• Aucun résultat trouvé

Diminution de la PrPc disponible à la conversion

Une des approches thérapeutiques est de diminuer la quantité de PrPc disponible à la conversion afin de limiter la propagation de la maladie. La quinacrine est une molécule utilisée dans le traitement de la malaria. Ses propriétés lysosomotropiques ont attiré l’attention car les lysosomes seraient un des sites de conversion de la PrPc en PrPsc (Caughey et al. 1991; Magalhaes et al. 2005). Une autre étude a montré que la quinacrine était aussi capable de lier de façon non spécifique à la PrPc (Kamatari et al. 2013). In vitro cette molécule est effectivement capable de diminuer l’accumulation de PrPsc en inhibant sa formation (Doh-ura, Iwaki, and Caughey 2000; Barret et al. 2003). Bien que la quinacrine puisse passer la BHE, ses effets in vivo sont très limités voire inexistants (Collins et al. 2002; Barret et al. 2003). Cette molécule étant déjà sur le marché pour une autre pathologie, elle a rapidement été utilisée chez l’Homme, mais cette fois encore les résultats obtenus ne montrent pas d’effets bénéfiques au niveau de la clinique et du temps de survie (Furukawa et al. 2002; Nakajima et al. 2004; Haïk et al. 2004; Collinge et al. 2009; Geschwind et al. 2013).

La quinacrine a aussi été utilisée en association avec la chlorpromazine, un inhibiteur de phospholipase A2. Même si ces deux molécules ont montré une inhibition de la formation de PrPsc dans des cultures infectées (Korth et al. 2001), leur utilisation en clinique ne permet pas une amélioration des symptômes ni de la survie (Benito-León 2004; Martinez-Lage et al. 2005).

L’amphotéricine B est un antifongique, capable d’interagir avec le cholestérol pour rompre les membranes cellulaires. Il permettrait donc une diminution de la présentation de la PrPc à la membrane cellulaire. Cet antifongique, ou son analogue moins toxique (MS-8209), est capable de bloquer la formation de PrPsc in vitro (Mangé et al. 2000) et permet d’allonger les temps d’incubation, en diminuant l’accumulation de PrPsc au niveau du SNC, et de

74 retarder l’apparition des signes cliniques, lors de son évaluation sur des souches ovines ou bovines (Pocchiari, Schmittinger, and Masullo 1987; Xi et al. 1992; Adjou et al. 1997; Adjou et al. 2000). Certaines études ont même montré un allongement du temps de survie chez des hamsters infectés par des souches de tremblantes (Adjou et al. 1995; Demaimay et al. 1997; Demaimay, Race, and Chesebro 1999). La seule évaluation en clinique humaine de l’amphotéricine B, portant sur deux patients, n’a pas apporté d’éléments en faveur d’une quelconque efficacité (Masullo et al. 1992).

D’autres composés agissant au niveau du cholestérol de la membrane sont les antidépresseurs tricycliques, comme la désipramine. Son effet in vitro sur des cellules ScN2a est une diminution de l’accumulation de PrPsc (Klingenstein et al. 2006). Les auteurs ont aussi synthétisé un nouveau composé, le quinapyramine, fusion de la quinacrine et de la désipramine. Ce composé a un effet bénéfique synergique. De façon intéressante cet effet est encore amélioré lors de l’administration conjointe de simvastatine, un inhibiteur de la HMG-CoA réductase, réduisant la biosynthèse de cholestérol et ralentissant ainsi la réorganisation des membranes lipidiques.

Plus récemment l’équipe de Benoit Schneider s’est intéressée à l’action de TACE (tumor necrosis factor-α-converting enzyme, aussi appelée ADAM 17) sur la présentation de la PrPc à la membrane. En effet, en condition physiologique TACE est située à la membrane cellulaire et permet le clivage α de la PrPc, libérant la PrPc soluble, qui n’est alors plus disponible à la membrane cellulaire. En revanche, en contexte infectieux la kinase PDK1 est suractivée et entraîne l’internalisation de TACE, la PrPc membranaire n’est alors plus clivée et est disponible pour la conversion (Figure 22). De plus TACE permet aussi le clivage α du récepteur au TNFα, le TNFR1, ce qui permet de diminuer la sensibilité des cellules au TNFα qui est une cytokine impliquée dans les processus d’inflammation. L’utilisation d’un inhibiteur de PDK1 (appelé BX912) sur des lignées cellulaires (1C11) ou sur des cultures primaires de neurones en grains du cervelet infectés montre une diminution de l’accumulation de PrPsc (Pietri et al. 2013). L’administration de BX912 à des souris infectées par la souche de tremblante 22L entraîne une augmentation de la survie de ces rongeurs, une diminution des dépôts de PrPsc dans le SNC et une amélioration générale des lésions neuropathologiques, et ce bien que le traitement soit initié seulement 10 jours avant l’apparition des signes cliniques (soit 130 jours post infection). Son action sur des lignées cellulaires montre aussi un rétablissement du clivage du TNFR1. L’inhibition de PDK1 semble donc être une piste

75 thérapeutique intéressante dans les maladies à prions mais aussi dans d’autres maladies neurodégénératives, son administration à des modèles de MA engendrant également des effets bénéfiques (Pietri et al. 2013).

Figure 22 : Implication de TACE et de PDK1 dans la physiopathologie des maladies à prions et de la MA. (Pietri et al. 2013)

Une autre approche permettant de diminuer la quantité de PrPc disponible à la conversion est tout simplement l’inhibition de son expression par ARN interférent. Cette technique a montré de bons résultats in vitro, en inhibant la réplication en PrPsc dans des cultures cellulaires (Tilly et al. 2003). Certaines études ont évalué l’impact de ces ARNi in vivo, avec la création d’animaux transgéniques ayant intégré l’ARN interférent. Il apparaît que les niveaux de PrPc sont réduits non seulement chez la souris mais aussi chez des embryons expérimentaux de chèvres et de bovins (Pfeifer et al. 2006; Golding et al. 2006). Melanie White et ses collègues se sont intéressés à l’utilisation de l’ARNi comme traitement et non plus comme outil génétique : ils ont ainsi injecté des lentivirus contenant des ARNi à des souris inoculées par une souche de tremblante (White et al. 2008). Une seule injection dans les deux hippocampes des souris à 8 semaines post inoculation est suffisante pour augmenter le temps d’incubation et la survie, tout en réduisant la spongiose (et ce même au-delà des sites d’injections). Cette approche semble donc être extrêmement intéressante, bien

76 qu’aujourd’hui l’administration ne peut se faire autrement que par injection directe au niveau du cerveau.