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CHAPITRE II : LA VULNÉRABILITÉ À L’ÉROSION ÉOLIENNE : ÉVALUATION ET

II.2 MÉTHODES D’ÉVALUATION ET DE CARTOGRAPHIE

II.2.2 MODÈLES EXPERTS

Dans cette catégorie d’approches, nous pouvons inclure des modèles qui utilisent des variantes des équations des modèles d’érosion des sols ou qui s’inspirent d’eux, et qui aboutissent directement à des indices de vulnérabilité (ou de susceptibilité ou du risque) à l’érosion. D’une manière analogue au cas précédent : 1) différents facteurs (critères) sont considérés comme nécessaires à la définition de la vulnérabilité et ils sont cartographiés à l’échelle de la région par des méthodes standards de cartographie ou à l’aide des données de télédétection; 2) une unité spatiale est choisie (unités arbitraires, parcellaire, bassins versants, etc.) et caractérisée par ses facteurs propres; 3) utilisant l’expérience et les connaissances des personnes ressources, ces facteurs sont d’abord classifiés et par la suite croisés, le résultat du croisement étant le degré de vulnérabilité est exprimé le plus souvent d’une façon qualitative (nulle, faible, modérée, élevée).

Les approches peuvent varier considérablement sur le plan a) du choix des facteurs, b) de la façon de les classifier ainsi que c) de la méthode utilisée pour croiser ces facteurs. Quelques exemples typiques sont décrits dans ce qui suit.

Certains auteurs classifient chaque facteur en deux ou plusieurs catégories et emploient des règles de décision du type : Si tel et/ou tel condition ALORS telle conclusion. Par exemple :

Si le (%) de couverture végétale< 0.2 ET

Si (%) de sable >0.8

ALORS vulnérabilité forte.

Ces règles sont à la base de l’application de la logique ou de l’algèbre Booléenne, une technique employée dans ce qu’on appelle les systèmes experts. Un exemple typique est le

« modèle » de vulnérabilité à l’érosion éolienne proposé par Vliet et collaborateurs,2 dans un contexte québécois. Les critères retenus sont la classe de drainage, la teneur en matière organique, le pourcentage de sable moyen, fin et très fin de la couche de surface, ou la texture de surface en cas de données manquantes (tableaux II.1 et II.2). D’autres exemples des systèmes experts à base de règles de production, beaucoup plus sophistiqués que le modèle du tableau II.1 quant à la façon de structurer leur base de connaissances ou de traiter les facteurs influençant l’érodabilité des sols, peuvent être cités comme celui de Le Bissonnais et al. (2004) ou de Haboudane et al. (2007).

Tableau II-1: Modèle d’évaluation de la vulnérabilité des sols à l’érosion éolienne Source : Martin, A. et Nolin, M. C., 1991; Preston, E. W. et Acton, C. J., 1984

Tableau II-2: Définition des classes de texture Source : Day, J. H., et McMenamin, J., 1983

Cependant, la plupart des auteurs préfèrent aborder le problème par des méthodes dites multicritères où à chaque facteur un score est attribué, et parfois un poids aussi lui est affecté. Très souvent, les scores et les poids sont définis de façon empirique. Ceux qui sont inspirés directement des modèles d’érosion emploient une formule de combinaison du type produit des facteurs :

= = N i i s S 1 (II-1)

S est le score de la vulnérabilité ;

et si est le score du facteur i parmi les N facteurs utilisés.

D’autres préfèrent calculer le score comme une moyenne pondérée des scores des différents facteurs. Le score final est ainsi exprimé selon la même échelle que les scores des différents facteurs :

= = = N i i N i i i W S W S 1 1 . (II-2)

S et

s

i sont définis comme précédemment et Wi est le poids attribué au facteur i parmi les N facteurs utilisés.

