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CHAPITRE IV : LE TERRITOIRE D’ÉTUDE

IV.5 LES PRATIQUES AGRICOLES

Il faut noter que la région de Thiès fut l’une des premières à être concernée par le développement de la culture de l’arachide. La figure IV.10 donne une illustration de l’expansion spatiale de cette culture au Sénégal. Sans entrer dans un long développement sur l’historique de l’expansion spatiale de la culture de l’arachide au Sénégal, il est nécessaire de rappeler que l’introduction de la graine d’arachide au Sénégal remonte au 16e siècle par les portugais (Hardy, 1921). Cependant l’introduction de sa culture est le fait de la présence française. Les premiers essais de la diffusion de la culture sont notés entre 1850 et 1890. Suite à ces essais, il y a eu une première phase d’extension avec une option très nette pour la maximisation des rendements et des productions ou options productivistes entre 1890 et 1950. Durant cette période, le centre de production était d’abord situé à Rufisque qui est maintenant un des départements de la région de Dakar, ensuite ce centre s’est déplacé à Diourbel en 1919, et en 1934 il s’est déplacé à Kaolack. Après la seconde guerre mondiale, il y a eu une phase marquée par l’organisation et l’encadrement de la

production avec l’installation d’usines de décorticage et des huileries, mais aussi la mise en place d’un tissu commercial et administratif structuré, chargé de la collecte de la production (Fall, 2002).

Dès 1933, il y a eu une seconde phase d’extension vers les ″terres neuves″ (Lericollais, 1977) dans le but de décongestionner l’ancien bassin arachidier où les jachères sont de plus en plus écourtées à cause de l’attrait de cette culture de rente, de la mécanisation et de la croissance démographique. Les ″terres neuves″ sont situées dans la partie est et sud-est du Sénégal. Le vieux bassin par opposition aux ″terres neuves″ est maintenant dans une phase de restructuration pour pallier le manque d’espace (Fall, 2002). Dans la région de Thiès comme dans celle de Diourbel, l’espace cultural n’a pas connu d’extension durant cette période. Cette situation s’explique par le fait que ces régions sont les plus peuplées du bassin arachidier, ce qui fait que la pression sur les terres cultivables y est plus élevée. Dans la région de Thiès notamment, l’espace pastoral ne subsiste que sur quelques lambeaux de terres rocailleux (11%) (Fall, 2002).

Figure IV-10: Expansion spatiale de la culture de l'arachide au Sénégal

En somme, en un demi-siècle (1929-1979), le bassin arachidier a occupé 33% du territoire national et concerne essentiellement les régions de Louga, Diourbel, Thiès, Fatick et Kaolack (Ba, 1995). Le rapport superficie cultivée sur la surface cultivable par région donne 78% pour Louga, 89% pour Diourbel, 98% pour Thiès et 75% pour l’ensemble des régions de Fatick et Kaolack (Fall, 2002). Ce fort taux d’utilisation des espaces agricoles fait que les aires protégées sont de plus en plus convoitées par les agriculteurs (Cissokho, 2000).

Les options productivistes ont été maintenues après les indépendances. C’est ainsi que le Programme de Productivité Arachidière a été mis en place en 1964 en vue d’augmenter les

recettes d’exportation tirées de l’arachide7. Dans les années 70, il y a eu une réorganisation de l’intervention de l’État qui se matérialisera par la création de la SODEVA8 dans le bassin arachidier, dont le rôle consistait à faire la vulgarisation des techniques culturales, et à encadrer la production arachidière et céréalière. La vulgarisation consistait à faire la promotion de la traction animale, de la densification des semis, de l’utilisation de produits phytosanitaires, d’engrais minéraux. Pour permettre la mécanisation agricole, les agriculteurs sont encouragés à agrandir les champs, ce qui les conduit à détruire les haies vives d’Euphorbia balsamifera qui protégeaient alors les cultures des effets du vent mais aussi de la divagation des animaux. Il y a eu aussi la mise en place de l’Office National de Crédit et d’Assistance au Développement (ONCAD) qui a permis une augmentation des productions grâce à l’octroi de crédits pour l’achat d’intrants et de matériels agricoles (Fall, 2002).

