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Le modèle de prévision du MTQ

Dans le document Nouveau modèle urbain (Page 107-111)

2. Deuxième chapitre

2.3 Pratiques actuelles du MTQ

2.3.1 Le modèle de prévision du MTQ

Il faut d’abord reconnaitre que le modèle actuel de prévision est le fruit de quelques dizaines d’années de travail, qu’il a été testé et calibré, et produit des prévisions fidèles aux données historiques observées. Le fait que le système en place soit opérationnel ne devrait pas être sous-estimé. Le but de cette section est d’évaluer comment le système actuel répond aux nouvelles orientations exprimées par le Ministère des Transports du Québec et de le comparer avec les caractéristiques d’un modèle sans compromis. C’est-à-dire, un modèle fondé sur des bases comportementales explicites et qui tient compte explicitement des liens entre le système de transport et l’occupation du sol.

Dans un certain sens, le modèle actuel, basé sur les projections de tendances observées dans des données historiques de recensement, prend en compte l’évolution de comportements agrégés de la population et des emplois – des comportements qui sont affectés par le système de transport. Toutefois, ces changements comportementaux et l’influence du système de transport capturés par le modèle, sont observés de manière agrégée et ne le sont qu’après avoir eu lieu.

Le prolongement de la ligne orange à Laval en 2007 est un bon moyen d’illustrer ce fait. En théorie, l’arrivée de nouvelle station de métro dans ce secteur augmenterait l’accessibilité au transport en commun de la population avoisinante. L’augmentation d’accessibilité augmenterait l’attraction de cette zone, et donc, influencerait la localisation des ménages et possiblement, des emplois dans la région. Dans le modèle actuel, l’accélération de la croissance démographique induite par le prolongement de la ligne de métro ne serait capturée que lorsque les données du recensement de 2011 deviennent disponibles.

Un modèle sans compromis fonctionnerait selon une perspective comportementale désagrégée qui capturerait de manière explicite l’effet du système de transport sur les décisions de localisation des ménages et des firmes. Cette approche permettrait d’inférer sur les changements comportementaux induits par des modifications au système de transport avant que les données de recensement soient disponibles. Ainsi, le modèle serait plus sensible aux changements du système de transport, ce qui pourrait améliorer les projections démographiques et d’emplois. Le reste de cette section explique comment un modèle sans compromis procéderait dans une telle situation en comparaison du système actuel.

Dans le modèle sans compromis, la génération de la demande résulte de processus comportementaux. L’objectif et le défi d’un tel modèle est de comprendre les processus comportementaux sous-jacents à la génération de la demande. Les processus

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comportementaux sont donc réputés stables, mais le comportement des individus change selon les circonstances : lorsque les individus vieillissent, lorsque de nouvelles infrastructures sont construites, etc. Contrairement au système actuel du MTQ, le poids d’un individu reste constant (en tant qu’individu), mais son comportement peut changer.

Contrairement au système de modélisation actuel, fondé sur l’observation des déplacements individuels (associés à un ménage) pondérés par un facteur d’expansion, un modèle sans compromis reposerait sur les déplacements générés par les comportements modélisés des agents individuels.

La mise en œuvre typique d’un tel système requerrait deux composantes : un système fondé sur les activités, centré sur les ménages et les individus, et un système de localisation des ménages et des entreprises. Ces deux systèmes exigeraient que chaque ménage, individu, entreprise, et emploi soit explicitement représenté.

En raison de contraintes relatives à la disponibilité des données concernant les ménages ainsi qu’à la confidentialité de ces données, on génère typiquement une population « synthétique » à partir de données du recensement anonymisées.4 De cette manière, chaque ménage et individu peut être représenté. Bien que les agents ne représentent pas nécessairement des ménages ou individus réels, ils possèdent les caractéristiques générales de la population réelle (en termes de revenus, de localisation, etc.). Ainsi, on peut considérer que cette population synthétique représente la population réelle.

