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La plupart des méthodes de calcul rapide des ondes de souffle sont basées sur le concept de chemin déployé ce qui limite leur champ d’application. La mise au point d’une méthode générale devrait selon nous s’appuyer sur un modèle mathématique d’évolution de front contraint par des considérations physiques. Parmi les modèles applicables aux ondes de choc soutenues, on pourra citer les théories Geometrical Shock Dynamics et Cinématique, qui seront détaillés dans ce rapport. Un bref aperçu de l’état de l’art des différentes approches est présenté en figure 1.25.

Modèle “Geometrical Shock Dynamics” de Whitham

La théorie “Geometrical Shock Dynamics” (GSD) a été énoncée en 1957 par Whitham [138, 140] dans le but de prédire les effets de l’environnement géométrique sur la propagation d’un front de choc. Le front y est découpé en un ensemble de tubes de rayon (i.e. courbes orthogo- nales au trajet), de section élémentaire A, évoluant à la vitesse locale M. À partir des équations d’Euler, Whitham établit une relation, dite relation A-M, entre la variation du nombre de Mach du choc, M, et la variation de la section d’un tube de rayon. Bien que développé plutôt dans un esprit de choc fort, de nombreux travaux, dont ceux de Baskar et Prasad [10], montrent que le modèle de Whitham donne d’assez bons résultats même lorsque le choc est plus faible. À titre illustratif, la figure 1.21 présente le front de choc obtenu avec le modèle GSD lors de l’interaction d’un choc plan à M = 2.81 avec un cylindre. On notera que la position des points triples est restituée avec une bonne précision par les “choc-chocs”, correspondant aux discontinuités sur le front dans le modèle de Whitham.

Le modèle GSD néglige l’effet de l’écoulement post-choc, ce qui permet de réduire la dimen- sion du problème, mais limite son application aux chocs soutenus. Le caractère fini de l’énergie de la source n’est pas pris en compte. Parmi les pistes envisageables pour palier ce défaut, on citera les travaux de Best [20] où l’hétérogénéité de l’écoulement derrière le choc est modélisée au travers d’une équation supplémentaire.

Signalons que le modèle GSD a inspiré d’autres théories, notamment pour calculer rapide- ment le dépôt d’énergie lors de la détonation d’un explosif, théorie “Detonation Shock Dyna- mics” (DSD) [13, 126, 8], ou encore pour aller au-delà des approches classiques de l’acoustique géométrique [10, 95]. On pourra aussi citer [46] qui étudie le système de Whitham dans un cadre relativiste, [58] qui analyse le comportement de l’onde réfléchie sur un axe de symétrie, et l’article de Zakeri [147] qui se penche sur la modélisation de la fonction A.

Du point de vue numérique, la résolution du modèle de Whitham se conçoit comme la solution d’une équation d’évolution de la position du front couplée à une équation de transport portant sur le champ de vitesse locale. L’éventail des méthodes numériques de propagation de front est très large. Que ce soient pour des problématiques issues de la mécanique des fluides, du traitement d’images, ou liées aux ondes sismiques, de nombreux travaux ont conduit au dé- veloppement de méthodes performantes. Une classification grossière distingue deux approches

1.5. MODÈLES D’ÉVOLUTION DE FRONT

Figure 1.21 – Image d’après [144]. Diffraction d’un choc plan à nombre de Mach incident 2.81 sur un cylindre. Positions successives du front de choc obtenu avec le modèle GSD (lignes verticales) et comparaison avec les résultats expérimentaux (symboles).

principales en fonction de la nature du maillage utilisé : les méthodes Lagrangiennes (discréti- sation explicite du front mobile) et les méthodes Eulériennes (reconstruction implicite du front sur maillage fixe).

Les méthodes Lagrangiennes, de type Front Tracking, sont les plus naturelles. Elles per- mettent un accès assez aisé aux propriétés géométriques locales du front de choc (normale, courbure moyenne) intervenant dans le modèle de Whitham, mais elles sont fastidieuses à mettre en œuvre sur des géométries complexes en 2D et plus encore en 3D. On pourra citer le travail de Henshaw et al. [56] concernant la mise au point d’un tel algorithme et son application à la propagation dans des conduits en 2D. Avec un algorithme similaire, Besset [18] s’intéresse à la propagation d’ondes de choc divergentes dans l’atmosphère, ce qui est assez proche de notre objectif.

Les méthodes Eulériennes permettent de masquer cette complexité, notamment lors de l’interaction de fronts, au prix d’une augmentation de la dimension du problème. La méthode de level-set, introduite en 1988 par Osher et Sethian [88], est la plus connue. Elle a été utilisée dans de nombreux domaines scientifiques, ce qui a permis d’améliorer sa précision et d’accélérer les calculs. On pourra consulter [87] et [114] pour plus de détails. L’approche Eulérienne a également été utilisée par Aslam et al. pour résoudre aussi bien le modèle de Whitham [6] que le modèle donné par la théorie DSD [7]. Ces auteurs utilisent la méthode de level-set pour capturer la position du choc, couplée à l’équation de transport donnant le nombre de Mach du front. Dans la lignée de ce travail, Yoo et Stewart [146] utilisent le même couplage mais avec une méthode accélérée et traitant des géométries 3D complexes. Il convient aussi de mentionner les travaux adoptant un autre point de vue, où le modèle de Whitham est écrit sous la forme d’un système hyperbolique stationnaire. Ce système a d’abord été résolu par des méthodes de différences finies [24, 108], puis par des schémas de type Godunov [109]. À titre d’exemple, Schwendeman [110] étudie le cas de chocs 3D convergents. Citons également le

CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

travail de Noumir et al. [85] où une extension de l’approche Fast-Marching [114] au modèle GSD est proposée afin d’accélérer la résolution du problème, sans satisfaire toutefois la condition de conservativité. Cette erreur conduit à une sous-estimation de la position des points triples, comme présenté en figure 1.22.

Figure 1.22 – À gauche, simulation numérique de la diffraction d’un choc plan à nombre de Mach 2.81 sur un cylindre avec la méthode Fast-Marching de Noumir et al. [85] : cartes du nombre de Mach M et positions successives du front. À droite, comparaison des lieux du point triple avec les résultats expérimentaux de Bryson [144] et la méthode level-set d’Aslam [7].

Modèle Cinématique

Une approche alternative au modèle de Whitham, dite Cinématique, a été proposée par Wright [145] en 1975. Elle consiste à assimiler l’onde de choc à une surface singulière. Ce point de vue mathématique permet de définir des relations de compatibilité au niveau du front, et de donner une description intrinsèque au mouvement de la surface. Le modèle a été étudié en détail pour un gaz parfait par Sharma & Radha en 1994 [116], et étendu au cas des gaz réels par Pandey & Sharma en 2009 [92]. L’analyse de ce modèle se limite toutefois à des considérations essentiellement théoriques. Quelques cas numériques ont été traités en symétrie radiale [116, 115, 5, 116, 92], pour le problème du piston en choc faible [96], et en deux dimensions d’espace pour un choc faible expansif [63, 10, 96]. Signalons également qu’en 1988, Srinivasan et Prasad [97] ont développé une description cinématique d’une onde de choc en utilisant la théorie des fonctions généralisées de Maslov [80]. Cette approche, plus complexe, s’avère en réalité équivalente à l’approche de Sharma & Radha [116].

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