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CHAPITRE V : MODELE DE GONFLEMENT MULTI-ECHELLE DES CALCAIRES SILICEUX DANS LE COMPOSITE BETON

V.5. Influence des gravillons sur l’expansion du composite particulaire béton

V.5.3. Evaluation du taux de transformation chimique à 35 semaines

Les pentes des droites décroissantes correspondent à l’expansion linéique générée par une mole de tétraèdres Q3 par litre de béton. Les pentes des séries s et c vont donc nous

permettre d’estimer la quantité de Q3 générée par la réaction dans les sables s et c

responsables du gonflement des formulations sN et cN.

Pour les gonflements asymptotiques des roches S et C, nous obtenons respectivement 0,15 et 0,21 moles de tétraèdres Q3 par litre de béton. En terme de taux de transformation, cela se

traduit par un DFMQ3 de la roche S de 0,2 et par un DFMQ3 de la roche C de 0,4. Pour le

granulat S, ce taux de transformation est similaire à celui mesuré lors du changement de rendement mécanique a1 dans le milieu réactionnel modèle. Cependant, pour le granulat C, ce

taux de transformation est deux fois plus important que dans le milieu réactionnel. Ainsi, il semble que pour la matrice pour la roche micritique S ce taux de transformation DFMQ3 ne

soit donc pas modifié par le confinement. Par contre, pour la matrice carbonatée sparitique, le confinement semble influer.

Le taux d’avancement DFMQ3 généré par la réaction alcali-silice est plus important

dans le granulat C. Cet écart s’explique par un rapport alcalin sur silice libre réactive plus grand dans ce dernier permettant un taux de transformation plus important et donc un gonflement de la silice libre réactive plus conséquent.

V.6. Conclusion

Le gonflement d’un béton, dont le squelette granulaire contient des calcaires siliceux réactifs, vis-à-vis de la réaction alcali-silice peut se décomposer à différentes échelles :

- la transition Q4 Q3 dans le réseau siliceux de ces calcaires est responsable

d’un processus d’expansion de cette silice libre réactive ;

- le gonflement de la silice libre réactive induit un gonflement de la matrice carbonatée d’enrobage du composite particulaire calcaire siliceux se traduisant par un processus de micro et macro-fissuration ;

- le gonflement du composite particulaire calcaire siliceux induit un gonflement de la matrice poreuse d’enrobage se traduisant par un niveau de fissuration plus faible dans le composite particulaire béton.

Les deux roches étudiées se distinguent essentiellement par leur capacité à transmettre à travers la matrice carbonatée le gonflement du squelette siliceux réactif au composite particulaire béton. La matrice carbonatée micritique plus homogène transmet cette expansion avec un rendement plus élevé que la matrice carbonatée sparitique hétérogène et à joints de grains marqués. Cette dernière subit un niveau de micro-fissuration plus important. Suite à ce rendement mécanique plus élevé, le béton à base de sable à texture micritique gonfle plus que le béton à base de sable à texture sparitique.

L’ajout de gravillons réactifs à des bétons de sable réactif se traduit pour un taux d’alcalins équivalents par une réduction du gonflement linéique des formulations béton. Un modèle chimique basé sur la compétition entre la neutralisation non expansive par les bases alcalines des groupements silanol de la silice libre contenue dans les gravillons et la découpe expansive par ces mêmes bases alcalines du réseau siliceux du sable a été proposé et validé. La roche micritique, contenant plus de silanols initiaux que la roche sparitique, s’avère plus efficace dans le processus de réduction de l’expansion des formulations béton.

Les recommandations établies par le LCPC en 1994 permettent de se prémunir de tout risque lié au gonflement induit par la réaction alcali-silice dans les bétons d’ouvrages. Toutefois, ces recommandations limitent l’utilisation des calcaires siliceux potentiellement réactifs dans certaines catégories d’ouvrages et d’environnements. Cependant des études ont montrée que dans certaines conditions, les calcaires siliceux présentaient un comportement similaire à l’effet de pessimum observé sur les granulats de type silex. Or, les recommandations permettent une plus large utilisation des matériaux silex notamment en exploitant cet effet de pessimum. Aussi, une meilleure connaissance du mécanisme d’expansion s’avère une nécessité pour optimiser l’utilisation de ces roches dites sensibles.

Le Département Génie Civil de l’Ecole des Mines de Douai a mis au point ces dernières années une méthodologie permettant de décrire le gonflement du squelette granulaire silex de bétons soumis à la réaction alcali-silice. Les objectifs de ce travail étaient d’adapter et d’appliquer la méthodologie à des bétons soumis à la réaction alcali-silice et dont le squelette granulaire contient des granulats issus de roches carbonatées contenant des inclusions de silice libre afin :

- d’identifier le mécanisme chimique d’altération responsable de l’expansion ;

- de proposer un modèle multi-échelle pour décrire le gonflement induit dans le composite particulaire béton utilisant ces roches.

Un préalable à la mise en place de la méthodologie a consisté en une étude pétrographique des deux calcaires siliceux retenus. Elle a permis de distinguer une roche à matrice carbonatée micritique homogène et une roche à matrice carbonatée sparitique hétérogène. La silice libre de la roche micritique est constituée de petits grains de silice xénomorphe. La silice libre de la roche sparitique est constituée essentiellement de calcédonite massive et de quartz automorphes.

