• Aucun résultat trouvé

De nombreux modèles de stratégies végétales ont été proposés pour expliquer et prédire la distribution des

espèces le long de gradients environnementaux. Les modèles les plus détaillés intègrent des gradients

d’utilisation et de compétition pour les nutriments.

Stratégies de type r et K par MacArthur & Wilson (1967). Le modèle de

sélection r–K, a été conçu initialement pour être applicable à tous les êtres

vivants sur un gradient de stabilité. Ce modèle permet de distinguer les stratèges

r qui favorisent la reproduction (fort taux de reproduction, croissance rapide,

durée de vie courte, maturité sexuelle précoce, …), des stratèges K qui

privilégient la maintenance de l’individu (grande taille, croissance lente, longue

durée de vie, maturité sexuelle tardive, …). Les stratèges r se retrouvent surtout

dans les milieux plus instables à l’inverse des stratèges K qui sont

caractéristiques des milieux peu perturbés.

Triangle de Grime (1977, 1979). Ce modèle de stratégies écologiques postule

que les stress et les perturbations constituent deux types de gradients

environnementaux qui limitent la présence des végétaux dans un milieu. La

végétation ne peut se développer que dans l’aire du triangle. Grime identifie trois

stratégies primaires : 1) les espèces tolérantes au stress (S) dominent dans les

milieux à fortes contraintes abiotiques. Ce sont des espèces de petite taille,

possédant une croissance lente et une faible allocation à la reproducion. 2) Les

espèces compétitrices (C) dominent dans les habitats productifs et peu perturbés.

Ces plantes ont une forte capacité compétitive se traduisant par une bonne acquisition des ressources souterraines

et aériennes (espèces également de grande taille et à forte croissance). 3. Les espèces rudérales (R) dominent

dans les milieux fortement perturbés. Elles ont une durée de vie courte, une croissance rapide, et allouent leur

croissance surtout à la reproduction (graines) et à la colonisation.

Dans le modèle de Grime, toutes les stratégies intermédiaires (ex : CR, CS, RS, CRS) sont possibles.

Modèle de Mac Arthur

Densité

T

a

u

x

d

’a

c

c

ro

is

s

e

m

e

n

t

Stratège r

Stratège K

Modèle de Grime

S R

C

Perturbation C o m pé titio n Str ess

Synthèse bibliographique

Cadre théorique de Tilman (1982, 1990). Le modèle de Tilman s’oppose

radicalement à celui de Grime concernant le stress et la compétition. Pour

Tilman, les espèces compétitrices correspondent aux espèces les plus aptes à

abaisser le niveau de ressource tout en tolérant au mieux ce niveau de

ressource bas (faible R*

1

). En raison des compromis (trade-off), les plantes

ne peuvent pas être compétitives pour toutes les ressources. Ainsi, en

milieux peu productifs (N faible), l’allocation des ressources et la

compétition sont essentiellement racinaires. A l’inverse, dans les milieux

riches (où la lumière est le facteur limitant) l’allocation et la compétition sont aériennes. En dehors des milieux

perturbés, la dominance d’une espèce est toujours expliquée par la compétition.

Cadre théorique de Taylor et al. (1990). Ce modèle est comparable à celui

de Grime mais selon une représentation orthogonale. L’abscisse de leur

modèle correspond à un gradient d’appauvrissement du milieu (I) qu’ils

rapprochent du gradient de stress de Grime (1974). L’ordonnée de leur

modèle correspond à la distance entre la fertilité du milieu (K) et son

utilisation nette par la végétation (B). Plus la perturbation est élevée et plus

la distance relative (K-B)/K est grande. Ils différencient quatre stratégies

primaires en fonction de l’allocation spécifique des ressources aux différents

processus physiologiques (croissance, reproduction, structure et défense).

Cadre théorique de Michalet (2001). Michalet a proposé de modifier le

triangle de Grime en carré de stratégies afin d’y inclure un axe de

disponibilité en eau. Il divise ainsi le pôle des compétiteurs de Grime en

compétiteurs exploitatifs (Ce) dans les milieux très fertiles, et en

compétiteurs conservateurs (Cc) dans les milieux pauvres en nutriments mais

non limités en eau. Ce modèle rejoint celui de Tilman dans la mesure où la

compétition reste constante le long du gradient de disponibilité en N. Mais,

conformément à celui de Grime, la compétition augmente le long d’un

gradient de disponibilité en eau. Ce modèle est testé expérimentalement par

(Liancourt et al. 2005a, Liancourt et al. 2005b, Liancourt et al. 2009).

