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Modèles théoriques des processus impliqués dans la

Dans le document Adrien Folville (Page 29-33)

1.1 La mémoire épisodique

1.1.2 Modèles théoriques des processus impliqués dans la

1.1.2.1 La théorie des doubles processus de reconnaissance : recollection et familiarité

Tulving fut le premier à évoquer la possibilité de l’existence de deux types d’expériences mnésiques ou deux formes de conscience lors de la récupération en mémoire épisodique: la conscience autonoétique ou « Remembering » qui désigne une remémoration associée à la capacité à revivre un événement et à voyager mentalement dans le passé et la conscience noétique ou « Knowing » qui correspond à une reconnaissance d’un événement passé mais sans expérience consciente de remémoration de soi dans le passé (Tulving, 1985). De plus en plus de théories ont par la suite appuyé l’idée selon laquelle la reconnaissance d’un élément précédemment encodé en mémoire pouvait se faire grâce à deux processus indépendants (Gardiner, 1988) : la familiarité et la recollection (voir Besson, Ceccaldi, & Barbeau, 2012 pour une revue sur le sujet). La familiarité désigne un processus de reconnaissance durant lequel un item est reconnu comme ayant été précédemment encodé en mémoire sans toutefois qu’il soit possible de récupérer des détails contextuels relatifs à cet encodage (Mandler, 1980;

Yonelinas, 1994, 1997, 2001, 2002). Par exemple, vous expérimentez la familiarité lorsque vous croisez une personne en rue, que vous savez que vous l’avez déjà préalablement rencontrée mais que vous êtes incapable de vous souvenir de son prénom ni de l’endroit où vous l’avez rencontrée. La recollection correspond quant à elle à un processus de reconnaissance durant lequel des détails contextuels et qualitatifs (une pensée ou une image mentale) relatifs à l’encodage de l’élément récupéré en mémoire sont réactivés et ramenés à la conscience (Yonelinas, 2002).

Par exemple, la recollection intervient dans le cas où, lorsque vous apercevez cette personne en rue, vous êtes capable de vous souvenir qu’elle s’appelle Benoit et que vous l’avez rencontrée au mariage de votre ami Pascal.

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Selon le point de vue théorique dominant, la recollection et la familiarité sont deux processus indépendants qui peuvent contribuer à l’expérience mnésique en parallèle. Ces deux mécanismes sont toutefois différents en de nombreux points.

Ainsi, la familiarité est un processus rapide (se déclenchant environ 300 ms après la présentation du stimulus) tandis que la recollection est un processus plus

« lent » (500 ms) (Curran & Cleary, 2003; Woodruff, Hayama, & Rugg, 2006). De plus, la recollection est un processus plutôt contrôlé tandis que la familiarité est un processus qui se met davantage en place automatiquement (Yonelinas, 2002).

Alors que la reconnaissance semble être sous-tendue par les deux processus, le rappel indicé et le rappel libre impliquent des mécanismes plus proches de la recollection (Montaldi & Mayes, 2010). En effet, se souvenir du mot associé à l’indice dans une tâche de rappel indicé ou l’initiation contrôlée d’une recherche en mémoire lors du rappel libre nécessitent la récupération du contexte d’encodage de l’item, une caractéristique propre aux processus de recollection.

1.1.2.2 Le cadre théorique du monitoring de source

Le terme « source » désigne une série de caractéristiques qui permettent de spécifier les conditions dans lesquelles un élément a été préalablement rencontré ou généré (p. ex : le contexte spatial, temporel ou la modalité de perception) (Johnson, Hashtroudi, & Lindsay, 1993). Le terme « monitoring » renvoie aux processus cognitifs qui sont effectués pour juger de la pertinence, de la qualité et de l’utilité de ces éléments afin de déterminer l’origine d’une expérience mentale (Mitchell, 2017). Ainsi, outre la mémoire épisodique, une expérience mentale peut être attribuée à la perception, à l’imagination, au rêve ou encore à des croyances (Mitchell & Johnson, 2009). Dans le cadre de la mémoire épisodique, le monitoring de source nous permettrait de rassembler différentes informations et caractéristiques d’un événement afin de pouvoir juger la probabilité qu’il ait effectivement été vécu et encodé en mémoire (Johnson et al., 1993). Être capable de spécifier l’origine d’une information en mémoire est fonctionnellement

