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2-6 Modèles animaux de dysfonctions de la dynamique mitochondriale

La dernière décennie a vu l’apparition de modèles génétiques qui ont permis une approche plus intégrée de la dynamique mitochondriale et qui ont ainsi mis en évidence la nécessité de ce processus pour le développement et la vie des organismes mammifères. Il existe des modèles murins transgéniques pour l’acteur de fission DRP1 et pour les acteurs de fusion MFN1 et 2 et OPA1.

L’équipe de K. Mihara a créé un modèle de souris transgénique pour le gène DRP1. Ce gène a été délété de l’exon 2 qui code une partie du site de liaison au GTP (Ishihara et al., 2009). Cette délétion est létale à l’état homozygote au stade embryonnaire entre les stades E10,5 et E12,5. Entre les stades E9,5 et 11,5, les embryons Drp1-/- sont plus petits, leur cœur est moins développé, le foie est atrophié et le tube neural est plus fin. Les lignées de cellules souches embryonnaires en dérivant présentent des mitochondries agrégées qui possèdent une morphologie tubulaire avec des crêtes mitochondriales qui semblent intactes. L’expression des Mitofusines est diminuée et le processing d’OPA1 est augmenté dans des lignées MEF Drp1-/-; ce qui pourrait traduire la mise en place d’un processus de compensation de la cellule par une diminution de l’activité de fusion mitochondriale. Les souris mutantes ne présentent pas d’augmentation de l’autophagie et le potentiel de membrane mitochondrial est comparable à celui des embryons sauvages. La respiration n’est pas affectée. L’ADN mitochondrial ne montre pas non plus de défaut. Par contre, les souris dépourvues de DRP1 présentent une élévation de l’apoptose dans le cerveau en formation mais pas dans les autres tissus. DRP1 semble indispensable au bon développement cérébral. En effet, outre l’accroissement du taux d’apoptose, les neurones Drp1-/- présentent une diminution du nombre de synapses et des neurites. Ce modèle murin a donc permis de mettre en évidence le rôle majeur de DRP1 dans le développement du tissu nerveux.

Une autre souris invalidée pour le gène Drp1 au niveau du domaine GTPase, a été réalisée pour l’équipe de H. Sesaki (Wakabayashi et al., 2009). Comme la précédente, cette mutation est létale à l’état homozygote au stade embryonnaire E11,5. La mort est provoquée d’une part par un défaut de développement du placenta dont la mise en place nécessite DRP1, et d’autre part, par une insuffisance cardiaque. Les lignées MEF en découlant, présentent des défauts de division des mitochondries et des péroxysomes, et un réseau mitochondrial allongé et interconnecté. En revanche, les crêtes mitochondriales ont une organisation normale et la quantité d’ATP est identique aux contrôles. Les quantités des Mitofusines 1 et 2 sont réduites de 50% alors que celles d’OPA1 et de FIS1 sont inchangées.

dans les embryons Drp1-/-, mais pas, en revanche, dans les MEF Drp1-/-. Pour approfondir la compréhension du rôle de DRP1 dans le cerveau, cette équipe a ensuite produit une lignée de souris invalidée pour le gène DRP1 spécifiquement dans les neurones. Ces souris meurent quelques heures après la naissance et présentent une réduction du volume du cervelet qui serait due à une diminution de la prolifération des cellules de Purkinje et non pas une augmentation de l’apoptose.

L’équipe de David C Chan (Chen et al., 2003) a obtenu des souris transgéniques dans lesquelles l’invalidation des gènes MFN1 et 2 est due à l’excision d’un exon intervenant dans le domaine GTPase, ce qui empêche la formation de protéines fonctionnelles (Chen et al., 2003; Chen et al., 2007). Leurs premières études montrent également que la perte totale de fonction d’acteurs de la dynamique mitochondriale provoque la mort des embryons au stade E11,5 de développement. MFN1 et 2 ont des rôles partiellement redondants au niveau du développement du placenta (Chen et al., 2003; Chen et al., 2007). En effet, lorsque l’invalidation des MFN1 et 2 est réalisée dans les seules cellules embryonnaires mais pas dans les cellules constituant le placenta, une fraction importante des souris Mfn2-/- meurent après la naissance et les souris Mfn1-/- sont viables (Chen et al., 2007).

