I NTRODUCTION GENERALE
I. 2.5-Modèles de microstructure de la pâte de ciment
Dans une approche de type homogénéisation des propriétés effectives de la pâte de ciment, la microstructure sur laquelle repose le modèle est dune importance significative. Nous nous intéressons ici à des modèles qui proposent une description de la microstructure de la pâte de ciment, c'est-à-dire de larrangement des phases hydratées les unes par rapport aux autres et à la phase anhydre. Ces modèles sont de deux sortes : les modèles analytiques qui sont souvent dédiés à lestimation dune ou plusieurs propriétés en particulier et les modèles numériques qui peuvent être utilisés pour reproduire de façon beaucoup plus globale le comportement de la pâte de ciment sous diverses sollicitations. Il sagit souvent dans le deuxième cas de modèles couplés hydratation/microstructure. On présente à travers trois de ces modèles les plus en vue, à savoir les modèles CEMHYD3D (Bentz 1997), IKPM (Navi et Pignat 1996) et HYMOSTRU (Van Breugel 1991) la microstructure de la pâte de ciment telle quelle est représentée.
I.2.5.1 Le modèle CEMHYD3D
Le modèle CEMHYD3D (Bentz 1997) est développé par le NIST (National Institute of Standard and Technology). Il sagit dun ensemble dalgorithmes qui permettent de générer numériquement une pâte de ciment. Cest un modèle basé sur des voxels (léquivalent en 3D dun pixel) où les mécanismes physico-chimiques comme la dissolution, la nucléation et la croissance des hydrates sont pris en compte et implémentés par le biais de « cellules automates ». Les espèces solides en présence, une fois dissoutes sont transformées en espèces diffusantes comme du C A* = 3 C A 3
diffusant. Elles peuvent alors se déplacer de manière aléatoire au sein de la microstructure comme des ions en solution. Lorsquelles rencontrent dautres espèces avec lesquelles elles sont susceptibles de réagir suivant les équations dhydratation qui sont spécifiées dans le modèle, il se forme à lendroit de la collision les produits de la réaction. A une phase donnée est attribuée différents paramètres comme la probabilité de dissolution, de nucléation etc . La microstructure est ainsi générée aléatoirement sous forme de voxels et se veut la plus proche possible dune microstructure « réelle ». La Figure 1.18 présente la microstructure initiale dune pâte de ciment
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à rapport e/c = 0.25 avant le début de lhydratation (à gauche) et la microstructure correspondant à un degré dhydratation !=0.63 (à droite). Il existe une version du modèle qui prend en compte les formes réelles (Figure 1.8) des grains de ciment. Le point de départ est donc une observation par micrographie complétées par un retraitement informatique des images des grains de ciment permettant dobtenir la granulométrie mais aussi la composition minéralogique des grains de ciment. Récemment une version améliorée du modèle permet de prendre en compte leffet de lajout de fumée de silice sur les résultats dhydratation. La microstructure générée par le modèle CEMHYD3D est souvent couplée à des codes éléments finis pour simuler numériquement le comportement des matériaux cimentaires. Cest le cas par exemple dans (Bernard et Kamali-Bernard 2010), où le modèle CEMHYD3D est utilisé pour générer les volumes élémentaires représentatifs de la pâte de ciment et du mortier dans une approche de type multi-échelle, et où les propriétés mécaniques et de transport du matériau lixivié sont déterminées par le code de calcul ABAQUS.
Figure 1.18 : Microstructure 3D 50 x 50 x 50 µm initiale (gauche) dune pâte de ciment e/c = 0.25 et à un degré dhydratation (droite) = 0.63. (Rouge = C3S, Vert = C3A, Jaune = C4AF, Noir = porosité, violet =
C-S-H, Bleu = CH).
