• Aucun résultat trouvé

REVUE DE LITTÉRATURE

3 La modélisation pharmacocinétique comme outil d’analyse et de prédiction

3.3 Modèles pharmacocinétiques de population 1 Description

La principale différence entre les modèles pharmacocinétiques classiques et de population réside dans la méthode d’estimation des paramètres PK. Alors que l’analyse PK classique adopte une approche individuelle indépendante des autres sujets et requiert un échantillonnage plasmatique et/ou urinaire relativement intense et quasi-identique pour chaque sujet, l’approche de population cherche à extraire les paramètres pharmacocinétiques des données éparses collectées de manière aléatoire chez de nombreux patients représentatifs de la population cible. Comme il est possible de réaliser l’analyse PK à partir de peu de données collectées dans un grand bassin de population, cette approche est donc utilisée majoritairement lors des phases IIb et III des études cliniques. Elle permet aussi d’effectuer des études dans les populations spéciales, comme les populations gériatriques et pédiatriques, pour lesquelles un échantillonnage intensif est éthiquement prohibé. Elle répond aussi au besoin d’adaptation posologique individualisée requis pour le soin direct aux patients (direct patients care).

La principale particularité de l’approche de population réside dans le fait qu’elle quantifie différents niveaux de variabilité pharmacocinétique tout en cherchant à expliquer ces sources de variabilités. Ces dernières peuvent être de nature interindividuelle (ηi), résiduelle (εi), et parfois inter-occasionnelle (κik).

La variabilité interindividuelle quantifie l’écart entre un paramètre typique d’une population et celui d’un individu avec ηi ~ N(0,ω2), ω2 quantifiant la variabilité inter-

individuelle. La nature de cette variabilité peut être liée à des facteurs démographiques (âge, sexe, race, etc.), environnementaux (cigarette, diète, exposition aux substances chimiques, etc.), génétiques (polymorphisme génétique du CYP2D6, 2C9, 2C19, etc.), physiologiques (poids corporel), physiopathologiques, ou autres (cycle circadien,

posture, activité, etc.). Tous ces facteurs de variabilité interindividuelle peuvent définir les covariables θ du modèle de population.

La variabilité résiduelle εi, fait référence à la variabilité non expliquée d’un paramètre

associée par exemple aux erreurs de mesure, erreurs du modèle, etc. Elle quantifie l’écart entre la valeur prédite par le modèle et la valeur observée pour un individu. L’ampleur de cette variabilité doit être convenablement caractérisée puisqu’en découle la sécurité d’utilisation du médicament administré à une population cible ( εi ~ N(0,σ2)).

Il est aussi possible de considérer une variabilité inter-occasion κi (ou variabilité intra-

individuelle) qui quantifie l’écart des valeurs des paramètres PK d’un individu ‘i’ entre chaque prise unique ‘k’, chaque cycle d’administration, ou période d’étude dans une étude croisée (κik ~ N(0,ωiov2) ) (Karlsson, Beal et al. 1995).

De manière générale, l’équation d’un modèle de population à effets mixtes s’écrira de la manière suivante:

( )

( i i) i

i f θ η ,x ε

y = ± + ( 3.11)

où yi est la concentration prédite chez le sujet i, f est le modèle compartimental, θ la

moyenne typique de population du paramètre pharmacocinétique, ηi la variabilité inter-

individuelle associée à θ, xi les données d’entrée (dose, temps de prélèvement..), et εi la

variabilité résiduelle. Souvent, la variabilité résiduelle inclut la variabilité inter-occasion.

L’analyse de population requiert une excellente compréhension des modèles individuels et de population pour choisir l’analyse de population appropriée aux données collectées. Ainsi, le choix de la meilleure méthode d’analyse de population dépend à la fois de l’objectif de l’étude PK et du type de données collectées. Parmi ces méthodes, on retrouve l’approche de la moyenne naïve des données (Naive average data approach,

NAD), l’approche de regroupement des données (Naive pooling data, NPD), l’approche

en deux étapes (Two-stage approach), et l’approche optimale à une étape (One stage

approach) ou appelée aussi approche de modèle non-linéaire à effets mixtes (Non-linear mixted effect model).

L’approche de la moyenne naïve des données consiste à calculer un profil moyen des concentrations au cours du temps pour créer un ‘individu moyen’. Cette méthode très simple peut être utilisée lorsque les données PK sont obtenues dans un environnement contrôlé (même temps d’échantillonnage, même dose, etc..) sur des individus ‘homogènes’ (études précliniques surtout). Cependant, recourir à la moyenne des concentrations plasmatiques produit généralement une ‘image’ erronée du profil de concentration plasmatique et tend à cacher les sources de variabilité interindividuelle. Le NAD donne un estimé biaisé des paramètres PK et est associé à une perte d’information considérable.