Afin de pouvoir étudier l’importance des Mitofusines sur le développement au-delà des stades embryonnaires létaux, les auteurs ont obtenu des souris transgéniques conditionnelles dans lesquelles l’invalidation des gènes MFN1 et 2 seulement dans l’embryon est obtenue au stade E7. Les souris conditionnelles MFN1 ne présentent pas de défaut particulier. En revanche, les souris conditionnelles MFN2 présentent des altérations dans le développement et le maintien de la structure cérébelleuse. Le volume global du cervelet est réduit à partir du stade post-natal P7, la structure lobée étant maintenue ainsi que l’organisation des différentes couches. Ainsi, l’altération engendrée par la perte de la protéine MFN2 ne provoque pas un défaut des mécanismes de mise en place du cervelet, mais induit la mort principalement des cellules de Purkinje.

Les cellules de Purkinje du cervelet requièrent MFN2 pour l’extension des dendrites, la mise en place de nouvelles épines dendritiques et leur survie. Les mitochondries de ces cellules cérébelleuses des souris dépourvues de la protéine MFN2 s’agrègent dans la région périnucléaire. D’autre part, la chaîne de transport des électrons est perturbée en raison d’une diminution de l’activité du complexe IV. Une petite proportion des mitochondries des muscles des souris MFN2-/- présentent des mutations de l’ADN mitochondrial. Cette perte de l’ADN mitochondrial est étendue à toutes les mitochondries dans des souris doubles mutantes MFN1-/-, MFN2-/- dont les muscles montrent à la fois une augmentation du nombre de mutations et du nombre de délétions par paire de bases d’ADNmt (Chen et al., 2010).

Deux modèles murins d’haploinsuffisance de la pathologie ADOA-1 présentent une dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine retrouvée chez les patients mais à des stades plus précoces. En effet, les souris développent au cours de leur vie des altérations des cellules ganglionnaires de la rétine. L’équipe de Wissinger a obtenu une souris mutante au niveau d’un site d’épissage (c.1065+5G>A) du gène Opa1, mutation existant chez des patients (Alavi et al., 2007). Cette mutation provoque un saut de l’exon 10 durant la transcription qui génère une délétion de 27 acides aminés dans le domaine GTPase et mène à l’instabilité de la protéine mutante ne laissant que 50% de la protéine sauvage. Les souris homozygotes pour cette mutation montrent un retard de développement à E8,5 et les embryons meurent avant d’atteindre le stade embryonnaire E12,5. À 8 mois, les souris hétérozygotes OPA1+/- présentent des mitochondries fragmentées et des crêtes mitochondriales déstructurées dans les axones des nerfs optiques. Les souris hétérozygotes présentent une dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine qui débute à 13 mois et qui est massive à 17 mois. Des défauts électrophysiologiques visualisés par l’étude des potentiels visuels évoqués ne sont détectés qu’à partir de 20 mois. Les cellules ganglionnaires de la rétine dégénèrent à partir du soma et la dégénérescence s’étend à l’axone.