Une méthodologie a été mise en place pour mesurer les avancements chimiques des pôles silicates et basiques au cours de la réaction. Cette méthodologie est basée sur une dissolution sélective de la silice libre sur une recombinaison minéralogique associée. Elle

permet de déterminer la quantité de silice libre réactive qui est deux fois plus importante dans le calcaire micritique.

La stœchiométrie globale de la réaction pour un ratio molaire silice libre réactive sur alcalins de 1 a été déterminée grâce au suivi des avancements chimiques du pôle silicate, soit

- 2Q4 →1Q3 +1Q0 pour la roche micritique ; - 3Q4 →2Q3 +1Q0pour la roche sparitique.

Les stœchiométries obtenues montrent que la cinétique de formation des tétraèdres Q3

à partir des tétraèdres Q4 du réseau siliceux l’emporte sur la cinétique de consommation des

tétraèdres Q3 pour former les ions silicates. La modélisation cinétique nécessite la prise en

compte de l’évolution en fonction de l’avancement de réaction des paramètres géométriques du pôle silicate et de la matrice carbonatée d’enrobage (surface interne de la silice libre, volume poreux du calcaire siliceux). Elle n’a pu être réalisée.

Le bilan volumique du pôle silicate a permis de montrer que la transition Q4 Q3 est

expansive. Elle induit des variations du volume absolu de la silice libre de 9 cm3 et du

volume poreux de 4,7 à 8,4 cm3 par mole de tétraèdres Q3 formés. Ce gonflement local est le

mécanisme de base responsable de l’expansion du composite particulaire béton.

L’étude du pôle basique a montré que la chaux réagit directement avec le pôle silicate en début de réaction. Par la suite, c’est par l’intermédiaire des produits externes de type C-S- H et/ou C-N-S-H à fort C/S que les ions calcium et hydroxyles de la chaux sont fournis au pôle silicate.

Le gonflement d’un composite particulaire béton à base de granulats calcaire siliceux soumis à la réaction alcali-silice peut être décrit à plusieurs échelles :

- la transition Q4 Q3 expansive induit un gonflement de la silice libre ;

- le gonflement de la silice libre est transmis au composite particulaire calcaire siliceux par l’intermédiaire de la matrice carbonatée qui subit un processus intense de microfissuration. Les taux de réaction au delà desquels la matrice est trop endommagée pour transmettre l’expansion ont pu être identifiés ;

- le gonflement du calcaire siliceux est transmis au composite particulaire béton par l’intermédiaire de la pâte de ciment durcie qui contrairement à la matrice carbonatée fissure peu.

Dans ce modèle multi-échelle, la capacité de la matrice carbonatée à transmettre le gonflement interne des inclusions siliceuses à la matrice poreuse ciment est apparu comme un

paramètre clé. La matrice carbonatée sparitique de part sa plus grande aptitude à la fissuration dissipe plus les contraintes internes induites que la matrice carbonatée micritique ; le béton à base de sable calcaire sparitique gonfle moins que le béton à base de sable calcaire micritique.

Un effet de pessimum pour ces deux roches a été mis en évidence en ajoutant par l’intermédiaire des gravillons de la silice libre réactive à des bétons à base de sable réactifs Cet ajout de silice libre réactive pour un taux d’alcalin resté constant s’est traduit par une réduction de l’expansion des éprouvettes béton. Un modèle chimique basé sur la neutralisation d’une partie des alcalins par les silanols apportés par la silice libre des gravillons a permis de bien rendre compte du phénomène de réduction d’expansion.

Le modèle proposé semble bien décrire le processus d’expansion en termes de variations volumiques de la silice libre, du calcaire siliceux et du matériau béton. Il reste maintenant à quantifier les niveaux d’endommagement et de fissuration induits par ces variations volumiques. L’outil numérique de simulation du comportement mécanique du matériau béton dont le développement fait l’objet de la thèse d’Isabelle Comby commune aux Ecoles des Mines de Paris (CEMEF) et Douai (Département Génie Civil) est capable de simuler l’endommagement 3D induit par le gonflement du squelette granulaire d’un béton. Il serait intéressant d’évaluer grâce à cet outil les niveaux d’endommagement et de fissuration atteints avec les gonflements granulaires caractéristiques de la modélisation multi-échelle mis en place dans cette thèse.

A l’image de ce qui a déjà été réalisé pour les silex, l’effet de pessimum mis en évidence devrait permettre, en optimisant les ratios alcalins squelette granulaire et sable et gravillons dans le squelette granulaire, d’élaborer des bétons tout calcaire siliceux présentant un risque très faible d’expansion. Grâce à de telles formulations, la valorisation de calcaires siliceux comme granulats à béton dans les ouvrages de génie civil, dont ceux pour lesquels il est impératif de réduire le risque d’alcali réaction, serait grandement facilitée.

Adams A.E., MacKenzie W.S., Guilford C., Atlas des roches sédimentaires, chez Masson (Ed), 1994

Adrover V., Contribution à l’étude de l’attaque de minéraux et de roches par des solutions