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important. En effet, il vous est probablement déjà arrivé de raconter une histoire ou une blague à quelqu’un et de vous rendre compte que c’est cette même personne qui vous a conté l’histoire une première fois, quelques jours auparavant (Johnson et al., 1993). Le monitoring de source est composé de deux mécanismes distincts : un processus heuristique et un processus systématique. Le premier se réfère à un jugement basé sur des informations qualitatives récupérées en mémoire (« est-ce que cette trace mnésique est suffisamment détaillée ? ») tandis que le second est basé sur un raisonnement plus élaboré utilisant notamment nos connaissances générales (« en considérant ce que je sais déjà, est-ce que cette réponse semble plausible ? ») (Johnson et al., 1993; Johnson & Raye, 1981).

La théorie du monitoring de source partage des similarités avec la théorie des doubles processus de reconnaissance. En effet, le processus heuristique propre au monitoring de source est rapide et relativement automatique, ce qui permet de faire le parallèle avec le processus de familiarité (Yonelinas, 2002). De façon similaire, le processus systématique est un mécanisme plutôt lent et qui requiert un contrôle conscient, des caractéristiques que l’on retrouve également dans le processus de recollection (Yonelinas, 2002). Toutefois, ces deux visions théoriques, bien que comparables sur ces points, divergent sur plusieurs dimensions (Johnson et al., 1993; Mitchell & Johnson, 2009; Yonelinas, 2002). Ainsi, l’heuristique du monitoring de source ne se fonde pas uniquement sur le degré de familiarité ou la force de la trace mais prend également en compte des détails contextuels, ce qui rend la comparaison avec la familiarité moins évidente (Yonelinas, 2002).

1.1.2.3 Fuzzy-trace Theory

La « Fuzzy-trace Theory » est une théorie de la cognition conçue pour expliquer de nombreux phénomènes cognitifs issus de domaines variés : le raisonnement, la mémoire ou certains aspects de la cognition sociale (Brainerd & Reyna, 2001). Plus spécifiquement, elle défend une conception de la mémoire épisodique selon laquelle nos traces mnésiques peuvent être de deux types : une trace « verbatim »

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caractérisée par la récupération consciente d’éléments précis d’un événement ; et une trace « gist » qui consiste en une représentation de la signification plutôt que des détails d’un événement, issue de nos connaissances schématiques et sémantiques du monde environnant (Brainerd & Reyna, 2001; Reyna, 2000). Selon cette théorie, les traces gist et verbatim seraient encodées séparément via des processus cognitifs différents et des voies distinctes (Brainerd & Reyna, 2001). De façon similaire, la récupération des deux types de traces serait indépendante, si bien qu’il soit possible de récupérer la signification d’un événement sans que les détails ne soient ramenés à la conscience. Lors d’une tâche de reconnaissance, les réponses correctes sont considérées comme étant basées tant sur le verbatim que sur le gist (par exemple, si dans une liste de mots précédemment étudiés figurait le mot « pomme », se souvenir du mot exact ou se rappeler qu’il y avait un fruit dans la liste permet d’identifier correctement ce mot lors de sa présentation à la récupération), tandis que les fausses alarmes sont plutôt causées par une réponse basée sur une trace gist. Par exemple, si un leurre lié sémantiquement à la cible pomme (abricot) est présenté, la trace gist (« il y avait un fruit dans la liste ») n’est plus diagnostique et ne permet pas de répondre correctement (Brainerd & Reyna, 2001). A mesure que le délai entre l’encodage et la récupération augmente, la force de la trace verbatim décline tandis que la trace gist se maintient plus longtemps, ce qui augmente les probabilités de fausse alarme (Brainerd, Reyna, &

Brandse, 1995). Bien que conceptuellement distinctes, la théorie des doubles processus de reconnaissance et la Fuzzy trace Theory partagent des similarités. Par exemple, elles conceptualisent chacune les deux mécanismes sous-jacents à la reconnaissance en mémoire (recollection vs. familiarité et verbatim vs. gist) comme ayant une contribution indépendante à la reconnaissance en mémoire (Yonelinas, 2002).

A travers les sections précédentes, le lecteur aura pu se familiariser avec les différentes conceptions théoriques proposées pour rendre compte des

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mécanismes cognitifs impliqués dans la récupération en mémoire épisodique. Dans la prochaine section, nous aborderons les types de mesures utilisées pour évaluer la récupération consciente d’informations en mémoire épisodique.

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