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E. Modèles murins de la maladie d’Alzheimer

1. Modèles basés sur la surproduction d’Aβ

La première catégorie de modèle abordée ici correspond également à la première mise au point historiquement. Il s’agit de souris exprimant une forme humaine mutée du gène APP. A l’instar de la pathologie humaine, les souris générées à partir de cette modification génique, présentent toutes une apparition de plaques séniles à un âge plus ou moins tardif. A l’heure actuelle 67 mutations du gène de l’APP ont été observées, parmi lesquelles 51 semblent pathogéniques. Le choix des mutations utilisées parmi celles identifiées s’est donc basé sur la différence de pathogénicité avec un déclenchement de la maladie le plus précoce possible pour des raisons de praticité expérimentale (Esquerda-canals, Montoliu-gaya and Jofre 2017). Ainsi, la mutation la plus couramment retrouvée dans les différents modèles correspond à la double mutation K670N/M671L également appelée Swedish ou APPSwe (Citron et al. 1992). Cette mutation favorise le clivage par la β-sécrétase permettant une augmentation massive de la production d’Aβ. Parmi les différents modèles utilisant cette mutation, il a été rapporté, outre l’apparition de plaques, des troubles d’apprentissage et de la mémoire, des signes d’inflammation gliale ainsi que des dystrophies synaptiques ou neuritiques. Ces différentes caractéristiques n’apparaissent pas aux mêmes âges en fonction des modèles. Cela s’explique par le fait que la

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Tableau 1 : Caractéristiques physiopathologiques de différents modèles murins de la maladie d’Alzheimer couramment utilisés. (Adapté d’Esquerda-Canals et al. 2017)

La maladie d’Alzheimer

37 mutation APPswe aura pu être couplée ou non avec d’autres mutations pour accélérer le phénotype. Cela pourra aussi être dû au promoteur utilisé pour contrôler l’expression du transgène. En effet, il est important de mentionner que pour tous ces modèles, les transgènes sont placés sous le contrôle de promoteurs quasi exclusivement spécifiques des neurones. Ainsi parmi les plus courants, on retrouve ceux du platelet-derived growth factor β-chain (PDGF), du thymocyte differentiation antigen 1 (Thy-1) et de la protéine du prion (PrP). Il faut donc garder à l’esprit, qu’à l’heure actuelle, la plupart des modèles utilisés reposent sur une surproduction uniquement neuronale avec une accumulation intra-neuronale avant qu’il y ait sécrétion d’Aβ dans le milieu extracellulaire (LaFerla, Green and Oddo 2007). Les preuves de ce mécanisme chez l’homme n’ont pas été clairement établies et une production d’Aβ par les cellules gliales n’est pas à exclure (Frost and Li 2017).

La deuxième catégorie de modèles s’inscrit dans la volonté d’accélérer davantage l’âge de déclenchement des différents phénotypes observés en combinant une ou des mutations d’APP avec un transgène correspondant à une ou des mutations de PS1. Les modèles proposant uniquement une mutation liée au gène de PS1 ont rapidement été mis de côté car malgré l’augmentation de la proportion d’Aβ produite, ces modèles ne présentaient pas de plaques amyloïdes (Chui et al. 1999). Cela peut s’expliquer par la plus faible capacité d’agrégation de l’Aβ murin par rapport à la forme humaine du peptide. Les modèles combinant les deux transgènes ont démontré un effet synergique permettant d’accélérer l’apparition de certains phénotypes associés à la maladie d’Alzheimer. Dans le cas du gène PS1, 230 mutations ont été identifiées chez l’homme dont 219 semblent pathogéniques. Parmi celles-ci, le choix pour générer les modèles murins s’est porté sur celles qui clivent APP en favorisant la production de la forme Aβ1-42 du peptide (Esquerda-canals, Montoliu-gaya and Jofre 2017). Cette volonté de créer un modèle avec une pathophysiologie accélérée s’est traduite par la création du modèle 5xFAD qui porte cinq mutations provenant des formes familiales, comme son nom l’indique, dont trois sur le gène d’APP et deux sur PS1 (Oakley et al. 2006). Cela a donné lieu à des souris avec un phénotype pathologique extrêmement agressif, une apparition de plaques séniles dès 2 mois et une altération des fonctions cognitives dès 4 mois. Mais le principal défaut de ce modèle semble être un manque de spécificité de la neurotoxicité qui se généralise à tout type de sous-populations neuronales, ce qui donne notamment lieu à des déficits moteurs à partir de 9 mois (O’Leary et al. 2018).

Même si ces deux catégories de modèles reproduisent certaines caractéristiques neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer, elles ne les reproduisent pas toutes.

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Notamment, une très faible proportion voire une absence de mort neuronale est constatée dans la plupart de ces modèles alors que les déficits cognitifs surviennent relativement rapidement (Selkoe 2011). De plus, bien qu’une augmentation des formes phosphorylées de tau ait été mesurée, la plupart de ces modèles ne présentent pas d’enchevêtrements neurofibrillaires associés à la protéine tau, alors qu’il s’agit d’un des deux marqueurs de la maladie. C’est pourquoi dans le but de développer un modèle plus complet de la maladie Oddo et al. 2003 ont développé un modèle triple transgénique ou dit 3xTg en ajoutant un gène humain muté de tau. Rappelons qu’aucune mutation de tau n’a été clairement mise en lien avec les formes familiales ou sporadiques de la maladie d’Alzheimer. Néanmoins, ce modèle permet d’étudier la surproduction d’Aβ dans un contexte de tauopathie.

Par ailleurs, comme nous l’avons dit ces modèles sont basés sur les formes familiales de la maladie d’Alzheimer qui sont des formes agressives et qui ne correspondent qu’à une très faible proportion du nombre de cas. C’est pourquoi de nouveaux modèles se rapprochant plus des formes sporadiques sont en train d’être étudiés. Il existe par exemple un modèle associant deux mutations d’APP avec l’insertion d’un allèle ε4 du gène de l’APOE (Graybeal et al. 2015). Nous pouvons également citer l’exemple des souris APP23 qui ont été croisées avec un modèle murins de désensibilisation à l’insuline (Gao, Liu and Li 2013), puisque le diabète de type II constitue aussi un facteur de risque observé dans les formes sporadiques. Malgré tout, l’élaboration de modèles mimant les formes sporadiques semble difficile à réaliser compte tenu du fait que l’Aβ produit à partir de l’APP murin endogène semble peu toxique et qu’aucune caractéristique pathologique de la maladie d’Alzheimer n’est observée chez la souris à moins d’insérer un gène humain muté de l’APP dans son génome.