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3.4 Les modèles hybrides

Les travaux que nous avons présentés dans les sections 3.2 et 3.3 sont particulièrement instructifs pour la simulation d'un nombre variable de piétons. En eet, les modèles microscopiques donnent la possibilité de tenir compte nement des caractéristiques indi-viduelles des piétons : cependant, les processus de décisions individus-centrés semblent, à première vue, limités pour reproduire les phénomènes d'auto-organisation observés dans les espaces fortement congestionnés (Treuille et al., 2006). Les modèles macroscopiques reproduisent ces phénomènes à moindre coût (en termes de ressources de calcul), mais négligent l'autonomie des piétons, ce qui entraîne un réalisme cinématique limité, et peut biaiser les résultats des simulations (Kapadia et al., 2009; Guy et al., 2010a).

Plusieurs travaux proposent des approches hybrides an de composer les deux niveaux de représentation dans un même modèle.

Yersin et al. (2008) propose la notion de ROI  Region Of Interest  pour mettre en place des simulations de déplacements d'une grande quantité de piétons permettant de combiner les avantages des deux types de représentation. Ainsi, les régions ayant un grand intérêt pour l'observateur, utilisent des modèles microscopiques, et les régions d'un intérêt moindre (par exemple : éloignées de la caméra) utilisent des modèles macroscopiques moins coûteux ressources de calcul. Le concept de ROI permet de uidier la simulation et d'améliorer le passage à l'échelle. Cependant, il pose également de nouvelles probléma-tiques comme la distribution des régions sur l'espace de navigation, et la cohérence des déplacements aux frontières entre les diérentes régions.

Anh et al. (2012) adoptent une approche similaire et proposent un modèle hybride pour la simulation de l'évacuation de plusieurs piétons dans un espace urbain ayant la structure d'un réseau laire. Le modèle hybride proposé par Anh et al. se décline en un modèle macroscopique pour simuler la partie centrale de chaque arc du réseau, et un modèle microscopique pour simuler les extrémités de chaque arc du réseau. Anh et al. proposent des mécanismes de transitions plus robustes entre les modèles de diérents niveaux de représentation. Les hypothèses de simulation, à savoir la structure de l'espace (réseaux laires), le pas de simulation (de l'ordre de la minute), sont trop contraignantes pour que ces travaux puissent être appliqués, tel quel, à la simulation des déplacements de piétons en temps réel.

Les modèles microscopiques où les piétons planient leurs déplacements à partir d'une structure topologique contenant des informations dynamiques sur le trac piétons con-stituent probablement l'une des meilleures pistes vers un couplage réussi entre la prise

en compte des interactions et le suivi d'itinéraire (Arkin, 1989). Des informations macro-scopiques sont, dans ce cas, stockées dans une infrastructure de navigation (voir (Harkouken-Saiah et al., 2011) pour une revue sur les infrastructures de navigation pour la simulation des déplacements en temps réel) et prises en compte par la planication. Cependant, intro-duire un processus de planication ne sut pas, encore faut-il le coupler avec les actions les plus élémentaires, de manière imperceptible, en tenant compte des caractéristiques biomécaniques des piétons.

Loscos et al. (2003) proposent de stocker dynamiquement les informations concernant la fréquentation et les directions des agents dans une grille 2D. Ces informations sont ensuite utilisées par les agents pour s'orienter. Les auteurs ne proposent pas d'algorithme de calcul de chemin explicite mais suggèrent plusieurs règles de déplacement exploitant ces informations (Loscos et al., 2003). Karamouzas et al. (2009) présentent une approche

similaire qui exploite un algorithme A (Nilsson, 1980) pour permettre aux piétons de

suivre des itinéraires qui contournent les zones denses. Les données sur la fréquentation de l'espace évoluent en fonction du déplacement des piétons et en fonction du temps. Sud et al. (2008) exploitent un graphe de navigation dynamique  dont la structure topologique est modiée en temps réel  et utilisent les liens pour accélérer les calculs d'évitement de collision et détecter les zones de congestion. Saboia et Goldenstein (2012) modient le modèle de Helbing et Molnar (1998) et associent à chaque agent une grille de perception mobile qui lui permet de calculer des vitesses désirées en temps raisonnable et en tenant compte de la densité.

