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Les premiers travaux de modélisation d’étoiles en rotation se limitaient à des vitesses de rotation faibles, donc des étoiles s’éloignant peu de la sphéricité, qui leur permet- taient d’utiliser des méthodes perturbatives (CHANDRASEKHAR,1933; SWEETet ROY,

1953). Des vitesses de rotation élevées ont été atteintes en premier par JAMES(1964), dans des étoiles polytropiques13en rotation solide (toute l’étoile tourne à la même

vitesse angulaire, comme une boule solide). Ses travaux furent suivis par STOECKLY (1965) qui montra la déformation extrême subie par une étoile polytropique à ro- tation élevée quand la rotation différentielle est prise en compte. La même année, ROXBURGHet al. (1965) réussit à s’affranchir des polytropes en décomposant l’étoile en deux domaines, un domaine interne où la force centrifuge est négligée, et un domaine externe dans lequel l’approximation de Roche est employée. Sa méthode est cependant limitée en terme de vitesse de rotation et suppose que la zone radiative est en équilibre hydrostatique, hypothèse physiquement irréaliste. OSTRIKER et MARK (1968) initièrent ensuite une série de travaux basés sur l’utilisation de la méthode SCF, ou « Self-Consistent Field ». Cette méthode consiste à démarrer d’une certaine distribution de densité dans l’étoile, que l’on intègre du cœur à la surface pour obte- nir le potentiel total, grâce à une formule intégrale dérivée à partir des équations du mouvement et de Poisson. Ce potentiel impose une nouvelle distribution de densité via une seconde relation (qui découle des conditions d’équilibre), densité qui est à nouveau intégrée, et ainsi de suite jusqu’à convergence vers une distribution de densité constante d’un cycle à l’autre. Le fait que le champ de densité soit identique au champ de densité qui découle du potentiel qu’il a lui-même engendré a donné à la méthode son nom, qui signifie « champ auto-cohérent ». Les travaux suivants de cette série ont exploité et amélioré la méthode, JACKSON (1970) ayant notamment réussi à modéliser une étoile de la séquence principale en prenant en compte l’équilibre thermique global et l’équilibre mécanique de celle-ci, et BODENHEIMER(1971) des étoiles massives en rotation rapide et différentielle. Ils furent cependant limités à des étoiles de masse supérieure à environ 9 M , à cause de problèmes numériques mal compris à l’époque.

Suite à ces travaux, CLEMENT (1974) formula une nouvelle méthode utilisant la méthode des différences finies pour résoudre l’équation de Poisson et obtenir le

13. Un polytropue est un système dont l’équation d’état ne dépend que de la pression P et de la densité ρ, sous la forme P = Kργ, où K est une constante arbitraire et γ l’exposant polytropique. En général, l’indice polytropique n, défini tel que γ = 1 + 1

n, est utilisé pour décrire le polytrope en question.

potentiel gravitationnel. Sa méthode produisit des résultats meilleurs à faible masse que la méthode SCF, mais moins bons à masse élevée, en étant toujours limitée aux étoiles barotropes. Cette méthode de résolution de l’équation de Poisson fut incorpo- rée par CHAMBERS(1976) à la méthode SCF, qui malgré le gain en résolution radiale de sa nouvelle méthode fut bloqué à la même limite de 9 M que BODENHEIMER (1971). La méthode SCF fut ainsi jugée fautive, et Clément décida d’incorporer sa méthode à un « schéma de relaxation » (CLEMENT,1978; CLEMENT,1979), résolvant les équations simultanément plutôt que de manière itérative (comme SCF). Cette nouvelle méthode élargit la gamme de masses modélisables à 1.5 - 60 M et fut plus performante que les méthodes SCF dans l’ensemble, malgré sa limitation en vitesse de rotation, la convergence devenant impossible pour des déformations vraiment extrêmes de l’étoile.

De leur côté, ERIGUCHI(1978) développèrent une méthode alternative originale afin d’éviter les limitations de CLEMENT(1978). Cette méthode, nommée EFGH (d’après les initiales des auteurs), échoua d’abord à gérer les conditions de surface, représen- tant de fortes discontinuités, mais elle fut modifiée par HACHISUet al. (1982) avec succès, leur permettant de modéliser des polytropes dans différentes configurations extrêmes (tores, binaires, etc.). À partir de cette méthode, HACHISU (1986a) et HACHISU(1986b) développent une nouvelle méthode proche du formalisme SCF, qui n’est pas sujette aux limites de la méthode SCF d’OSTRIKERet MARK(1968) à rotation élevée. Cette méthode est également, selon l’auteur, plus efficace numérique- ment que la technique SFNR (Straightforward Newton-Rhapson) élaborée l’année d’avant par ERIGUCHIet MUELLER (1985). Leur code repose sur un changement de coordonnées permettant de suivre la surface de l’étoile déformée par la rotation, et un schéma itératif de type Newton-Raphson. Ce code est très puissant et robuste, mais nécessite l’inversion de très grandes matrices, et demande ainsi de grandes capacités numériques et de longs temps de calculs en général, ce qui poussa HACHISU (1986a) à développer leur méthode, tout aussi puissante mais moins gourmande en ressources numériques. L’ensemble de ces méthodes ne traite que des étoiles barotropes, URYUet ERIGUCHI(1994) et ERIGUCHIet MUELLER (1991) ayant simulé des flux baroclines de manière incomplète et non satisfaisante. Plus récemment, les méthodes furent retravaillées par ROXBURGH (2004) et JACKSON, MACGREGORet al. (2004) et JACKSON, MACGREGORet al. (2005), qui améliorèrent la microphysique

à l’intérieur de l’étoile et la précision des modèles obtenus, toujours dans le cadre d’étoiles barotropes. ROXBURGH(2006) est allé plus loin en modélisant des étoiles barotropes et baroclines, dont le profil de rotation doit cependant être imposé, et sans prendre en compte l’équilibre thermique de l’étoile.

C’est dans ce contexte que ESPINOSALARAet RIEUTORD(2007) se sont lancés dans le projet ESTER (Evolution STEllaire en Rotation). Ce projet vise à développer le premier code de modélisation d’étoiles en rotation rapide en 2 dimensions qui prend

en compte l’aspect barocline de celle-ci, et traite ainsi les écoulements baroclines que sont la rotation différentielle et la circulation méridienne de façon « auto- cohérente ». Parmi les succès de ce code, notons la reproduction des paramètres physiques observés des 3 rotateurs rapides (veq > 200 km s−1) α Lyr (Vega), α Oph (Rasalhague), et α Leo (Regulus). Une description détaillée du code est donnée par ESPINOSALARAet RIEUTORD(2013), mais ESTER étant au cœur de ma thèse, une section lui est dédiée dans le chapitre2.