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Modèles développés sur le Gardon d’Anduze

Chapitre 4. Prévisions des crues rapides du Gardon d’Anduze

4.1 Modèles développés sur le Gardon d’Anduze

Chapitre 4

Prévision des crues rapides du Gardon

d’Anduze

4.1 Modèles développés sur le Gardon d’Anduze

En raison des crues intenses auxquelles le Gardon d’Anduze est soumis (les Gardonnades) son bassin versant est intensément étudié depuis plus d’une décennie. De nombreux modèles de simulation et de prévision des crues ont ainsi été appliqués aux Gardonnades à Anduze afin de mieux comprendre et anticiper ce phénomène aux conséquences parfois catastrophiques.

4.1.1 Modèles hydrologiques conceptuels

Comme nous l’avons souligné à la Section I.3.1, les modèles hydrologiques, représentant le fonctionnement physique du bassin, sont conçus pour des tâches de simulations. Ils proposent une représentation conceptuelle d’hypothèses sur les processus dominants impliqués dans la formation des crues. Les modèles présentés dans cette section ne constituent pas une liste exhaustive des modèles appliqués aux crues rapides du bassin versant du Gardon d’Anduze, mais permettent de faire le point sur les principales approches proposées et publiées.

ALTHAIR

Le modèle ALTHAIR, simulant le débit à l’exutoire d’un hydrosystème en utilisant une fonction de production hortonienne (Horton, 1933), a été appliqué aux crues rapides du Gardon d’Anduze par Ayral (2005) et Marchandise (2007). Pourtant, compte tenu des connaissances sur les propriétés d’infiltration de ces sols, l’hypothèse du ruissellement hortonien sur ce site n’est a priori pas adaptée. Malgré ses fondements discutables, ALTHAIR est capable de produire des simulations intéressantes sur des évènements de crues

rapides. Ayral (2005) et Marchandise (2007) déplorent cependant de fréquentes surestimations des débits de pointe susceptibles de déclencher de fausses alertes en situation opérationnelle.

La fonction de production d’ALTHAIR comporte 3 paramètres fixes : une constante exprimant la vitesse de saturation du sol (k), une constante intervenant dans la vidange du réservoir sol (α) et le volume de pluie d’imbibition (si) déterminé à partir des connaissances acquises sur le bassin versant ; et 3 paramètres libres, la capacité d’infiltration initiale (f0), la capacité d’infiltration profonde (fc) et l’écoulement hypodermique (fv), déterminés à l’issue d’une procédure de calage faisant intervenir 13 évènements de pluies intenses (Bressand, 2002). Trois modes de spatialisation ont été testés avec ALTHAIR sur le bassin versant du Gardon d’Anduze : i) le mode bassin versant (i.e. global), ii) le mode spatialisé (i.e. bassin divisé en zones de capacité d’infiltration homogène) mis en œuvre par Ayral (2005) et le mode maillé (i.e. bassin divisé en maillage régulier carré), mis en œuvre par Marchandise (2007).

La fonction de transfert, est assurée par le module Hydrokit permettant de transférer les pluies efficaces (i.e. mobilisées pour le ruissellement ou l’infiltration) et les eaux du réservoir sol restituées au cours d’eau, vers l’exutoire du bassin versant. Ce module implémente une loi de transfert géomorphologique qui diffère sensiblement selon le mode de spatialisation utilisé.

Précisons que ALTHAIR est utilisé en opérationnel par le Service de Prévision des crues du Grand Delta (SPCGD) pour la prévision des crues du Gardon d’Anduze. La prévision est rendue possible par l’introduction de pluies prévues (i.e. lames d’eau Calamar). Le lecteur intéressé par ALTHAIR est invité à consulter Ayral (2005) et Marchandise (2007) pour plus d’informations.

TOPography based hydrological MODEL

TOPography based hydrological MODEL (TOPMODEL) est un outil initialement développé par Beven and Kirkby (1979). Il a été appliqué au bassin versant du Gardon d’Anduze par Sempere-Torres (1990), Marchandise (2007), Le Lay and Saulnier (2007) et Bonnifait et al. (2009). Certains auteurs considèrent TOPMODEL comme le seul modèle hydrologique pouvant être classé dans la famille des modèles à base physique (Bonell, 1993). Notons que dans ce manuscrit il sera considéré comme un modèle conceptuel.