Les informations requises sur les entreprises et les emplois (localisation et classification des industries) pour ce type de modèle peuvent être obtenues à l’aide de bases de données de fournisseurs telles qu’Infogroup Canada, Dun & Bradstreet ou le Registre d’entreprise maintenu par Emplois-Québec. Un système classique serait centré sur la demande de transport privée (et non sur la demande commerciale5), et nécessiterait donc comme données fondamentales de connaître la localisation des ménages, des entreprises et des institutions.

Les modèles comportementaux (de choix discret) des activités des ménages et des individus permettraient de générer des activités et des chaînes de déplacements, puis d’attribuer un mode de transport à chaque déplacement individuel. Ces déplacements seraient influencés par les caractéristiques du réseau de transport (par exemple, la durée des trajets) et l’accessibilité des ressources, telles que les personnes et les emplois. Ceci permettrait d’obtenir une demande de transport (origines et destinations) par mode. Les différents sous-modèles seraient calibrés et validés à l’aide de données issues d’enquêtes telles que l’enquête O-D, le recensement, etc.

Par ailleurs, la demande de transport future serait influencée par l’évolution de la distribution des ménages et des entreprises (utilisation du sol), ainsi que par les caractéristiques du système de transport. La distribution future des ménages et des entreprises serait calculée par le système de localisation des ménages et des entreprises. Ce système répartirait spatialement

4 Dans le cas de Montréal, cette démarche pourrait évidemment être adaptée en créant une population synthétique à partir de l’enquête O-D et du recensement.

5 Comme expliqué dans la partie 1, les modèles commerciaux centrés sur les activités restent très expérimentaux.

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les nouveaux ménages et les nouveaux emplois, ainsi que ceux ayant changé de localisation, à l’aide de modèles comportementaux (de choix discret). Les facteurs déterminant la relocalisation des ménages et des entreprises seraient les caractéristiques des ménages et des entreprises, les caractéristiques des lieux (par exemple, les coûts d’accessibilité), les limites de disponibilité et de prix. Les comportements de mobilité futurs, et donc la demande de transport, seraient influencés par ces nouveaux facteurs.

Partant de cette brève description des principaux éléments constitutifs d’un modèle sans compromis, on peut y comparer le système de modélisation actuel du MTQ pour établir quels seraient les avantages et inconvénients de l’un par rapport à l’autre.

La documentation fournie par le MTQ identifie des limitations perçues au “Modèle de prévision”

présentement utilisé. Ces limitations concernent principalement deux sous-modèles, ou plutôt, hypothèses du Modèle de prévision, ceux concernant la croissance démographique et la distribution des emplois.

La première limitation identifiée par rapport à la croissance démographique est liée aux contraintes d’aménagement. En effet, elles sont uniquement tenues en comptes lorsque les besoins en logement des ménages sont supérieurs aux capacités d’accueils de certaines unités géographiques.

Habituellement, dans un modèle sans compromis, les enjeux liés à la croissance démographique seraient capturés par les modèles de localisation des ménages et des emplois/firmes. Contrairement à l’approche actuelle du MTQ, les projections démographiques se concentreraient sur la région en tant qu’ensemble, et non pas sur des sous-régions. Ainsi, le modèle de localisation des ménages distribuerait les ménages à l’intérieur de la région à des lots ou parcelles précis. Aussi, la distribution des ménages prendrait en tout temps et explicitement en compte les contraintes liées à la disponibilité des résidences en offrant comme localisation potentielle, uniquement les résidences disponibles. Donc, ces contraintes sont toujours prises en compte par défaut.

La seconde limite concernant la croissance démographique est que l’approche actuelle permet de formuler des prévisions concernant la population, mais pas les ménages. Dans un modèle sans compromis, l’unité d’analyse de la population est le ménage. La constitution du ménage (nombre d’individus, de véhicules, la localisation et caractéristique du domicile, le revenu) permet de prévoir son comportement et son évolution dans le temps. Les individus, et donc, la population, sont également pris en compte dans ce type de modèle, mais comme composante du ménage. Néanmoins, ceci exige de projeter le nombre et les caractéristiques des ménages.

