• Aucun résultat trouvé

3.2 Performance de la version originale américaine

3.2.7 Modèles d’émergence

Les questionnaires du type de l'HSOPSC sont fondés sur une hypothèse forte : il est possible d'agréger les résultats des enquêtes par questionnaire au niveau d'une équipe de soins, d'une unité ou d'un établissement de santé. La bonne unité de mesure du climat de sécurité est celle où l’on considère que les perceptions des professionnels sur les éléments mesurés devraient être homogènes, similaires. Elle est aussi celle où les interventions sont implémentées et évaluées. Outre ces éléments de choix propres aux objectifs de l’enquête, des aspects théoriques et statistiques doivent être pris en compte.

Les questionnaires permettent de mesurer les perceptions des professionnels sur des valeurs qui, pour Savoie et Brunet, « peuvent être personnelles, professionnelles, organisationnelles, nationales, sociétales (...). Le fait que ces valeurs soient présentes dans l’organisation ne signifie pas pour autant qu’elles soient organisationnelles (…), qu’elles émergent de la spécificité de cette organisation et qu'elles la caractérisent de manière singulière. »(16) Ainsi, pour ces auteurs, il n'est pas dit que l'importance de la sécurité mesurée à l'échelle individuelle reflète une importance édictée à l'échelle de l’unité de soins ou de l'établissement. Cette question fait l'objet d'un débat focalisé autour de deux théories dites « d'émergence » du climat. Le choix du processus d'émergence est important car il a des implications en termes d'analyse des scores.

Les deux modèles d’émergence de la culture de sécurité sont les suivants : le « direct consensus model - composition model » (où le climat de sécurité est conceptualisé comme une

perception partagée et homogène de la sécurité au sein de l'unité) et le « dispersion model compilation model » (où le climat de sécurité est conceptualisé comme issu d'une

combinaison complexe de diverses contributions individuelles).(69,70) Les deux processus d'émergence peuvent exister à des moments différents dans la même organisation.

Composition model

Le phénomène est le même quel que soit le niveau : tous les individus perçoivent la sécurité d’après les mêmes dimensions et le climat est partagé. Il s'agit d'un phénomène collectif qui émerge des propriétés partagées par le groupe.

En effet, les individus sont exposés à des contraintes contextuelles homogènes, des facteurs organisationnels communs (des politiques, des procédures, des pratiques). Ils développent des interprétations individuelles ou climat psychologique. Les processus d’attraction, de sélection et d’attrition ont tendance à réduire la variation du climat psychologique. Les interprétations sont filtrées et modelées par les leaders. Les individus interagissent et construisent une interprétation commune.(15)

L'utilisation de ce modèle implique de vérifier l'homogénéité des perceptions individuelles avant de les agréger à un niveau supérieur (l’unité de soins en général). Habituellement, trois coefficients sont utilisés :(15,71)

Le coefficient de corrélation intraclasse CCI(1,1) ou de type 1

Calculé pour chaque dimension, ce coefficient s’interprète de deux façons : il correspond à la corrélation entre deux mesures associées à des individus appartenant à un même groupe (quels que soient les individus et quel que soit le groupe) ou il correspond à la part de la variabilité totale qui est due à la variabilité inter-groupes.

Un coefficient nul indique qu’il y a indépendance entre les patients d’un même groupe.

Plus le coefficient est élevé et tend vers 1, plus les patients d’un même groupe sont semblables, la variance totale est dans ce cas extrême principalement due à la variabilité inter-

On obtient un coefficient par dimension sur l’ensemble de l’échantillon.

Un coefficient > 0,05 ou 5 % indique un effet du groupe sur les réponses des individus suffisant pour justifier l’agrégation à ce niveau.(70)

Le CCI(1,k) ou de type 2

Il représente une mesure de la fiabilité des moyennes des réponses individuelles aux items d’une dimension calculées au niveau du groupe (de taille moyenne k). Il varie de 0 à +1.

On obtient un coefficient par dimension sur l’ensemble de l’échantillon.

Un coefficient > 0,70 est nécessaire pour considérer la moyenne suffisamment fiable pour être calculée au niveau du groupe.

Le coefficient Rwg(j)

Il vérifie l’homogénéité intra-groupe de chaque dimension. Il permet de comparer la variance intra-groupe observée à une variance attendue.

On obtient un Rwg par dimension et par groupe.

Lorsque les coefficients sont élevés (>0,70), l’homogénéité des réponses des professionnels appartenant au même groupe est suffisante pour justifier l’agrégation à ce niveau.(70)

Au total, le fait d’appartenir à une unité de soins donnée peut influencer les réponses des individus lesquels répondent de façon similaire. L’unité de soins explique alors pour partie les différences de réponses entre les individus de l’échantillon. Le calcul des CCI permet de vérifier si cet effet de l’unité de soins existe et à quel degré. Cependant, malgré le constat d’un effet global, il peut y avoir des divergences entre les individus d’une même unité de soins. Ceci est évalué par le calcul du coefficient Rwg.

Compilation model

Le phénomène, même s’il comprend toujours des éléments communs, se transforme quand on change de niveau. Exemple de la performance d’équipe et individuelle où la première n’est pas la somme de la deuxième. Il n'y a pas d’hypothèse de convergence. Les contributions individuelles à l’émergence de la dimension au niveau de l’unité diffèrent. La dimension construite reflète donc une variabilité individuelle, une tendance.(15)

Dans ce modèle, il n'y a pas d’évaluation de la convergence des réponses (sauf pour exclure une telle convergence) ; pas d’utilisation de la moyenne ou alors combinée à un indicateur de dispersion par exemple ; les méthodes de calcul des scores sont variées et incluent l'utilisation de proportion.(15)

Pour conclure, la théorie d'émergence de type « composition model » est celle utilisée pour l'étude du climat de sécurité qui correspond, par définition, aux perceptions partagées par les professionnels en matière de sécurité. Peu d'études vérifient les conditions nécessaires à l'agrégation des données au niveau des unités ou des hôpitaux.(70) Une difficulté est la

complexité de calcul et d'interprétation des indicateurs. Une autre difficulté est la vérification

a posteriori des conditions de l'agrégation.

S'appuyant sur ces deux modèles, Ginsburg nous suggère de caractériser le climat de sécurité du groupe étudié à la fois en matière de niveau (au travers des scores des dimensions) et de force (par la variabilité inter-groupes mesurée par le CCI et le degré d’accord des professionnels au sein du groupe mesuré par le Rwg(j), ou plus simplement par les écart-types des moyennes).(70) Cet auteur nous propose de prêter plus attention à la force du climat de sécurité, peu étudiée jusqu'à présent.