Le second modèle d’haploinsuffisance de la pathologie ADOA-1 est une souris transgénique possédant une mutation non sens (Q285X) qui provoque la troncation de la partie de la protéine située au début du domaine GTPase et codée par l’exon 8 (Davies et al., 2007). Cette mutation entraine également l’instabilité de la protéine. Les embryons homozygotes présentent au stade E9,5 un retard de croissance et meurent au stade E13,5. En revanche, les souris hétérozygotes sont viables et fertiles. Les explants de muscles des souris Opa1+/- montrent une augmentation des mitochondries fragmentées. La dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine débute tardivement au stade adulte vers 9 mois et atteint son maximum à 24 mois. À ce stade, le nombre d’autophagosomes est augmenté dans les souris mutées alors qu’il diminue avec l’âge dans les souris contrôles en accord avec la bibliographie (Del Roso et al., 2003). L’autophagie pourrait donc être une cause éventuelle de la dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine. L’autophagie est un processus particulièrement important pour les cellules quiescentes comme les neurones (Hara et al., 2006). L’étude de coupes organotypiques de rétine révèle une atrophie de l’arborescence dendritique dès 10 mois des cellules ganglionnaires de la rétine de souris hétérozygotes mutantes alors que les effets cliniques ne se déclarent qu’à partir du 12e mois. La dendropathie touche spécifiquement les neurones ON de la sublamina b qui connectent directement le thalamus et ne touche pas les neurones OFF de la sublamina a connectés au cortex. La sublamina b de la couche interne plexiforme demande

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Illustration 14: Les neurones, cellules hautement asymétriques et polarisées

A: Illustrations de différents de types de neurones: a) reproduction d’e dessine de neurones de

cortex cérébral par R. y Cajal, 1906; b) image de neurone cortical murin en culture primaire observée en microscopie de fluorescence après transfection de la GFP (Miquel et al., non publié; c) image de neurones corticaux murins en culture primaire après immunodétection de la protéine Map2 (rouge) et des mitochondries (vert) (Bertholet etal., non publié).

B: Synapse chimique: représentation schématique de la fonction des compartiments neuronaux

dans la transmission de l’information par les neurotransmetteurs (tiré de documents de cours El Mestikawy & Miquel, 2010).

A

a

b

c

10µM 10µM

Libération de

neuro-

transmetteurs

Excitation

Reception

Electric transmission Chemical transmission

Synapse

Axon (Less than

1 µm large, more

than 1m long)

Axonal terminal branches

Cell body

B

Alors que la sublamina a est en contact avec les cellules amacrines GABAergiques et les cellules bipolaires glutamatergiques. Les synapses GABAergiques sont moins demandeuses en énergie et agissent à une différence de potentiel proche de l’équilibre du chlore (Mattson and Magnus, 2006). Ce qui expliquerait que les neurones de la sublamina b soient plus touchés étant plus sensibles à un défaut énergétique.

Des modèles invertébrés d’inactivation d’OPA1 ont également été développés. Les mutations de la protéine eat-3 , homologue d’OPA1 chez Caenorhabditis elegans, provoquent une fragmentation des mitochondries et une hypersensibilité au stress oxydant sans augmentation de la mort cellulaire (Kanazawa et al., 2008). Chez la drosophile, la mutation d’OPA1 à l’état homozygote est létale au stade embryonnaire. Les mutants ont des yeux rugueux ou luisants dans des clones somatiques. Les yeux rugueux sont dus à une augmentation de l’apoptose, alors que les yeux luisants sont dus à une perte beaucoup plus tardive des cellules de cônes et de pigments sous l’action d’un stress oxydant (Yarosh et al., 2008). Des mutations du gène OPA1 à l’état hétérozygote chez la drosophile, provoquent : i) une augmentation de la production des EAOs, une sensibilité au stress oxydant, des défauts dans l’activité des complexes de la chaîne respiratoire, ii) une morphologie mitochondriale aberrante dans le cœur et le muscle squelettique, iii) des dysfonctions de la vision restaurées par des traitements antioxydants et un raccourcissement de la durée de vie des mouches (Shahrestani et al., 2009; Tang et al., 2009).

Ces différents modèles transgéniques ont permis de mettre en évidence l’aspect essentiel des fonctions des acteurs qui contrôlent la dynamique mitochondriale au cours du développement et ont confirmé l’importance de ce processus au sein des neurones.