La fonction de production de TOPMODEL est fondée sur l’hypothèse de génération du ruissellement hewlettien (Hewlett, 1961), dépendant localement du déficit en eau de la composante sol. Les sols non-saturés sont infiltrants, n’engendrant aucun ruissellement et les sols saturés sont imperméables générant un coefficient de ruissellement de 100%. Le modèle ne suppose donc pas de refus à l’infiltration qui produirait un ruissellement direct (e.g hortonnien), ce qui est cohérent avec les observations et les mesures de terrain. Les forçages météorologiques ainsi que les caractéristiques géomorphologiques et topologiques du bassin versant sont spatialisés sur une trame maillée élémentaire. L’évolution des surfaces saturées sur le bassin est conditionnée par la distribution spatiale d'un indice topographique, fonction

de la pente locale et de la superficie drainée en amont. Le Lay (2007) et Saulnier (2009) ont appliqué TOPMODEL à la bordure cévenole dans une version spatialisée. Ils ont ainsi mis en évidence l'importance de la spatialisation des précipitations et de l'humidité des sols qui conditionne leur saturation.

La fonction de transfert de TOPMODEL met en œuvre un transfert latéral des eaux de proche en proche, des mailles amont aux mailles aval en obéissant à la loi de Darcy (Darcy, 1856) et en faisant l’hypothèse que le gradient hydraulique est égal à la pente locale de la maille. Un régime permanent s’établit sur chacune des mailles élémentaires, soumise à une pluie.

Le lecteur intéressé par TOPMODEL est invité à consulter Franchini et al. (1996) pour plus d’informations.

Soil Conservation Service

Le modèle du Soil Conservation Service (SCS) propose un schéma de génération du ruissellement. Ce modèle est considéré par certains auteurs comme un modèle empirique (Bessière, 2008) mais notons que dans ce manuscrit il sera considéré comme un modèle conceptuel.

Le bassin versant y est représenté comme un réservoir alimenté par des précipitations. SCS modélise le coefficient de ruissellement instantané à partir du cumul de pluie et d’un paramètre représentant une capacité maximale de rétention potentielle du réservoir. Il utilise la transmissivité et la capacité du réservoir comme paramètres globaux sur le bassin. Les pluies introduites en entrée sont spatialisées. SCS a été appliqué au bassin versant du Gardon d’Anduze par Marchandise (2007) et Tramblay et al. (2011). Les auteurs mettent en évidence le rôle majeur de l’humidité du bassin avant l’évènement de crue, correspondant dans SCS au remplissage initial du réservoir.

Le lecteur intéressé par SCS est invité à consulter (Lyon et al., 2004) pour plus d’informations.

4.1.2 Modèles à base physique

MARINE

MARINE (Modélisation de l’Anticipation du Ruissellement et des Inondations pour des évènements Extrêmes) est un modèle spatialisé dédié à la simulation de crues extrêmes et développé à partir d’une représentation des processus physiques en jeux. Il présente l’avantage de pouvoir fournir une valeur de débit estimé en tout point du réseau hydrographique ainsi que l’évolution des variables distribuées telles que l’humidité du sol. Il a été appliqué sur le bassin versant du Gardon de Saumane, l’un des sous-bassins du Gardon d’Anduze, par Braud et al. (2010) afin de simuler la crue du 8 et 9 septembre 2002 (i.e. évènement 19 de notre base de données ; cf. Annexe 1)

MARINE est structuré en 3 modules physiques, représentant i) le transfert vertical (i.e. infiltration et formation du ruissellement), ii) le transfert latéral et iii) les ruissellements de surface et dans le réseau de drainage. Il s’attache à représenter les phénomènes physiques impliqués dans la relation pluie-débit à différentes échelles. Ce modèle intègre pour cela les informations géomorphologiques et constitutives spatialisées du bassin versant étudié, afin de déterminer la capacité d’infiltration sur chacune des mailles et le chemin emprunté par le ruissellement jusqu’à l’exutoire. L’infiltration y est décrite par le modèle de Green and Ampt (1911) et les ruissellements de surface et dans le réseau de drainage sont simulés à l’aide de l’approximation de l’onde cinématique des équations de Saint-Venant. Bien que la discrétisation spatiale des données d’entrée puisse être fine, la nécessité de fonctionner avec des temps de calcul rapides, imposée par les contraintes opérationnelles, limite le potentiel de l’utilisation de MARINE. En effet, sur chaque unité hydrologique définie, les paramètres spatialisés (locaux) et les données d’entrée devraient être définis, multipliant aisni le nombre des paramètres. En pratique un certain nombre d’approximation sont introduites pour diminuer le nombre de ces paramètres en les liant entre eux.

Le lecteur intéressé par MARINE est invité à consulter (Estupina Borrell, 2004) pour plus d’informations

4.1.3 Modèles neuronaux

Les modèles neuronaux, tels que présentés dans le chapitre III ont été appliqués à la prévision des crues du Gardon d’Anduze par Toukourou (2009), Artigue (2012) et Bornancin-Plantier (2013) avec un horizon de prévision allant d’une demi-heure à 5 h.

