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I NTRODUCTION GENERALE

I. 2.7- Influence de la microstructure sur le retrait des matériaux durcis

I.3 Impact de la température sur la microstructure

Lorsque les matériaux cimentaires sont exposés à un échauffement, il se produit des phénomènes physico-chimiques qui sont à l’origine de la modification de leur microstructure. Nous allons décrire ces modifications et la fissuration thermique qu’elles provoquent et qui affectent de manière non réversible la microstructure du matériau.

I.3.1 Evolution des différentes phases

Quand bien même les gammes de température qui concernent cette étude sont limitées à 200°C nous allons rappeler dans un cadre plus global les différentes transformations de la matrice cimentaire depuis la température ambiante jusqu’à 1300°C, température à laquelle le matériau se décompose totalement. Les différentes étapes identifiées (par des analyses de thermogravimétrie notamment) dans la modification de la microstructure sont présentées dans le Tableau 1.6. Tous les changements commencent par l’évaporation de l’eau libre et la décomposition de l’ettringite, avant la température de 100°C. Le début de déshydratation des C-S-H est comprise entre 105 et 145°C et se fait de manière continue jusqu’à 400°C. Entre 400 et 550°C on observe les premiers signes de la décomposition de la portlandite.

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Tableau 1.6 : Principales décompositions dans un béton lors d’un chauffage (Noumowe 1995).

Températures Phénomènes physico-chimiques

Entre 30 et 120°C L’eau libre et une partie de l’eau adsorbée s’échappent du béton. L’eau non liée est totalement éliminée à 120°C

Entre 130 et 170° Une double réaction endothermique peut avoir lieu correspondant à la décomposition du gypse CaSO42H2O

Autour de 180°C jusqu’à 300°C

On a la première étape de la déshydratation. Il ya rupture du gel de ciment. La chaleur brise le gel de ciment et arrache les molécules d’eau aux silicates hydratés. L’eau liée chimiquement commence à

s’échapper du béton

A environ 250 et 370°C On peut avoir des petits pics endothermiques indiquant des effets de décomposition et d’oxydation métallique (ferrique)

Entre 450 et 550°C Il y’a décomposition de la portlandite en chaux libre Ca(OH)2ÆCaO+H20

Autour de 570°C Il y’a transformation de structures du quartz ! en quartz " accompagnée d’un gonflement

Entre 600 et 700°C

Il y a décomposition des phases de C-S-H et formation de "-C2S. C’est la seconde étape de la déshydratation des silicates de calcium hydratés qui produit une nouvelle forme de silicates bicalciques

Entre 700 et 900°C

Il ya décomposition du carbonate de calcium. Le calcaire se décompose autour de 800°C en CaCO3ÆCaO+CO2, réaction

fortement endothermique qui libère du gaz carbonique Au dessus de

1300-1400°C Le béton passe à l’état de boue

I.3.2 Fissuration thermique

Au cours du chauffage la pâte de ciment se dilate jusqu’à environ 150°C. A partir de cette température elle subit un retrait important qui provient essentiellement de la déshydratation du gel de C-S-H (Diederichs et al. 1989). La plupart des granulats, eux se dilatent continument avec la température. Par conséquent la déformation du béton résulte de la différence entre les déformations thermiques de la pâte de ciment et des granulats qui n’ont pas la même dilatation thermique. Dans la plupart des cas, jusqu’à 150 °C, l’expansion de la pâte est supérieure à celle du granulat. Suite à des déformations empêchées par la dilatation différentielle de la pâte et des granulats, des contraintes naissent aux interfaces pâte-granulat et peuvent entraîner la fissuration

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thermique. (Fu et al. 2004) ont mis en évidence ces phénomènes grâce à des observations MEB sur un mortier traité à 300°C (Figure 1.22).

Figure 1.22 : Faciès de fissuration (indiqués par les flèches) observés au MEB dans un mortier traité à 300°C (Fu et al. 2004).

Au cours du chauffage, en dessous de 150°C lorsque les dilatations thermiques de la matrice sont beaucoup plus importantes que celles du granulat, des fissures tangentielles se développent à l’interface pâte-granulats par décohésion. Par contre pour des températures supérieures à 150°C, lorsque la dilatation due aux effets de la température de la matrice devient inférieure à celle de l’inclusion, des fissures radiales se forment au sein de la pâte. On observe également des fissures au sein des granulats. En ce qui concerne la pâte de ciment pure, la fissuration thermique est attribuée à la déshydratation et l’incompatibilité thermique entre les composés hydratés et non hydratés dans la matrice solide. Pour la pâte de ciment les fissures se sont formés en dessous de 100°C et leur ouverture et longueur augmentent rapidement avec la température (Fu et al. 2004).

