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Les modèles de propagation avec « pauses » le long des discontinuités principales

2.4 L ES MODELES D ’ OUVERTURE ET DE PROPAGATION DU GOLFE D ’A DEN

2.4.2 Les modèles de propagation de la dorsale de Carlsberg dans le golfe d’Aden

2.4.2.2 Les modèles de propagation avec « pauses » le long des discontinuités principales

magnétiques à leur modèle d’ouverture continue, les deux auteurs proposèrent un modèle d’ouverture en 2 étapes, comprenant deux stades d’accrétion océanique: le premier entre 30 et 15 Ma et le second entre 5 et 0 Ma (Girdler et Styles, 1974; Girdler, 1991). Au Miocène inférieur, les principaux dépocentres s’initient dans le golfe d’Aden conjointement au dépôt d’évaporites dans la Mer Rouge, isolée alors partiellement par une partie du bloc Danakil. Ce n’est qu’après une longue pause durant laquelle 0.5 à 1 km de sédiments se déposent dans le golfe d’Aden et une forte épaisseur d’évaporites dans la Mer Rouge que l’ouverture du détroit de Bab-al-Mandeb à la fin du Miocène provoque l’arrivée d’un flux marin en provenance de l’Océan Indien. Celui-ci met fin à l’accumulation d’évaporites dans la Mer Rouge. Suite à ces événements, l’accrétion océanique s’initie dans le golfe d’Aden et la Mer Rouge et s’accompagne d’une rotation anti-horaire de 24° de l’Arabie.

C’est en s’appuyant sur des données bathymétriques, magnétiques, sismologiques et structurales que Manighetti et al. proposent en 1997 un modèle de propagation de la ride d’Aden dans le golfe de Tadjoura, modèle étendu par la suite à l’ensemble du golfe d’Aden (Figure 2-29).

EVOLUTION GEODYNAMIQUE DU GOLFE D’ADEN

La direction de

"

3 résulte des forces aux frontières des plaques et dicte localement le sens de propagation des segments de ride aux environs des grandes fractures. Cependant, à l’échelle du golfe, la direction de propagation de la ride est oblique. Les segments de ride s’étendent donc grossièrement perpendiculairement au mouvement des plaques et se propagent vers le NW. Néanmoins, l’extension se poursuit vers le SW :

- soit en se transmettant d’un segment à l’autre le long de zones de transferts NE,

- soit par sauts successifs d’un rift secondaire à un autre au niveau de zones de « necking » orientées ESE-WSW (Manighetti et al., 1997).

La ride aurait tenté par deux fois de s’orienter vers le Nord à travers le détroit de Bab El Mandeb vers 44°E (Figure 2-29). Les chemins 1 et 2 sur la Figure 2-29 représenteraient les deux tentatives de propagation de la dorsale vers le Nord, les échecs de ces tentatives s’accompagnant d’un changement d’azimut de la direction de propagation.

Figure 2-29 : Modèle de propagation de la ride d’Aden/ Tadjoura depuis 5 Ma (Manighetti, 1997). Les lignes de côte servent de référence géographique, les flèches noires grasses représentent la propagation du rift. Les failles transformantes transmettent l’extension dans le détroit de Bab El Mandeb (1’-2’). Les lignes en pointillés représentent les rifts avortés. La zone grisée du stade c représente le secteur où le mouvement ARA-DAN est actuellement absorbé. Après deux tentatives

d’ouverture vers le Nord (P1-P2), l’extension se propage vers la dépression Afar (3)

A l’échelle du golfe, les pauses le long des discontinuités sont interprétées comme résultant de la rencontre du propagateur avec d’anciennes structures transverses de la plaque Arabie-Somalie. La progression vers l’Ouest du rifting est alors discontinue, alternant des phases de propagation rapide (taux > à 10 cm/an) avec des pauses de plusieurs millions d’années le long des discontinuités principales : 4 Ma environ le long de la discontinuité d’Alula Fartak et 13 Ma environ le long de celle de Shukra-El-Sheik (Figure 2-30).

CHAPITRE 2

Figure 2-30 : Histoire de la propagation de la dorsale d’Aden entre 59° et 44°E. La largeur du golfe augmente d’Ouest en Est continuement sauf au niveau des transformantes où la largeur augmente

brutalement. La ride océanique progresse vers l’Ouest de manière discontinue, par étapes, en marquant des arrêts au niveau des discontinuités d’Alula-Fartak (pause de 4 Ma) et de

Shukra-El-Sheik (pause de 13 Ma) (Manighetti, 1997)

Suite à la synthèse et à l’acquisition de données chronologiques, d’observations de terrain et de modélisation des anomalies magnétiques (à terre et en mer) dans la partie Ouest du golfe d’Aden et la région de l’Afar, Audin et al. (2004) ont proposé un modèle cinématique de propagation de la ride au cours des 10 derniers millions d’années (Figure 2-31). Ici aussi, la ride se propagerait par « sauts » successifs, les zones transformantes jouant un rôle majeur dans le transfert de l’extension.