Ainsi, un modèle sans compromis serait donc sujet aux mêmes limites que le cadre de modélisation actuel du MTQ.

La troisième limite concernant la croissance démographique est que l’indice de similarité et le facteur d’attractivité des zones sont construits de façon ad hoc. Dans un modèle sans compromis, les ménages seraient spatialement distribués en fonction de modèles de choix discret. Les modèles de choix discret reposent sur l’idée que les différents lieux offrent des utilités différentes aux ménages. Ces derniers sont plus susceptibles d’être assignés aux lieux

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ayant une utilité élevée. L’utilité peut être perçue comme un indice, mais cet indice est obtenu au moyen d’une estimation statistique, et est basé sur des fondements mathématiques formels.

Une amélioration dans les mesures d’accessibilité et de mobilité, par l’instauration d’une nouvelle station de métro par exemple, modifierait l’utilité d’une zone et donc, son attractivité.

Un modèle sans compromis intégrerait ces changements de manière explicite et prévoirait leurs impacts avant qu’ils commencent à être perçus dans des enquêtes.

L’autre sous-modèle du modèle de prévision pour lequel des limites ont été identifiées concerne la distribution des emplois. Les emplois sont distribués différemment en fonction du type d’emploi, « industriel » ou de proximité. Les emplois de type industriels sont localisés en fonction du modèle « shift-share » présenté précédemment, tandis que les emplois de proximité sont distribués en fonction de la population présente dans une zone donnée et les caractéristiques de cette zone. Un modèle sans compromis devrait permettre de s’affranchir de cette limite, car, comme pour les ménages, la distribution des emplois serait déterminée par le biais de modèles de choix discret. Ainsi, tel que présenté dans la section « Modèles de localisation des entreprises et des ménages » de l’étape 1, de nombreux facteurs devraient normalement être pris en considération dans le processus de distribution spatiale des emplois : accessibilité des autres emplois du même secteur d’activité, accessibilité des emplois dans les autres secteurs d’activité, accessibilité aux ménages, prix du foncier, proximité des infrastructures de transport, etc.

La seconde limite concernant la distribution des emplois est que les modèles de prévision démographique et le modèle de distribution des emplois ne sont intégrés que partiellement par le biais de la distribution des emplois de proximité basée sur la prévision démographique. Un modèle sans compromis améliorerait cette estimation en localisant ce type d’emploi à l’aide d’un modèle de choix discret. De plus, dans les modèles distribuant les ménages vers les lieux, l’accessibilité aux emplois (par exemple, dans le secteur de la vente au détail) est généralement intégrée aux variables du modèle. De même, les modèles de distribution spatiale des entreprises/emplois intègrent généralement des mesures d’accessibilité aux ménages. De ce fait, ces deux modèles peuvent être considérés comme étant des modèles intégrés.

La troisième limite concernant la distribution des emplois est que le modèle de prévision fondé sur les facteurs d’expansion limite la prise en compte des prévisions d’emploi et dépend fortement de l’enquête O-D. En d’autres termes, l’influence des emplois sur le choix des destinations futures est limitée, car elle s’exerce uniquement en modifiant le poids relatif des déplacements vers les emplois à différentes destinations. Comme expliqué plus haut, dans un modèle sans compromis, le comportement futur des individus devrait évoluer et être en partie influencé par la localisation future des emplois. Ainsi, les comportements ne seraient pas fixés et seraient moins dépendants des comportements associés aux déplacements observés dans l’enquête O-D. Toutefois, tel que mentionné précédemment, il resterait probablement fondé sur cette dernière dans la création d’une population synthétique.

En résumé, le modèle sans compromis serait basé sur les comportements individuels et prendrait explicitement en compte l’interaction entre le système de transport et la distribution des ménages et des firmes puisque leurs localisations seraient déterminées par des modèles

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de choix discret qui incorporent les variables explicatives du système de transport. Ainsi, le modèle serait plus sensible aux changements du système de transport, ce qui pourrait améliorer les projections démographiques et d’emplois.

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