I.3.3 Evolution de la porosité

Les phénomènes physico-chimiques qui se passent dans les matériaux cimentaires lorsqu’ils sont exposés à des températures élevées modifient significativement la géométrie des pores et la structure poreuse. Dans un premier temps le départ de l’eau, sans modifier la porosité totale, augmente tout de même le volume de pores accessibles à la phase gazeuse par rapport à la phase

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liquide. Ensuite la fissuration thermique qui s’accompagne d’un élargissement des pores participe à augmenter notablement le volume total de pores. La variation totale de la porosité est donc la somme des contributions de la variation de porosité induite par l’endommagement thermo-chimique (provoquée par la déshydratation) et de l’endommagemment thermo-mécanique (provoquée par la fissuration due à la dilatation différentielle de la pâte et des granulats) (Bary et al. 2008). Les techniques actuelles ne permettent pas de mesurer la porosité à chaud. Il faut attendre le refroidissement de l’échantillon pour pouvoir mesurer la porosité résiduelle. L’inconvénient est qu’on ne peut donc mesurer cette porosité que dans le cas des phénomènes irréversibles (Dal Pont 2004). (Rostasy et al. 1980), puis (Noumowe 1995), ont mis en évidence une augmentation significative de la porosité résiduelle à partir de 300°C. Cette variation est due essentiellement à la décomposition de la pâte de ciment suite à la déshydratation. Au-delà de cette température, et notamment lorsqu’on dépasse 500°C, le changement de porosité est aussi lié à la désintégration des agrégats calcaires (Tableau 1.6). Pour les bétons l’évolution de la porosité est souvent décrite par une relation linéaire de type f( T )=f0+A T T , initialement proposée n

(

- 0

)

par (Schneider et Herbst 1989) et retenue par (Gawin et al. 2003) puis par (Dal Pont 2004). f0

est la porosité initiale, A et n T sont des paramètres qui dépendent du type de béton. A titre 0

d’exemple, (Lion 2004) a identifié l’évolution de la porosité résiduelle pour un mortier normalisé (e/c = 0.5), soumis à un traitement thermique. La porosité initiale du mortier à l’état sain est de 14% elle augmente de façon significative jusqu’à 16.9% après un traitement à 250°C. (Rostasy et al. 1980) ont identifié la distribution de taille de pores en fonction de la température (T=300, 600 et 900°C) pour une pâte de ciment Portland. La Figure 1.23 montre les résultats rapportés par (Cheng 2009). La distribution de taille de pores est de plus en plus étalée lorsqu’on monte en température, ce qui correspond à la création de pores. Il y’a apparition de très gros pores (de l’ordre du micron), alors qu’en parallèle on constate une augmentation significative de la proportion de petits pores (de l’ordre de 4 à 10 nanomètres correspondant aux pores du gel de C-S-H). D’après (Noumowe 1995), la création de très gros pores correspond à une expansion de gros pores capillaires suite à la destruction de leur paroi et l’augmentation de la proportion de petits pores serait liée à la création de microfissures.

Figure 1.23 : Volume poreux de pâtes de ciment exposées à des températures de 300, 600 et 900°C (Rostasy et al. 1980), tiré de (Cheng 2009).

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I.4 Conclusion

Ce premier chapitre est une synthèse de la microstructure des matériaux cimentaires. Il a permis de mettre en exergue leur caractère hétérogène et multi-échelle. A travers une brève analyse de l’hydratation du ciment les mécanismes chimiques qui s’opèrent au cours de l’hydratation et les propriétés des produits formés ont été précisés. La microstructure varie d’un matériau à un autre et le modèle de Jennings par exemple permet de prendre en compte cette variabilité à travers notamment la minéralogie du ciment utilisé, le rapport e/c ou encore le degré d’hydratation. Le passage de la microstructure de la pâte de ciment au mortier et au béton a nécessité l’étude de l’auréole de transition et les caractéristiques particulières de cette zone ont été développées. Nous avons également passé en revue certains paramètres comme la porosité, l’eau dans les matériaux cimentaires ou encore la distribution de tailles de pores qui sont d’importance capitale dans la modélisation du couplage hydromécanique dans les matériaux cimentaires. Notamment les deux grandes classes de pores, les pores du gel de C-S-H et les pores capillaires ont été rappelés. Par ailleurs les mécanismes à l’origine des déformations volumiques en cas de séchage ou d’humidification ont également été abordés. Ce chapitre a fourni les éléments nécessaires pour aborder le chapitre 2 consacré à la modélisation multi-échelle du couplage thermo-hydro-mécanique des matériaux cimentaires.

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CHAPITRE II

COMPORTEMENT THERMO-HYDRO-MECANIQUE