I.2.5.2 Le modèle HYMOSTRUC
Cest le modèle développé par Van Breugel (Van Breugel 1991; Van Breugel 1995; Van Breugel 2004) à lUniversité de Technologie de Delft (TU Delft). Il est basé sur la représentation des particules de grains de ciment anhydre sous forme circulaire en 2D et sphérique en 3D. Les paramètres dentrée sont la granulométrie du ciment ainsi que sa composition minéralogique, le rapport e/c et la température. Lhydratation se traduit par une expansion des grains de ciment. La
Figure 1.19 présente les deux mécanismes dexpansion qui sont considérés dans le modèle. A
gauche le grain de ciment est isolé et son accroissement de volume se fait librement, c'est-à-dire que les produits formés par dissolution se déposent de façon homogène autour du grain provoquant une augmentation radiale de volume. La dissolution et lexpansion des particules se produisent concentriquement. Dans la partie droite, il ya interaction entre les particules voisines en cas de percolation des phases solides. Deux types dhydrates sont distingués dans ce modèle : les hydrates qui se forment autour du grain initial sont appelés « outer product » et les hydrates
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qui se forment au sein du grain initial après consommation dune couche de grains anhydre sont appelés « inner product ». Pour chaque particule, la cinétique dhydratation est gérée par son degré dhydratation. Cette cinétique dépend de lhumidité relative, de la consommation deau, de la température, de la diffusion de leau à travers la couche dhydrate et du diamètre de la particule. Il est possible destimer des paramètres comme la porosité ou les caractéristiques diffusives du matériau (Van Breugel et Koenders 2000), ou dautres grandeurs caractéristiques comme la résistance à la compression en couplant le modèle à un code aux éléments finis (Schlangen et al. 2007), ou encore le retrait endogène (Lura et al. 2003).
Figure 1.19 : Représentation de la microstructure et des couches dhydrates (Van Breugel 1995).
I.2.5.3 Le modèle Integrated Particles Kinetic Model (IPKM)
Ce modèle est développé à lEPFL par P. Navi et C. Pignat (Navi et Pignat 1996; Navi et Pignat 1999). Il est basé sur lhydratation exclusive du C3S, les auteurs considèrent que cest la phase principale du ciment et que son hydratation prédomine dans lensemble du processus. Les produits formés sont la portlandite (CH) et le silicate de calcium hydraté (C-S-H). La microstructure 3D initiale est constituée de grains sphériques de diamètres et de dispositions aléatoires. Les C-S-H se forment autour des grains de ciment, tandis que les cristaux de portlandite, précipitent et croissent autour des sites de nucléation réparties aléatoirement dans le réseau et dont le nombre est déterminé par une formule empirique établie par (Bentz et Garboczi 1991). Le modèle considère les mêmes quantités de C-S-H HD et C-S-H LD formés. La microstructure ainsi générée numériquement donne une représentation en pixels de la pâte de ciment comme un milieu poreux dont la phase solide est triphasique, le grain de ciment anhydre, le CH et le C-S-H. La Figure 1.20 présente les coupes dun échantillon numérique dune pâte de ciment avant et après lhydratation complète. Bishnoi (Bishnoi et Scrivener 2009) a proposé une amélioration de ce modèle avec une approche vectorielle de la représentation de la microstructure (le modèle µic) et en considérant les phases anhydres autres que le C3S. Les modèles que nous avons vus proposent une description de la microstructure de la pâte de ciment en fonction des cinétiques dhydratation qui y sont spécifiées.
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Figure 1.20 : Coupes déchantillons numériques dune pâte de ciment avant et après hydratation du modèle de (Navi et Pignat 1996).
La principale remarque quon pourrait retenir est que les modèles, notamment les modèles IKPM et HYMOSTRUC considèrent des grains de ciment anhydre sphériques et lévolution de la microstructure est représentée par la formation dhydrates autour de ces grains. Le modèle HYMOSTRUC considère lhydratation des quatre constituants principaux et distingue deux sortes de produits, les « outer » et les « inner » alors que le modèle de Pignat ne considère que lhydratation du C3S et ne distingue quune seule phase de C-S-H. Par contre la morphologie adoptée dans le modèle CEMHYD3D est beaucoup plus aléatoire, le but principal étant de se rapprocher le plus possible dune microstructure réelle. En résumé, de la comparaison de ces trois modèle, il nen ressort aucun consensus sur la microstructure des matériaux cimentaires à léchelle de la pâte de ciment.