En ce qui concerne les pratiques d’utilisation d’engrais minéraux pour conserver les potentialités agronomiques des sols, elle a commencé timidement en 1949 et a connu une rapide croissance entre 1961 et 1967 (Cissé, 1987) puis une baisse entre 1968 et 1970 (Mbodj, 1987) et une autre hausse durant la campagne 1976/77 (figure IV.11). Le niveau de consommation atteint en 1976-77 n’a pas été atteint jusqu’en 2000 où on note une nouvelle chute considérable.

7 Cette période coïncide ave la suppression des prix préférentiels qui étaient garantis par la France dans le

cadre de la convention de Yaoundé I.

Figure IV-11: La consommation d'engrais minéral dans le bassin arachidier de 1956 à 2000

En 1984, le désengagement de l’État s’est matérialisé par la mise sur pied de la Nouvelle Politique Agricole (NPA) qui a eu comme conséquence une chute drastique de l’utilisation de l’engrais. Selon Mbodj (1987), la quantité d’engrais minérale effectivement utilisée est 100 fois en deçà des quantités nécessaires. Les conséquences, comme on pouvait s’y attendre sur le plan de la productivité et de la production agricole, ne sont pas reluisantes. En effet, les productions mais surtout les rendements vont connaître des baisses considérables. Les agriculteurs, pour maintenir ou même augmenter les niveaux de production, vont trouver des stratégies d’adaptation dont les impacts environnementaux sont négatifs. Parmi les stratégies d’adaptation développées par les agriculteurs, on peut noter d’une part, le raccourcissement, voire la suppression des périodes de jachère qui consistaient à laisser au repos pendant un certain temps (3 à 4 ans) une parcelle afin qu’elle se régénère et reconstitue les conditions de fertilité nécessaires à sa réutilisation, et d’autre part l’extension des superficies cultivées à cause de la croissance démographique et de la baisse des rendements. L’adoption de cette stratégie était possible à cause de la généralisation de la culture attelée. L’extension des espaces de culture en arachide notamment dans la région de Thiès ne peut se faire qu’au détriment d’autres cultures et des

jachères. Cette pratique va avoir comme conséquence un épuisement des sols, et cela d’autant plus que les pratiques de restitution de la fertilité du sol par des apports d’engrais minéraux sont quasi inexistantes. En plus, selon Fall (2002) et Niane Badiane et al. (2000), les résidus de culture qui auraient pu servir d’apports en matières organiques sont utilisés par les agriculteurs. Par exemple, les tiges de céréales servent à la construction de l’habitat rural et le reste, s’il n’est pas brouté par les animaux, est brûlé lors des travaux de débroussaillage. Les fanes d’arachide sont ramassées avec les racines pour l’alimentation du bétail (animaux de trait, notamment le cheval, et élevage de stabulation). Cette forme d’exploitation minière des terres est d’autant plus marquée que même les adventices comme Eragrostis tremula sont prélevées pour servir dans la construction des toits des cases, ce qui accroît la dénudation du sol. Par ailleurs, en raison de la baisse des précipitations notées depuis les années 70, il y a une tendance à réduire les superficies consacrées aux cultures à cycle long comme le sorgho, voire à délaisser les cultures comme le mil et le sanio. Cette situation de fait limite alors les possibilités en matière de succession et d’association de cultures. Il en résultera une monoculture de l’arachide dont les conséquences sont entre autres, la prolifération des nématodes, la minéralisation de l’humus causée par le fréquent travail du sol, réduisant ainsi sa perméabilité (Fall, 2002).

CONCLUSION PARTIELLE

Il ressort à la lecture de ce chapitre que le bassin arachidier en général et la région de Thiès en particulier se trouve dans un contexte de vulnérabilité environnementale. On s’y trouve dans un espace ouvert, ce qui favorise la mobilisation par le vent des particules du sol et cela d’autant plus que la texture est sableuse et sablo-argileuse. Au regard de sa vulnérabilité, il est important de comprendre la dynamique d’un des facteurs majeurs de la dégradation de l’environnement dans ce contexte, l’érosion éolienne.

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