Perceptrons multicouches non-récurrents avec et sans termes linéaires

Bornancin-Plantier (2013) compare les performances de 2 architectures de perceptron multicouche non-récurrent à apprentissage dirigé par les observations. Le premier est un perceptron multicouche classique prenant en entrée les chroniques de pluie sur les 6 pluviomètres présentés et utilisés dans notre étude (Annexe 1) et la hauteur d’eau observée à l’instant de prévision. Ce modèle, que nous appellerons sans termes linéaires, a des performances très intéressantes. Cependant une sous-estimation nette est parfois observée au niveau du pic de crue. Cette observation a motivé l’introduction de termes linéaires reliant directement les entrées à la sortie, proposée par Artigue et al. (2011). Cette nouvelle architecture, que nous appellerons avec termes linéaires, consiste en l’introduction de connexions linéaires directes entre les entrées et les sorties (Figure 35). Ces connections linéaires permettent au réseau de mieux reproduire le comportement du système lors de la phase de montée de crue quand le coefficient de ruissellement approche les 100% et que la relation pluie-débit devient fortement linéaire. Les hydrogrammes prévus sont ainsi plus performants au niveau du pic de crue. Les perceptrons multicouches avec et sans termes linéaires sont comparés pour des horizons de prévision d’une demi-heure à 5 h. Il en ressort que les réseaux avec termes linéaires sont sensiblement plus performants que les perceptrons multicouches sans termes linéaires, pour les évènements très intenses.

De plus, il apparaît, pour les 2 modèles, que la capacité de généralisation du réseau est plus sensible à l’initialisation des paramètres qu’à l’architecture du réseau ou au nombre de variables d’entrées (Bornancin-Plantier, 2013). Cette observation a été à l’origine d’une partie de nos travaux dont les résultats ont fait l’objet d’un article présenté à la Section 4.2.2 (Darras et al., 2014b). Par ailleurs, les performances obtenues avec les différents horizons de prévision montrent que les réseaux non-récurrents, à apprentissage dirigé par les observations, sont très performants jusqu’à une heure d’anticipation, mais se dégradent rapidement au-delà. Ceci s’explique par l’introduction du débit observé à l’instant de prévision dont la pertinence de l’information décroît avec l’augmentation de l’horizon de prévision. Le développement de modèles récurrents, utilisant comme information d’état les sorties précédentes estimées par le réseau lui-même plutôt que des observations de terrain, permettrait théoriquement d’allonger l’horizon de prévision efficace des réseaux de neurones appliqués à la prévision de crues rapides.

Figure 35. Perceptrons multicouches sans (gauche) et avec (droite) termes linéaires.

Perceptron multicouche récurrent conçu sur Mialet

Artigue (2012) propose un perceptron multicouche récurrent, s’affranchissant ainsi des contraintes liées à l’utilisation du débit observé à l’instant de prévision pour une utilisation en situation mal ou non jaugée. Après avoir dimensionné et calé un réseau de neurones sur le bassin versant du Gardon de Mialet, il l’applique à 14 autres bassins versants cévenols (appelés bassins cibles), en appliquant un coefficient correctif aux sorties, basé sur les débits de pointe et les surfaces des bassins cibles. Les performances affichées sont prometteuses mais très variables d’un horizon de prévision à l’autre et d’un bassin versant à l’autre. Néanmoins, ces travaux montrent que, sur le bassin versant du Gardon de Mialet, les réseaux de neurones récurrents sont capables de fournir de bonnes prévisions jusqu’à un horizon de 2 h sans prévision de pluie (i.e. Nash supérieur à 0,8), pour 3 des 4 évènements utilisés en test (i.e. évènements 19, 23, 26 et 27 de la base de données présentée en Annexe 1). Ce modèle récurrent présente l’avantage de pouvoir fonctionner en situation opérationnelle avec des

prévisions de pluie et de proposer ainsi une prévision du débit dont l’horizon ne serait limité que par l’horizon des prévisions de pluie.

Partant des travaux de Bornancin-Plantier (2013) et Artigue (2012), nous souhaitons concevoir un tel modèle sur le bassin versant du Gardon d’Anduze, pour lequel les enjeux humains et économiques liés aux crues rapides sont plus importants. Nous avons mis en œuvre ce modèle en intégrant différentes variables susceptibles de représenter l’humidité du bassin. Ces travaux ont fait l’objet d’un article présenté à la Section 4.3.2 (Darras et al., 2014a).