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Modélisation analogique : comportement mécanique d’une lithosphère peu résistante

en compression

Les expériences analogiques présentées dans cette partie permettent de discuter des mécanismes de déformation de lithosphères peu résistantes en compression. Après une présentation de la technique expérimentale ainsi que des travaux antérieurs (Chapitre III.1.) les résultats principaux de cette modélisation analogique seront présentés et discutés sous la forme d’un article soumis (Cagnard et al., Tectonophysics ; Chapitre III.2.). Puis, une expérience complémentaire sera présentée (Chapitre III.3.) et un bilan (conclusion) sera tiré des résultats obtenus (Chapitre III.4.). Les descriptions en détail du protocole expérimental, du dimensionnement ainsi que de chaque modèle sont présentées dans les Annexes 1 et 2.

INTRODUCTION

Le développement d’expériences multi-couches (sable et silicone) est un bon moyen pour étudier les mécanismes de déformation de systèmes tectoniques, notamment à l’échelle lithosphérique. Ce genre d’expériences permet d’étudier l’influence du couplage entre des couches fragiles et ductiles sur les processus tectoniques. En effet, le couplage fragile-ductile contrôle la répartition et la géométrie des structures qui vont se développer au sein des modèles et contrôle donc directement le mode de déformation de la lithosphère continentale modélisée. La proportion entre les différents niveaux fragiles (sable) et ductiles (silicone) introduits dans le modèle va donc être le paramètre principal qui contrôlera le mode de déformation de cette lithosphère.

Des expériences analogiques préliminaires réalisées par Davy et al. (1990) puis Davy et

Cobbold (1991) ont montré que des modèles lithosphériques résistants (composés de 4

couches : fragile-ductile-fragile-ductile) et peu résistants (composés de 3 couches : fragile- ductile-ductile), soumis à un même raccourcissement horizontal, ne montrent pas le même mode de déformation. Au sein de lithosphères continentales résistantes (caractérisées par la présence d’un manteau sub-Moho fragile), des systèmes chevauchants d’échelle lithosphérique ainsi qu’une subduction continentale associée se développent et la zone déformée est étroite (Figure III.2.1a). Ces caractéristiques sont observables dans nombre de zones de collision modernes impliquant des lithosphères « froides » (par exemple dans les Alpes, en Himalaya..). Au contraire, au sein de lithosphères analogues peu résistantes soumises à un raccourcissement horizontal, de petits chevauchements n’affectant que la croûte supérieure se développent. La zone déformée est plus large et la déformation est plus distribuée. Ces caractéristiques sont parfois observables au sein de zones de collision anciennes où modernes telles que les zones de convergence impliquant des lithosphères

juvéniles (Thompson Nickel Belt au Canada, Terre Adélie, Svecofennides de Finlande..) ou encore des croûtes épaissies puis amollies (Tibet, Altiplano,).

Ainsi, le mode de déformation de lithosphères continentales « chaudes » et peu résistantes en compression reste le sujet de nombreux débats et controverses. C’est pourquoi, nous avons réalisé des modèles analogiques d’échelle lithosphérique à 3 couches, afin de mieux contraindre le mode de déformation de lithosphères continentales « molles », soumises à un raccourcissement horizontal. Les résultats obtenus dans ces modèles analogiques permettent de mieux comprendre l’influence de l’absence d’un manteau sub-Moho résistant sur le mode de déformation ainsi sur le mécanisme d’épaississement d’une lithosphère « molle », soumise à un raccourcissement horizontal. Les résultats obtenus dans ces modèles sont mis en perspective avec des résultats obtenus sur une expérience complémentaire modélisant le comportement d’une lithosphère résistante (à 4 couches), en contexte compressif.

III. 1. PRESENTATION DE LA METHODE

₪ Principe et limites de la modélisation analogique

La modélisation analogique est un bon outil pour comprendre les processus mécaniques qui contrôlent la déformation tectonique. Cette technique permet en effet de modéliser à une échelle réduite (selon des règles de dimensionnement définies), des processus physiques naturels de plus grande échelle. Il s’agit, dans le cadre de la tectonique expérimentale, de tester des hypothèses concernant les liens entre déformation, rhéologie et conditions aux limites. Cependant, les systèmes naturels sont toujours complexes, tandis que l’approche expérimentale impose une simplification extrême des rhéologies et des géométries utilisées. Par exemple, il est très difficile d’introduire un gradient thermique au sein d’expériences analogiques; ce paramètre est alors souvent négligé. De plus, les profils de résistance qui caractérisent les modèles analogiques correspondent toujours à un empilement relatif de couches de sable (simulant des niveaux avec un comportement « fragile ») et des couches de silicone (simulant des niveaux avec un comportement « ductile »). Le passage d’une couche à une autre correspond alors à une transition brutale de rhéologie. Pourtant, cette simplification

n’a pas d’influence majeure sur le comportement des modèles analogiques et est faite dans tous les modèles. La difficulté majeure de l’approche expérimentale consiste donc à trouver un juste équilibre entre les simplifications obligatoires dans les expériences et la complexité naturelle, de façon à pouvoir interpréter les résultats. Des modèles trop compliqués ou, au contraire, trop simplifiés seront impossibles à interpréter. C’est pourquoi, l’approche analogique ne doit pas être utilisée comme un outil capable de reproduire en tout point la nature et les modèles analogiques produits ne doivent être réalisés uniquement que pour aider à la compréhension de l’influence de différents paramètres sur un mode de déformation.

₪ Travaux antérieurs

Les modèles analogiques en compression, à l’échelle lithosphérique, correspondent à des multicouches de sable - silicone flottant sur un fluide de faible viscosité représentant l’asthénosphère (miel, sirop..). L’existence d’un liquide dense sur lequel flottent ces modèles stratifiés permet de prendre en compte les forces gravitaires. Les différents paramètres testés correspondent à (1) la rhéologie introduite dans le modèle (c.a.d. la succession de plusieurs couches représentant des niveaux de différentes rhéologies) et (2) les conditions aux limites telles que la vitesse de déformation, l’angle de convergence, la présence ou non d’un indenteur (éventuellement de différentes géométries), ainsi que la géométrie 3D des différentes couches…

De tels modèles analogiques qui testent le mode de déformation de lithosphères en compression, ne sont pas extrêmement nombreux, à cause de la difficulté de leur mise en place. Cependant, il existe tout de même quelques expériences menées en compression, lors desquelles le comportement mécanique de lithosphères continentales présentant différentes « stratifications » rhéologiques, a été testé et comparé à différents exemples naturels: Pyrénées (Davy et al., 1990) ; collision Inde-Asie (e.g Davy et Cobbold, 1988-1991 ; Jolivet

et al., 1990 ; Burg et al., 1994; Fournier et al., 2004), collision Anatolie-Arabie (Suzanne, 1991) ; extrusion latérale dans les Alpes (Ratschbacher et al., 1991 ; Rosenberg et al., 2004).

Le but de nos expériences ne sera pas de modéliser ni de se focaliser sur une région donnée mais d’essayer de mieux contraindre (en s’affranchissant de géométries complexes) le mode de déformation de lithosphères peu résistantes soumises à un raccourcissement horizontal.

III. 2. MODE D’ EPAISSISSEMENT DE LITHOSPHERES « MOLLES »

Remarque : La description du protocole expérimental, ainsi que de chaque modèle est présentée en détail dans l’annexe 1. Le dimensionnement des expériences est détaillé en annexe 2.