en compte les variations biologiques au sein d'une culture microbienne et considère les événements mortels comme des possibilités plutôt que comme des facteurs déterministes. C'est un modèle simple mais flexible pour décrire l'inactivation des bactériophages par un traitement [123-128]. L’évolution de la population durant l’application d’un traitement peut être alors décrite selon l’équation

:

𝑙𝑜𝑔 (

𝑁𝑡 𝑁0

) = 𝑙𝑜𝑔 (

𝑁𝑡 𝑁0

)

0

−(t α⁄ )

β

(5.7)

où (Nt

N0)0est le facteur de réduction initial, α (min) est appelé le temps de la première réduction

décimale (correspondant à l’inverse de paramètre kmax de modèle linéaire); plus α est grand,

plus la durée de vie des individus est longue. Le paramètre β sans dimension qui décrit donc la forme de la courbe de survie.

En fonction de la valeur de ces paramètres, le modèle de Weibull permet de décrire différentes allures typiques des courbes de survie. Si β est inférieur à 1, la courbe de survie est concave. Si p ou β est supérieur à 1, la courbe de survie est convexe. Si β est égal à 1, la courbe de survie est log linéaire. La valeur β reflète la forme de la courbe de survie et on suppose que sa valeur est dépendante de l'intensité de traitement et de l'état physiologique de la population microbienne. Bien que le modèle de Weibull soit de nature empirique et que la signification physique des paramètres du modèle soit moins évidente par rapport aux modèles biphasique (décrits ci-dessous), un lien avec les effets physiologiques a été proposé par Van Boekel [128]. Il a été suggéré que β > 1 indique que les particules virales survivantes à n'importe quel moment de la courbe d'inactivation ont la capacité de s'adapter à la contrainte appliquée, alors que β < 1 indique que les particules virales restantes sont de plus en plus endommagées. Le tableau 5.5 montre que les valeurs α et βdiminuent avec une diminution de la longueur d’onde d’excitation pour les deux phages. Cette constatation est plus claire pour MS2. Les valeurs β sont respectivement de 0.673 ± 0.311 et de 0.281 ± 0.088 pour M13 et MS2 après 20 minutes de traitement laser à 400 nm. Par contre à 800 nm, les valeurs de β sont de 0.700 ± 0.069 et 0.878 ± 0.128 pour M13 et MS2 respectivement.

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