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Il existe plusieurs modèles pour l’anxiété en général ou l’anxiété sociale (p.ex., Barlow, 2000; Clark & Wells, 1995; Rapee & Heimberg, 1997; Salkovskis, 1996), mais peu d’auteurs ont proposé un modèle théorique spécifique à l’APM. Toutefois, Osborne et Franklin (2002) offrent un modèle qui permet de comprendre les facteurs de développement de l’APM ainsi que les processus cognitifs qui sont rattachés à ce trouble. Ce modèle vient préciser les éléments déjà inclus dans les modèles plus généraux. Ainsi, comme dans le cas de l’anxiété sociale, l’APM peut se développer lorsqu’un individu présente une vulnérabilité génétique anxieuse combinée à

une vulnérabilité psychologique. Si au cours de sa vie l’individu fait face à des expériences négatives, qu’elles soient vécues ou observées chez autrui, il peut développer une anxiété liée à sa performance musicale (Barlow, 2000). Également, un individu qui aurait une pression additionnelle de la part de l’entourage afin que sa performance musicale soit parfaite pourrait l’amener à vivre de l’APM.

Osborne et Franklin (2002) ont développé leur modèle cognitif-comportemental de l’APM (Annexe D) sur la base du modèle de Rapee et Heimberg (1997) présenté ci-haut. Ce modèle reprend plusieurs concepts présentés ci-haut et y ajoute quelques distinctions. D’abord, le modèle de Osborne et Franklin (2002) ajoute le concept d’efficacité personnelle, qui serait significativement plus bas chez les musiciens souffrant d’APM que chez les gens souffrant d’autres troubles anxieux. De plus, ils ajoutent plus explicitement le concept d’estime de soi, qui serait également inférieur chez les gens souffrant d’anxiété en général. Lorsque les expériences négatives passées interagissent avec une faible estime de soi ainsi qu’une faible perception d’efficacité personnelle à composer avec les situations de performance, l’individu qui fait face à une performance musicale pourrait développer des croyances fondamentales liées au

perfectionnisme (p. ex., « je n’ai pas le droit à l’erreur si je veux devenir une grande musicienne »; Clark, Lisboa, & Williamon, 2014). Il pourrait également développer des croyances fondamentales en lien avec les autres (p. ex., « les autres pourraient me juger, me critiquer et m’empêcher de faire le métier que j’aime ») ou encore en lien avec soi-même (p. ex.,

« je vais avoir l’air fou »). Ainsi, lors d’une performance musicale, puisqu’il entretient ce type de croyances fondamentales, l’individu souffrant d’APM perçoit ces contextes comme étant

menaçants. Il va donc porter davantage attention sur lui-même plutôt que sur la tâche, c’est-à-dire qu’il portera attention à ses symptômes physiques et craindra que le public ne les remarque

et le juge négativement. De plus, il peut s’inquiéter d’oublier ou de bafouiller ses paroles ou encore que sa voix soit fausse ou tremblante, bien que le public pourrait ne pas s’en apercevoir.

Également, l’individu a tendance à interpréter de manière erronée ses sensations internes ainsi que les signaux de son environnement (p. ex., la réaction du public) comme étant un signe que sa crainte se réalise. Finalement, il pourrait percevoir les situations anxiogènes pour plusieurs (p.

ex., une audition) comme étant menaçantes et plus anxiogènes.

Distinctivement au modèle de Rapee et Heimberg (1997), qui suggérait que l’écart entre la représentation mentale d’un individu quant à la manière dont il croit être perçu par autrui ainsi que sa perception des exigences sociales permettait de déterminer les probabilités et les

conséquences d’être jugé négativement, Osborne et Franklin (2002) suggèrent plutôt que les probabilités et les conséquences d’être jugé négativement sont déterminées par l’écart entre la représentation mentale de l’individu de sa compétence musicale et les exigences sociales. Encore une fois, plus l’écart est grand, plus les probabilités seront jugées grandes et les conséquences seront jugées graves, ce qui mènera l’individu à avoir des cognitions négatives, des symptômes physiques désagréables et des comportements plus inadaptés. Les symptômes somatiques (p. ex., tremblements, mains moites, souffle court, etc.) ou cognitifs (p. ex., pertes de mémoire et de concentration) peuvent rendre la performance moins précise, favoriser l’oubli des notes et accentuer la fréquence des accrochages, ce qui pourrait générer un stress additionnel et, à son tour, accentuer l’attention centrée sur soi et la crainte d’être jugée par les autres.

Pour réduire son anxiété, l’individu souffrant d’APM aura également recours à des stratégies d’évitement qui, comme dans le cas de l’anxiété sociale, renforceront les croyances fondamentales et maintiendront le problème. Tandis que certains éviteront complètement les situations de performance (p. ex., en refusant de chanter devant autrui), d’autres manifesteront

des comportements qui les sécurisent (p. ex., en faisant des vocalises de manière excessive pour s’assurer d’avoir bien réchauffé sa voix, en apportant une bouteille d’eau « porte bonheur », demander de jouer avec ses partitions, en consommant de l’alcool ou une médication avant de performer, en pratiquant des petits mouvements pour s’assurer de ne pas figer sur scène, en fuyant le regard d’autrui lors d’une performance musicale, etc.). Ils pourraient aussi avoir recours à de l’évitement mental (p. ex., en se distrayant en comptant mentalement, en se répétant que la situation menaçante n’est pas dangereuse - pensée positive -, etc.). Ainsi, un individu peut utiliser différentes stratégies d’évitement mental lors d’une situation anxiogène pour éviter de vivre de l’anxiété. Comme dans le cas de l’anxiété sociale, ces comportements font en sorte de renforcer les croyances fondamentales, tout comme la perception de menace, et donc

maintiennent la peur dans un cercle vicieux (Clark & Wells, 1995; Osborne & Franklin, 2002).