Plusieurs auteurs s’accordent pour estimer que la dorsale du golfe d’Aden arrive au niveau de la discontinuité de Shukra-El-Sheik aux alentours de 10 Ma (Cochran, 1981; Courtillot et al., 1987; Audin, 1999). L’anomalie 5 (10 Ma) est la plus vieille anomalie identifiable à l’Est de cette discontinuité alors qu’à l’Ouest, la plus vieille anomalie magnétique clairement identiable est l’anomalie 2 (3 Ma) (Audin, 1999; Audin et al., 2001). La constatation de cette disymétrie ainsi que la datatation des roches volcaniques de part et d’autre de la discontinuité Shukra-El-Sheik a amené ces auteurs à supposer que celle-ci constituerait, avec sa prolongation vers le Sud (la zone transformante de Bia Anot) une frontière rhéologique et structurale majeure dans le golfe (Audin, 1999; Audin et al., 2004).

EVOLUTION GEODYNAMIQUE DU GOLFE D’ADEN

Figure 2-31 : Modèle d’Audin et al. (2004) faisant intervenir plusieurs stades d’accrétion à l’Ouest de Shukra-El-Sheik. Les domaines d’accrétion se propagent dans l’Afar par le jeu de failles décrochantes dextres. Puis, la zone d’extension se transfère à l’Ouest de Shukra-El-Sheik depuis l’anomalie 2 jusqu’à l’actuel. SES : Shukra-El-Sheik ; H : système de failles de Holhol ; M : zone

transformante de Maskali (modifié d’après Audin et al., 2004)

La propagation de la ride cesserait au niveau de la discontinuité de Shukra-El-Sheik entre 20 et 10 Ma. Celle-ci transfèrerait alors l’extension dans la dépression proto-Afar au cours de cette période. Entre 10 et 4 Ma, la zone de déformation migrerait vers le Nord (stade 1, Figure 2-31). Le passage de la ride d’Aden à travers la discontinuité de Shukra-El-Sheik provoquerait l’abandon de cette zone de transfert au profit du système de failles de Holhol. Dans le même temps, l’accrétion océanique serait stoppée au niveau du bloc de Danakil (stade 2 : de 4 à 1 Ma, Figure 2-31). Au cours du dernier million d’années (stade 3, Figure 2-31), après un arrêt le long de la zone transformante de Maskali, la propagation de la ride d’Aden dans l’Afar se transmettrait à la zone de rift de Ghoubbet (Figure 2-7).

SYNTHESE

La plaque arabe est issue de la fragmentation mésozoïque du Gondwana. Celle-ci a provoqué la formation d’un ensemble de bassins, orientés obliquement par rapport à la direction actuelle du golfe. Il est classiquement considéré que l’ouverture du golfe d’Aden résulte de la propagation WSW de la ride de Carlsberg vers le point chaud des Afars au cours de l’oligo-miocène. Les modalités de propagation de la ride font encore débat, les principaux modèles s’opposant sur le rôle supposé des grandes discontinuités (Shukra El Sheik et Alula Fartak). Celles-ci provoqueraient (e.g. Manighetti et al., 1997) ou non (e.g. d'Acremont et al., 2006) des pauses dans la propagation de la ride vers le point chaud.

L’orientation actuelle du golfe (075°E) ainsi que sa cinématique actuelle globale (environ 30°E de divergence) résultent d’un rifting oblique. Les modèles analogiques de rifting oblique faisant intervenir une lithosphère homogène n’expliquent qu’en partie le réseau complexe des failles normales observé en Oman et au Yémen (Cochran, 1981; Courtillot et al., 1987; Audin, 1999). La réactivation des bassins mésozoïques au cours du rifting oligo-miocène semble donc avoir joué un rôle important dans la structuration actuelle de la marge (e.g. Bellahsen et al., 2006). Cependant, celle-ci ne semble pas avoir influencé significativement la direction de propagation de la ride.

Actuellement, les modalités de l’étirement et de l’amincissement lithosphérique lors d’un rifting sont encore assez mal contraints, notamment en présence des structures héritées. Des mouvements verticaux associés à ces processus d’ouverture, principalement post-rift, ont souvent été observés et décrits le long de certaines marges passives (marges Sud africaine, brésilienne, Nord atlantique…). La particularité du golfe d’Aden étant de présenter à l’affleurement une partie de la marge, l’étude de l’enregistrement sédimentaire permet de retracer les principaux mouvements verticaux de la marge, depuis les processus de déchirure continentale jusqu’à l’océanisation du golfe. C’est dans cette optique que nous avons abordé l’étude sédimentologique au Dhofar présentée dans le chapitre suivant.

CHAPITRE 3

ENREGISTREMENT SEDIMENTAIRE DES MOUVEMENTS MOUVEMENTS

VERTICAUX DE MARGE DU DHOFAR (OMAN)