Traits fonctionnels et effet sur la communauté et l’environnement. Pour estimer l’impact

d’un trait sur l’écosystème, une première approche consiste à agréger le trait étudié. Cette

agrégation est obtenue en pondérant soit la valeur du trait d’une espèce soit une classe du trait

quelle que soit l’espèce (Gross et al. 2009) par leur abondance ou biomasse. Ce trait calculé

1

Tilman nomme R* la concentration en ressource dont une espèce a besoin pour être capable de persister dans

un site. L’espèce qui a le R* le plus bas, pour une ressource du sol présente en quantité limitée, sera un

compétiteur supérieur pour cette ressource. Le R* est soit prédit par des caractéristiques de l’espèce, soit mesuré

expérimentalement (Tilman 1982, 1990).

Modèle de Michalet

S

Cc

R

Ce

Perturbation, Disponibilité en nutriments D is p o n ib ili té e n e a u A p ti tu d e c o m p é ti ti v e

K

r r-I

K-I

appauvrissement du milieu

K-B

K

Modèle de Taylor

K

r r-I

K-I

appauvrissement du milieu

K-B

K

K-B

K

Modèle de Taylor

Modèle de Tilman

Souterraine C o m p é ti ti o n Aérienne

Disponibilité en nutriments

Totale

Modèle de Tilman

Souterraine C o m p é ti ti o n Aérienne

Disponibilité en nutriments

Totale

Synthèse bibliographique

24

détermine une propriété fonctionnelle de la communauté (Violle et al. 2007) qui est définie

comme l’impact des espèces dominantes au sein d'une communauté. L'hypothèse centrale est

ici que les propriétés d'une communauté ou d'un écosystème sont directement liées aux

propriétés des espèces dominantes car elles représentent la plus grande biomasse au sein de

ces ensembles. Elle se nomme "the mass-ratio hypothesis" (Grime 1998, Vile et al. 2006) et

peut être rapprochée de l’effet de sélection dans les schémas de diversité-fonctionnement

(Loreau et al. 2001). Par exemple, un lien entre SLA de la communauté et productivité de

l'écosystème est bien établi dans la littérature (e.g. Garnier et al. 2004). De la même manière,

la teneur en matière sèche des feuilles (LDMC) et le rapport C/N des feuilles vont avoir un

impact direct sur la décomposition des litières (Cornelissen et al. 1999). Enfin, certains traits

racinaires comme la profondeur d'enracinement vont directement déterminer l'effet des

communautés sur son bilan hydrique (Gross et al. 2008).

Une autre hypothèse est celle du rôle de la diversité fonctionnelle. Elle se mesure par la

distribution d’abondance et la gamme de variation d’un trait (c.f. Mokany et al. 2008) pour les

différents indices utilisés, FRO, FD

Q

, FD

var2

). Lorsqu’il existe une plus grande diversité dans

les stratégies d’utilisation de la ressource, il y aura davantage de niches le long de l’axe de

spécialisation d’utilisation des ressources et ainsi un effet plus important sur l’utilisation des

ressources, des pools et des flux biogéochimiques que dans des communautés moins diverses

(Diaz et Cabido 2001). Cette hypothèse est renforcée par les études montrant un effet de la

diversité spécifique et de la diversité de groupes fonctionnels grâce aux mécanismes de

complémentarité et de facilitation (e.g. Tilman et al. 1997a, van der Heijden et al. 1998,

Spehn et al. 2005). Mokany et al. (2008) observent que les deux hypothèses ne sont pas

forcément antagonistes mais que l’hypothèse de ‘mass ratio’ explique davantage les processus

écosystémiques. Cependant, cette étude réalisée sur des prairies natives pauvres en nutriments

utilise 18 traits, mais aucun n’appartient à l’acquisition ou à la gestion des nutriments au sein

de la plante. De plus, cette étude ne pose pas la question de l’articulation entre ces deux

hypothèses. Est-ce que, par exemple, la valeur d’un trait agrégé peut contraindre la diversité

de ce trait ou d’un autre ? Ainsi, une plus forte hauteur maximale des arbres en forêt tropicale

augmenterait la plasticité de l’épaisseur des feuilles ou encore, une plus grane couronne des

arbres juvéniles limiterait la plasticité de la SLA (Rozendaal et al. 2006). Inversement, est ce

2

FD Functional diversity of one to several traits based on a functional dendogram of the plant community

(Petchey et Gaston 2002); FD

Q

Functional diversity through Rao’s quadratic entropy of plant traits in the

community (Botta-Dukat 2005); FDvar Functional diversity of one trait based of its variance in the plant

community (Mason et al. 2003); FRO Functional regularity of the species distribution according to one trait

(Mouillot et al. 2004)

Synthèse bibliographique

que la forte dispersion d’un trait au sein d’une communauté sera une source de stabilité du

trait agrégé ou un indicateur de la transition vers un autre équilibre de la communauté ?

