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ROCHES MINERAUX SENSIBLES EN MILIEU ALCALIN Granites,

I.2. Les mécanismes réactionnels et les modèles d’expansion

I.2.3. Modèles de gonflement

Plusieurs mécanismes d’expansion sont proposés afin d’expliquer l’origine du gonflement. Nombre d’entre eux mettent en jeu des gels ; cependant, la distinction entre un gel issu d’un processus de dissolution/précipitation et un gel issu d’un processus topochimique n’est pas explicitement précisée. Par contre ces gels sont des produits de la réaction alcali-silice que l’on retrouve dans les structures en béton dégradées que ce soit autour des granulats, dans les fissures et les pores de la pâte de ciment, voire même dans les veines et les plans de clivage des granulats [Regourd et Hornain, 1986 ; Moranville-Regourd, 1989]. La caractérisation de ces gels a fait

l’objet de nombreuses études démontrant qu’ils étaient plus ou moins riches en chaux et/ou alcalins en fonction du milieu réactionnel et des conditions de formation [Regourd et al., 1981 ; Louarn et Larive, 1993].

Intéressons nous maintenant plus en détails aux différents modèles de gonflement extraits de la littérature dont la diversité est en grande partie issue des conditions opératoires et des matériaux utilisés [Taguishi et al., 1992 ; Breton et al., 1994].

I.2.3.1. Gonflement osmotique et double couche électrique

Les auteurs considèrent que la réaction alcali-silice promeut la formation de silice colloïdale dont les charges négatives de surface sont « neutralisées » par les cations de la solution alcaline. Ainsi une double couche électrique constituée par les ions calcium, sodium et potassium se développe au niveau de la surface de la silice pour neutraliser les charges négatives. Pour une solution riche en ions alcalins et pauvre en ions calcium le champ de force induit par la double couche électronique est globalement répulsif. Toutefois dans la zone où le processus de dissolution de la silice se déroule, l’augmentation du nombre de colloïde va induire une diminution de l’épaisseur de la double couche autour des grains de silice. Les particules peuvent alors se rapprocher et lorsque les forces de Van Der Waals l’emportent sur les forces de répulsion, un gel dont la porosité est totalement saturée se forme [Prezzi et al., 1997 ; Rodrigues et al., 1999].

Par la suite, les gels sont susceptibles de subir un séchage partiel conduisant à un état non totalement saturé. Ces gels partiellement saturés sont susceptibles d’absorber de l’eau. L’apport d’eau contribue à une diminution des concentrations ioniques de l’électrolyte : le milieu redevient globalement répulsif. Le gel gonfle par absorption d’eau selon un mécanisme de type pression osmotique [Dent-Glasser, 1979, 1980 ; Struble, 1987 ; Diamond, 1989 ; Poole, 1992]. Toutefois, certains auteurs estiment que cet apport d’eau n’engendre pas de contraintes suffisantes pour un endommagement significatif [Michaud, 1995]. Ce mécanisme d’expansion peut conduire à la décohésion du gel, on revient alors au milieu colloïdal qui lui a donné naissance.

I.2.3.2. Gonflement par pression de cristallisation

Ce modèle, développé par Dron [Dron et al., 1985, 1989, 1990, 1993a, 1993b, 1998], prône comme origine du gonflement, la pression de cristallisation générée par la formation des produits de la réaction (C-S-H /C-K-S-H) issu du processus de dissolution-précipitation.

, V G - P mol = [I-9]

où G est la variation d’enthalpie libre de la réaction de précipitation et Vmol le volume molaire du

précipité.

I.2.3.3. Gonflement granulaire

Ce mécanisme d’expansion est initialement l’œuvre de Chatterji [Chatterji, 1978, 1979, 1989a, 1989b ; Chatterji et al., 1984,1986, 1987, 1988]. Il est basé sur la coexistence de deux flux de matière opposés :

- un flux « entrant » dans le grain réactif constitué d’ions alcalins, d’ions hydroxyles et de molécules d’eau. Ces ions neutralisent les silanols internes des granulats et contribuent à la formation des ions silicates par découpe des liaisons siloxanes ;

- un flux « sortant » du grain réactif constitué d’ions silicates provenant de la dissolution interne de la silice des granulats.

Les ions silicates précipitent pour former en périphérie du grain une barrière de diffusion constituée de C-S-H et/ou C-N-S-H et/ou C-K-S-H. Lorsque l’épaisseur de la barrière de diffusion sera suffisante, la diffusion des ions silicates vers l’extérieure sera ralentie [Chatterji et Thaulow, 2000]. La problématique est la suivante, si le flux « entrant » d’ions est supérieur au flux « sortant » d’ions, il y a accumulation d’espèce au sein du granulat réactif conduisant à son expansion.

Le mécanisme proposé par Chatterji prend aussi en compte le rayon ionique de chacun des cations et attribue un rôle particulier au calcium. Du fait de leur petites tailles, les ions sodium et potassium pénètrent plus facilement dans le granulat que les ions calcium. Les ions calcium précipitent avec les ions silicates pour former la barrière de diffusion.

I.2.3.4. Gonflement par dissipation de gel

Ce mécanisme décrit un processus de dégradation basé sur une compétition entre la formation et la dissipation de gels [Jones, 1988 ; Hornain et Bournazel, 1999]. Le mécanisme réactionnel débute par l’hydratation du gel qui induit un gonflement. La fissuration générée par l’expansion conduit à la dissipation du gel à partir du site où il s’est formé.

Ainsi, l’expansion n’est observée que si la vitesse de formation du gel est supérieure à la vitesse de dissipation de celui-ci. Cette dernière dépend de plusieurs paramètres notamment la viscosité des gels, la perméabilité et la porosité de la pâte de ciment.

I.2.3.5. Gonflement des corps poreux

Couty a synthétisé l’ensemble de ce mécanisme d’expansion dont le principe est le suivant : un solide ayant une grande surface spécifique, comme le sont les corps creux, mis au contact d’une vapeur ou immergé dans un liquide augmente de volume [Couty, 1999]. Ici, le gonflement a pour origine la diminution de l’énergie superficielle. Ainsi, si ce principe est appliqué aux gels formés lors de la réaction alcali-silice, l’interface gel/granulat présente une microporosité induisant une diminution de l’énergie superficielle responsable du gonflement.