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Caenorhabditis elegans est un nématode non parasitaire d’environ un millimètre de long. Il s’est imposé comme un modèle d’étude très attractif de par son cycle de vie relativement court (environ 3,5 jours) et par le fait que cet animal transparent permette un suivi in vivo en temps réel des cellules ou des protéines marquées en fluorescence (Brenner

50 1974; Chalfie et al. 1994). Le ver adulte est composé de 959 cellules dont le lignage est bien défini (Sulston et al. 1983) et la morphologie et les connexions synaptiques de ses 302 neurones ont été cartographiées (White et al. 1986). C. elegans est le premier organisme multicellulaire dont le génome a été séquencé (TSCS 1998) et il apparaît qu’environ 80% de son génome est conservé chez les mammifères (Lai et al. 2000). De plus la biologie cellulaire ainsi que les voies de signalisation neuronales sont globalement conservées entre C. elegans et l’humain, ce qui en fait un très bon modèle d’étude du vieillissement neuronal et des maladies conformationnelles des protéines.

Le premier modèle transgénique de maladie conformationnelle des protéines a été créé en 1995 par l’expression transgénique de peptide Aβ dans les muscles du ver (Link 1995). Depuis de nombreux autres modèles ont été mis au point, les transgènes utilisés étant sous contrôle de promoteurs permettant une expression tissu-spécifique, dans l’ensemble des neurones par exemple ou seulement dans une sous population particulière de neurones. Ainsi Kuwahara et al., ont pu mettre au point un modèle de maladie de Parkinson en exprimant une α-synucléine mutée dans les neurones dopaminergiques de C. elegans (Kuwahara et al. 2006) alors que l’équipe de Brian Kraemer a établi un modèle de tauopathie en exprimant cette fois une protéine tau mutée de façon pan-neuronale (Kraemer et al. 2003).

Figure 14 : Représentation schématique de l’organisation des neurones mécanosensitifs (cerclés de rouge) chez C. elegans.

Le système mécano-sensitif du ver est très intéressant car l’observation de dysfonction dans ce système est facilement réalisable : il est composé de six neurones sensibles aux pressions du milieu extérieur et qui sont impliqués dans la locomotion, la prise de nourriture, la défécation et l’accouplement (Figure 14) (Chalfie and Sulston 1981) (Figure). L’expression d’une protéine prion humaine saine ou mutée dans ces neurones mécano-sensibles a permis

51 d’observer les différences phénotypiques engendrées par l’accumulation de la protéine mutée (Bizat et al. 2010). Le ver ne possédant pas de PrP endogène, les effets observés sont directement imputables à l’expression du transgène. Il est intéressant de noter que la protéine prion mutée (insertion dans le domaine des octapeptides) exprimée dans ce modèle est retrouvée sous forme d’agrégats dans les corps neuronaux et le long des axones, qu’elle est partiellement résistante à la PK et qu’elle entraîne une dysfonction neuronale. Le modèle C. elegans serait donc un modèle de choix pour étudier les ESST humaines dues à des mutations et permettrait d’évaluer rapidement des thérapeutiques dans un modèle in vivo.

b. Drosophile

La drosophile est un insecte de 2 à 4 mm de longueur, plus généralement appelé mouche du vinaigre ou mouche des fruits. Elle a un cycle de vie court, n’excédant pas 30 jours à une température de 29°C, et son cycle de reproduction dure environ 10 jours. Sa facilité d’élevage et sa durée de vie courte en font un modèle génétique avantageux et rapide. C’est le plus souvent l’espèce Drosophila melanogaster qui est utilisée au laboratoire, son génome a d’ailleurs été entièrement séquencé en 2000 (Adams et al. 2000). Il comporte environ 15 000 gènes, répartis sur 4 paires de chromosomes.

Le premier modèle publié de maladie neurodégénérative chez la drosophile implique l’expression ubiquitaire de la protéine prion sauvage d’hamster syrien (Raeber et al. 1995). Aucun phénotype n’a pu être mis en évidence dans ce modèle, ni de PrP résistante à la PK. L’absence de phénotype peut s’expliquer par le promoteur d’expression de la PrPc qui était la protéine de choc thermique Hsp70. Ainsi les drosophiles étaient soumises à des chocs thermiques pour stimuler l’expression de la PrPc, mais elles exprimaient alors également la Hsp70, qui a par la suite été décrite comme protéine chaperonne, capable de prévenir le mauvais repliement et l’agrégation des protéines (pour revue (Laskowska, Matuszewska, and Kuczyńska-Wiśnik 2010)).

Le premier modèle de drosophile de maladie à prions montrant des signes caractéristiques de neurodégénérescence (atteinte locomotrice, survie diminuée, vacuolisation et corps d’inclusions de PrP dans le système nerveux) a été réalisé en 2006 (Gavin et al. 2006). Une PrP murine portant la mutation P101L, (correspondant à la mutation P102L humaine, responsable d’un GSS) est exprimée dans ce modèle mais ne permet pas la détection de PrP résistante à la PK.

52 Une série d’études a ensuite été menée en utilisant un modèle de drosophiles transgéniques exprimant la PrP ovine (variants ARQ ou VRQ). L’expression de ces PrP suffit à induire un phénotype (atteinte locomotrice et survie diminuée) (Thackray, Muhammad, Zhang, Di, et al. 2012). Ce modèle semble pouvoir subir une infection, effectivement, lorsque les larves de mouches exprimant la PrP ovine ARQ sont exposées oralement à des homogénats de cerveaux de tremblante, la progression de la maladie est accélérée et l’on retrouve une accumulation de PrPsc dans le cerveau (Figure 15) (Thackray, Muhammad, Zhang, Denyer, et al. 2012). La toxicité induite chez ces mouches semble être transmissible à une nouvelle génération de drosophiles transgéniques, par exposition de cette nouvelle génération à des homogénats de têtes de drosophiles infectées (Thackray et al. 2014). Les drosophiles transgéniques semblent être relativement sensibles à l’infection car une réponse neurotoxique a été observée après exposition à des dilutions d’homogénats de cerveaux de tremblante allant de 10-2 à 10-10 (Thackray, Andreoletti, and Bujdoso 2016). De façon très intéressante les mouches exposées à des plasmas ovins de tremblante en phase préclinique montrent une réponse neurotoxique, qui est transmissible par exposition d’homogénats de leurs cerveaux à d’autres drosophiles transgéniques (Thackray, Andreoletti, and Bujdoso 2016).

Figure 15 : Accumulation de PrPsc dans le cerveau de drosophiles

Cerveaux de drosophiles transgéniques exprimant la PrPc ovine ayant été (e) ou non (d) exposées à des homogénats de tremblante. Détection à l’aide de l’anticorps 2G11, échelle=50µM (Thackray, Muhammad, Zhang, Denyer, et al. 2012).