Pour conclure, un trait a une fonction qui permet à la plante de répondre aux variations

environnementales mais également de produire un effet sur le fonctionnement de sa

communauté. L’action de l’environnement sur ce trait, sa co-variation avec les autres traits,

son impact sur les interactions biotiques ainsi que sa distribution au sein de l’écosystème

permettent de connaître son impact à l’échelle de la communauté. Nous avons choisi de nous

intéresser particulièrement au fonctionnement d’un patch de végétation. Au sein de ce patch,

plus que toute autre approche, l’approche de modélisation permet de distinguer chaque

individu en le caractérisant par un syndrôme de traits. Elle permet de formaliser sans

hypothèse a priori la fonction d’un trait particulier pour la performance d’un individu dans un

environnement donné mais également de le relier par des liens causaux aux autres traits de la

plante. Enfin, parce que pouvant être basée sur le principe de conservation de la masse et de

l’énergie, elle permet d’intégrer le fonctionnement d’un individu au fonctionnement d’une

population puis à celui d’un patch de végétation. Cette démarche parait donc appropriée pour

connecter ces différentes échelles.

Synthèse bibliographique

26

1.1.4 La modélisation comme un outil intégrateur

‘‘Things should be made as simple as possible, but no simpler’’ Albert Einstein (1879-1955)

Le processus de la modélisation. La notion de modèle est depuis toujours liée à la pensée

scientifique. Poser une hypothèse relative à un phénomène observable et mesurable est

l’essence de l’acte de modélisation. L’ensemble des observations ultérieures du système réel

permettra la validation ou l’invalidation du modèle (Coquillard et Hill 1997). Ce processus

cognitif est bien résumé par la citation de (Minsky 1965) :

‘To an observer B, an object A* is a model of an object A to the extent that B can use A* to

answer questions that interest him about A’

Un modèle doit avoir ainsi un caractère de ressemblance avec le système réel. La mise à

l’échelle d’un système sera la première étape de substitution de la réalité. Un modèle doit

constituer à la fois une idéalisation et une simplification du système réel, en appréhendant les

lignes de forces du système réel et en ignorant les détails. La deuxième étape du processus de

modélisation sera une recherche d’analogie de formes et de fonctions des objets du système.

Un modèle doit reproduire le comportement du système aussi loin que le nécessite la

problématique du scientifique. L’adoption d’un langage mathématique permettra par exemple

la formalisation des relations et des fonctions des objets du système. Ce temps de la

formalisation permettra au final d’aboutir à un modèle que l’on pourra tester et retester dans

différentes situations afin de l’améliorer jusqu’à répondre à la problématique du scientifique.

La modélisation devient ainsi un processus itératif (encadré 1-3).

En écologie, cette simplification de la réalité devient indispensable face à la complexité

d’un écosystème. Celui-ci intègre de multiples interactions et rétroactions entre ses différentes

composantes s’articulant à une échelle donnée (articulation horizontale) et à différentes

échelles (articulation verticale, e.g. réseaux trophiques) (Levin 1992). L’articulation

horizontale peut par exemple relier plusieurs formes de vie (modèle proie-prédateur) ou

plusieurs champs disciplinaires des sciences (e.g. écologie des communautés et écologie

fonctionnelle). L’articulation verticale peut intégrer plusieurs niveaux d’organisation (organe,

individu, population, etc.), plusieurs échelles spatiales (patch de végétation, parcelle,

écosystème) ou encore plusieurs échelles de temps (jour, saison, année). La modélisation

consiste alors à simplifier le système en discriminant et synthétisant les facteurs explicatifs, en

comprenant leur rôle et en les hiérarchisant pour ne garder au final que la complexité

nécessaire et suffisante pour répondre à la question posée.

Synthèse bibliographique

Documents relatifs