Ces travaux proposent plusieurs solutions techniques intéressantes pour la prise en compte de la congestion, mais n'insistent pas assez sur le cadre formel permettant d'ap-préhender la complexité du comportement, notamment, l'articulation entre la plan-ication d'itinéraire et la prise en compte des interactions entre agent, et la nature des inuences entre les agents, qui donne leur véritable sens aux informations stockées dans les infrastructures de navigation et qui justie les méthodes de planication employées. L'importance donnée aux performances computationnelles semblent prendre le dessus sur la recherche de la crédibilité proprement dite.

PLEdestrians

Guy et al. (2010a) proposent une formulation basée sur le principe du moindre eort pour modéliser le déplacement de piétons de manière générique. Guy et al. s'appuient sur les travaux de Whittle (2007) concernant l'étude analytique de la quantité d'énergie métabolique dépensée par des piétons en déplacement, et réutilisent les formules proposées par ce dernier pour construire un modèle de simulation crédible. En eet, en mesurant

3.4. Les modèles hybrides sa consommation d'oxygène, Whittle justie empiriquement que la puissance instantanée

P dépensée par un piéton en déplacement peut être modélisée comme une fonction de sa

vitesse instantanée v :

P = edebout+ emarche· |v|2 (3.2)

Où edebout et emarche sont des constantes individuelles qui valent en moyenne

respec-tivement152.23 J

kg·s et 1.26 J ·s

kg·m2. Guy et al. adaptent cette formule en (3.3) pour modéliser

la quantité d'énergie métabolique dE dépensée pour un déplacement élémentaire (mass désigne la masse du piéton) :

dE = mass · edebout+ emarche· |v|2 · dt

dE = mass · (edebout· dt) | {z } dEdebout + mass · emarche· |v|2· dt | {z } dEmarche (3.3) Intuitivement, cette formule traduit le fait que l'énergie dépensée par un piéton est, d'une part, fonction du temps, indépendamment du mouvement, et d'autre part, fonction de la vitesse de déplacement prise au cours du temps. Cette formule conrme que les temps d'arrêt ne sont pas anodins dans la régulation de la dépense énergétique. Nous reviendrons sur cette considération dans la présentation de notre modèle au chapitre 4.

L'architecture de navigation proposée par Guy et al. (voir gure 3.3) organise nale-ment le déplacenale-ment d'un agent en deux étapes :

1. La première étape consiste à calculer un itinéraire qui minimise une estimation de E, à partir d'un graphe de navigation. Pour réaliser cette estimation, le modèle intègre un module macroscopique qui stocke en temps réel les vitesses moyennes de transitions sur les diérents arcs du graphe de navigation. L'itinéraire est calculé

grâce à un algorithme A (Nilsson, 1980).

2. La deuxième étape consiste optimiser itérativement la vitesse de déplacement le long de l'itinéraire pour un laps de temps τ, toujours relativement à E. La vitesse optimale pour le laps de temps τ est ensuite utilisée comme vitesse préférée et envoyée à un module plus bas-niveau chargé de l'évitement de collision (voir gure 3.3). Notons que ce module exploite le modèle RVO.

Les expérimentations réalisées par Guy et al. (2010a) pour évaluer leur modèle mon-trent des phénomènes d'auto-organisation parmi ceux qui ont été cités dans la section

Selection du but Calcul du chemin Calcul de la vitesse Evitement de collisions mise à jour du graphe Effort Par Agent

Figure 3.3  Vue schématique de l'architecture de navigation (Guy et al., 2010a). Le module chargé de l'évitement

de collision intègre le modèle RVO

2.2 : eet de bord, formation de le, eet accordéon (Guy et al., 2010a, Page 7). Cepen-dant, deux principales insusances transparaissent : la première est que la planication de chemin pour minimiser l'eort global ne tient pas compte de l'évolution du trac et de la perception limitée des agents ; la deuxième est que laps de temps utilisé pour l'estima-tion de l'eort entre deux points de passage est choisi de manière arbitraire. Les auteurs reconnaissent eux-mêmes les limites des heuristiques d'estimation de l'eort et se donnent comme perspective de les améliorer (Guy et al., 2010a, Page 9).

Dans notre travail, nous partons d'une approche similaire, i.e. basée sur la notion du moindre eort. Nous proposons une abstraction plus rigoureuse de l'environnement en nous inspirant notamment de concepts issu du paradigme multi-agents. Nous proposons également un approche évolutionniste pour la planication de déplacements, plus adaptée au temps réel et plus sensible à l'évolution du trac.

3.5 Apport des systèmes multi-agents pour la