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1. INTRODUCTION

1.4. Intérêt des modèles animaux pour étudier les voies physiopathologiques de la DI

1.4.3. Modèle du poisson zèbre

1.4.3.1. Développement de l’espèce et comparaison avec le génome humain

Le poisson zèbre (zebrafish ou Danio rerio) est un modèle très utilisé pour étudier le développement des vertébrés grâce au potentiel de screening relativement facile permettant un débit élevé d’études de la fonction des gènes ce qui a permis d’identifier des centaines de gènes impliqués dans l’embryogenèse 266. Cette facilité d’utilisation est expliquée par la grande quantité d’œufs produits par fertilisation externe (ce qui permet la manipulation des gamètes avant fécondation) qui se

65 retrouvent dans le milieu extérieur sans gestation interne avec une transparence des embryons et des animaux à l’état larvaire permettant l’observation du développement notamment le système nerveux central au microscope, et par des étapes du développement rapides (48-72 heures pour l’embryon, 4 à 12 semaines pour la larve selon les conditions environnementales) et des comportements faciles à étudier. Son nom tient à ses stries provenant de la pigmentation par des cellules dérivées de la crête neurale.

Bien que la divergence d’espèces avec les autres vertébrés soit lointaine (environ 250 millions d’années), le développement du système nerveux central est similaire avec des structures anatomiques équivalentes, les mêmes profils d’expression géniques et une conservation des systèmes de neurotransmission (GABA, glutamate, dopamine, noradrénaline, sérotonine, histamine et acétylcholine) permettant d’envisager des essais pharmacologiques 267–270. Les circuits neuronaux sous-tendant les comportements basiques (réflexe auditif, phénomène d’inhibition à la double stimulation, sommeil, éveil) sont aussi conservés 271 et permettent d’envisager des études phénotypiques comportementales similaires à la souris.

La duplication du génome spécifique ayant conduit à la divergence d’espèces vers ce groupe d’animaux nommés téléostes a néanmoins été à l’origine d’une augmentation de la taille des synapses et de leur composition protéique 272 ; bien que la synapse soit moins complexe que chez le mammifère, sa structure est bien conservée.

Le séquençage complet du génome du poisson zèbre a été publié en 2013. Il a une taille d’environ 1,4 milliards de paires de bases et contient plus de 26000 gènes codant, soit le nombre le plus important chez les vertébrés séquencés jusque-là. Environ 70% des gènes humains ont au moins un orthologue chez le poisson zèbre 273 et il existe de nombreuses régions de synténie 274. De nombreuses régions du génome du poisson zèbre sont dupliquées, dû à des évènements de duplication segmentaire survenus au cours de l’évolution de l’espèce 275 mais 45 à 50% des gènes humains sont aussi présents en une copie (sans duplication) chez le poisson zèbre 273.

Les duplications conduisent à l’apparition de gènes paralogues ce qui permet une redondance de fonction mais chaque gène peut ensuite évoluer avec des événements mutationnels dans les séquences codantes et régulatrices pouvant tantôt entraîner une dépendance entre les 2 gènes pour assurer la fonction initiale et parfois conduire à des spécifications temporo-spatiales de chaque gène ou à l’apparition de nouvelles fonctions 276.

Ces éléments expliquent la nécessité de bien comparer le génome humain et du poisson zèbre pour créer ce type de modèle animal, nécessitant fréquemment de cibler plusieurs gènes paralogues pour obtenir un modèle de maladie humaine.

66 1.4.3.2. Moyens utilisables pour manipuler le génome du poisson zèbre

Alors que les souris KO ont pu rapidement être générées à partir de cellules souches embryonnaires, les méthodes étaient plus difficiles à mettre en œuvre jusqu’à récemment :

- une des techniques consistait à induire des mutations au hasard dans le génome par l'agent chimique N-ethyl N-nitrosourée (ENU) (technique de TILLING pour Targeted Induced Local Lesions in Genomes) ce qui nécessitait d’étudier un nombre important d’animaux pour identifier ceux porteurs de mutation au niveau de la région à étudier et du gène d’intérêt, technique chronophage et incertaine 277, d’autant plus du fait de la redondance d’un grand nombre de gènes. - le développement des technologies de ciblage grâce aux nucléases (zinc finger nucleases et transcription activator-like effector nucleases ou TALEN) a transformé les possibilités de développement de modèles animaux avec un gain d’efficacité conséquent 278,279.

- le système CRISPR-Cas9 a supplanté la méthode précédente par sa flexibilité et son efficacité supérieures, et de nombreuses méthodologies ont été proposées pour optimiser l’efficacité de l’édition du génome du poisson zèbre 280,281

- cependant, un des outils les plus utilisés pour inactiver des gènes chez le poisson zèbre est le morpholino qui correspond à des séquences d’environ 25 bases avec pour but que la complémentarité avec la séquence d’un ARN cible inhibe la production protéique soit en bloquant la maturation de l’ARN au niveau des sites d’épissage soit en bloquant le site d’initiation de la traduction. Ces morpholinos ont un coût très réduit et sont faciles à utiliser. Ils sont injectés dans l’embryon à un stade très précoce et vont se répartir dans les cellules. Les inconvénients sont l’effet transitoire qui empêche d’étudier l’inactivation d’un gène au-delà d’un certain stade de développement et les cibles non désirées (par exemple certains ciblent p53 ce qui entraîne une apoptose des cellules. Les recommandations d’utilisation incluent l’utilisation de 2 morpholinos ciblant différents sites et la démonstration de la possibilité de restaurer le phénotype 282, auquel s’ajoute la nécessité de confirmer le phénotype par mutation au sein du génome ce qui est facilité depuis l’essor de la technologie CRISPR-Cas9 283. Le défaut de production protéique a des conséquences phénotypiques dans les jours qui suivent.

1.4.3.3. Applications à la modélisation de la DI

La diminution d’expression (KD / knock-down) par 2 morpholinos ciblant les gènes shank3a et

syngap1 dont les mutations perte de fonction sont responsables de DI modérée à sévère avec des

troubles autistiques fréquents, a permis d’identifier une diminution d’activité des neurones GABA dans le mésencéphale et glutamatergiques dans le rhombencéphale, avec des anomalies dans la démarcation de ces 2 structures, dans la taille des ventricules et une microcéphalie 284.

Plusieurs études ont exploré des phénotypes comportementaux, comme celui associé à la perte de fonction du gène mecp2 : les larves avaient une activité motrice réduite, une préférence pour se

67 placer en périphérie de l’espace de mobilité et une diminution du temps de réaction pour s’enfuir au toucher, indiquant que le gène a un rôle dans le comportement précoce dès le stade larvaire 285.

Certains modèles sont évolutifs comme lorsque l’orthologue de DYRK1A est invalidé : le développement est normal dans les stades embryonnaires et larvaires puis il existe une évolution vers une microcéphalie et des troubles du comportement par augmentation de l’apoptose

L’annexe 2 indique plusieurs exemples de modèles de poisson zèbre étudiés dans le cadre de la DI.

Une autre approche pour tester le rôle de nouveaux gènes identifiés en pathologie humaine ou l’implication de variations rares est la surexpression dans les embryons. Par exemple, la surexpression du gène sauvage pk1a (prickle1) a un effet plus délétère que l’ajout d’ARNm porteur d’une mutation

PK1A identifiée chez un patient présentant une épilepsie myoclonique progressive, mais cela suggère

néanmoins que l’introduction de la mutation altère la fonction in vivo du gène 286.