L’exemple classique ici est le modèle CORINE (COoRdination of INformation on the Environment) employé particulièrement en Europe pour l’évaluation du risque à l’érosion hydrique. Yksel et al. (2008) présentent un exemple d’application de ce modèle où le risque potentiel à l’érosion hydrique est exprimé comme suit :

Indice du risque potentiel à l’érosion hydrique = Indice d’érodabilité des sols * Indice d’érosivité * Indice de pente (II-3)

L’indice d’érodabilité des sols est calculé comme suit :

Indice d’érodabilité des sols= Classe de texture * Classe de Profondeur * Classe de pierrosité (II-4)

Les auteurs reconnaissent trois classes d’érodabilité des sols selon leur composition (texture), trois classes selon leur profondeur ainsi que deux classes selon leur pierrosité. Le produit des scores des classes considérées donne un score final qui représente l’indice d’érodabilité des sols. Ces scores sont reclassifiés selon une échelle entre 0 et 3, le zéro indiquant une érodabilité nulle et le trois une érodabilité forte. Le même principe est suivi pour l’indice d’érosivité et l’indice de pente. La multiplication des trois indices donne un score final qui représente le risque potentiel d’érosion qui est par la suite transposé selon une échelle allant de 0 à 3, le zéro indiquant un risque faible et le trois, un risque fort.

Bales et Neville (2002) suivent une approche similaire pour caractériser les sols de leur région d’étude selon leur « sensibilité » à l’érosion hydrique et éolienne. Ils attribuent des scores aux facteurs considérés comme les plus pertinents pour chaque type d’érosion. Ils considèrent alors comme score final la moyenne des scores des facteurs considérés, ce qui revient à dire qu’à chacun des facteurs est attribué un poids égal à l’unité. Ils utilisent des images satellitales pour cartographier l’occupation du sol en délimitant les surfaces d’eau, les zones urbaines imperméables, la végétation irriguée, les surfaces naturelles d’herbes ou arbustes et les aires dénudées. À chaque type d’occupation du sol, des scores ont été attribués. Grâce à un modèle numérique d’altitude, divers paramètres morphométriques ont été extraits (pente et orientation de pente, courbure, etc.). Des cartes pédologiques ont servi à extraire les paramètres pédologiques nécessaires à leur modèle. Pour cartographier les sols vulnérables à l’érosion hydrique, le modèle suivant est utilisé :

Érosion hydrique = (courbure + %de pente + facteur d’érosion (carte d’occupation du sol) + facteur d’érodabilité (carte pédologique)) / 4 (II-5)

et pour l’érosion éolienne, la formule suivante est appliquée :

Érosion éolienne = (courbure + exposition au vent + facteur d’érosion (carte d’occupation du sol) + facteur d’érodabilité (carte pédologique)) / 4 (II-6)

Dans le domaine des systèmes experts, il y a depuis longtemps un débat, non pas sur la pertinence, mais sur la définition des conditions sous lesquelles les règles déterministes utilisées permettent d’arriver à des conclusions valables. Il y aussi un questionnement sur l’incertitude et l’imprécision des données utilisées pour quantifier les différents facteurs et la façon d’en tenir compte. Pour prendre en charge cet état de fait, des approches alternatives sont proposées impliquant les principes de la logique ou de l’algèbre flou, les lois de la probabilité et la règle de décision bayésienne, la théorie de l’évidence de

Dempster-Shaffer (une généralisation de la théorie bayésienne), ou des combinaisons de ces méthodes. Kulkarni (2001), Burrough et al. (1998) et Bonham-Carter (1994), entre autres, présentent une revue de la plupart des ces méthodes avec des exemples tirés du domaine des géosciences. Les ouvrages qui traitent de l’érosion en mettant en œuvre ces méthodes alternatives sont cependant rares. Thiam (2005), parmi ces rares ouvrages, propose l’usage de la logique floue, parce qu’elle est plus apte à prendre en charge le caractère imprécis de l’évaluation des indicateurs de dégradation, ainsi que de la théorie de l’évidence parce qu’elle intègre la notion de l’ignorance, afin de produire des cartes montrant la sévérité de la dégradation des sols en Mauritanie. Pour produire ces cartes de dégradation, l’auteur utilise aussi bien des données biophysiques que des données socioéconomiques.

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