L’approche du regroupement des données regroupe toutes les données de chaque individu pour obtenir un seul individu. Une analyse PK classique est ensuite effectuée sur l’ensemble des données. Cette approche néglige la corrélation entre les observations d’un même sujet, et ne distingue pas la variabilité inter et intra individuelle.

L’approche en deux étapes peut être standard, globale, itérative ou bayésienne. Les paramètres PK sont tout d’abord estimés séparément pour chaque individu (étape 1), à partir desquels sont déduits les paramètres PK de la population (étape 2). Ces méthodes requièrent des données riches, et nécessitent de faire autant d’analyses PK qu’il y a de sujets dans l’étude. Comme l’erreur sur l’estimation des paramètres individuels n’est pas quantifiée, la variabilité interindividuelle des paramètres PK est souvent surestimée.

Les modèles non-linéaires à effets mixtes (Non-Linear Mixed Effects Model, NONMEM), proposés par Sheiner et Beal en 1972 consistent à analyser toutes les données (riches ou éparses) collectées chez tous les individus de l’étude en une seule étape. Le modèle structural est identique pour chaque individu. Les paramètres PK sont considérés comme des variables aléatoires dont on estime la distribution. Cette approche de population repose sur des modèles compartimentaux non-linéaires dits à ‘effets mixtes’ car ils sont composés d’effets fixes θ et d’effets aléatoires. En effet, les profils PK d’un médicament dans une population donnée sont modélisés à partir de paramètres définis par une valeur typique d’un individu (effet fixe), et des variabilités interindividuelle, inter-occasionnelle ou résiduelle (effets aléatoires) associées à ces

effets fixes. En identifiant des covariables continues (ex : clairance de la créatinine, CLCr) ou catégorielles (ex : sexe, race) qui peuvent expliquer les variabilités interindividuelles des paramètres PK, il devient possible d’individualiser les posologies. Par exemple, la clairance d’un médicament pour un individu ‘i’ peut être définie comme suit : CLi = θ1 + θ2×CLCri +ηi avec θ1 et θ2 des covariables du modèle.

Le but de l’étude PK est d’estimer les valeurs de θ, Ω (matrice de covariance des ω2) et Σ

(matrice de covariance des σ2) afin que les concentrations prédites aient le maximum de vraisemblance avec les concentrations observées. Il existe plusieurs méthodes d’estimation des paramètres de modèles non-linéaires à effets mixtes qui diffèrent principalement dans la forme et l’ordre d’approximation de la vraisemblance qui sont la méthode de premier ordre ‘FO’ (First-Order) , la méthode de premier ordre avec des estimés conditionnels FOCE (First-Order Conditionnal Estimate), et la méthode d’estimation de LAPLACE .

De nombreux logiciels d’analyse et de simulation de pharmacocinétique de population ont été développés ces trente dernières années. Cette thèse ayant nécessité essentiellement le logiciel de programmation Matlab®, ces outils de modélisation ont été très peu utilisés et seront juste cités. Le premier logiciel, NONMEM® a été développé par les pionniers de la modélisation PK de population, Lewis Sheiner et Stuart Beal. Officiellement approuvé par les agences réglementaires, NONMEM® est devenu l’outil de modélisation le plus utilisé actuellement dans la communauté scientifique. Il existe aussi d’autres logiciels, tels que WinNonMix® (Pharsight), MONOLIX® (Lavielle et Mesa), et NLME (Pinheiro).

3.3.2 Avantages et Limitations

L’approche de population est de plus en plus utilisée dans le processus de développement du médicament, allant de la phase I à IV, car elle permet d’extraire les paramètres PK d’un médicament administré à une population spéciale, et ce, à partir de données riches, éparses, ou très éparses. Ces modèles sont particulièrement pertinents pour proposer des ajustements de posologie en fonction des covariables identifiées, et pour simuler des essais cliniques. Cette approche requiert un contrôle de qualité ‘serré’

des données où toutes les informations de l’étude clinique doivent être correctement documentées (doses, temps d’administration, temps de prélèvements, covariables). De plus, l’analyse devient d’autant plus fastidieuse que la variabilité des données est large. L’analyse de données est une étape très complexe et chronophage qui requiert une expertise particulièrement rare sur le marché.

3.4 Modèles pharmacocinétiques à base physiologique