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PARTIE I Théories et Clinique autour de la Névrose Traumatique et de l’Etat de Stress

1 Modèles théoriques

1.3 De la Névrose Traumatique à l’Etat de Stress Post-Traumatique

1.3.2 Modèle phénoménologique

Après les premières théories psychologiques, en particulier grâce à des médecins psychiatres militaires français qui se référaient à Freud ou à Lacan, un modèle phénoménologique du trauma s’est développé. La phénoménologie consiste en « l’étude des phénomènes tels qu’ils

se présentent à la conscience ». D’après ces théories, l’événement traumatique ne pourrait

trouver son sens qu’en fonction d’un contexte préalable. Il serait alors à l’origine d’une reconfiguration complète de ce même contexte. Il génèrerait ainsi un anéantissement des assises interprétatives du sujet ou encore un effondrement du monde, comme possibilités à partir desquelles s’élabore un sens. C’est autour de la rencontre avec « le réel de la mort » et du « non sens du trauma » qu’une nouvelle élaboration de la névrose traumatique est née telle que nous allons la décrire dans les paragraphes suivants.

1.3.2.1 Claude Barrois

Selon Claude Barrois (1988), les névroses traumatiques sont la résultante non pas d’un événement mais d’un « accident vécu comme brutal et soudain », une « catastrophe intime,

singulière » qui conduit l’homme dans le tragique.

Le facteur traumatisant apparaît comme un « dévoilement, une révélation » pour le sujet. La

scène traumatisante contient une donnée constante, qui est la rencontre de la personne avec

le réel de la mort mais elle présente aussi « quelque chose de l’apparition ». Le sujet entend alors « l’oracle de son destin » et connaît l’effroi, « la mort de soi comme vérité ultime ».

« L’affect d’effroi, avec l’attaque et le dévoilement, la révélation, sont l’annonce faite au sujet qu’il n’est finalement rien » (Barrois, 1988).

L’accident, loin d’être oublié, sera à l’origine du syndrome de répétition.

« Il constitue par excellence l’éternel revenant dans le syndrome de répétition ».

Les symptômes de la névrose traumatique tenteront d'arrêter ce processus mortifère ou de graver la scène traumatisante.

1.3.2.2

Louis Crocq

Louis Crocq (1999) dès 1965 prône une vision phénoménologique du trauma, reposant sur trois éléments : « l’aliénation traumatique », « le bouleversement de la temporalité », et «le

non sens impliqué par le trauma ». Il envisage la névrose traumatique non pas comme la

un bouleversement de la temporalité, marquée du sceau de l’omniprésence du trauma horrifiant ».

La névrose traumatique se caractérise par l’aliénation traumatique ou encore le changement de personnalité « un être nouveau est en eux, un être en qui ils ne se reconnaissent pas ». Elle apparaît dans ce sens, selon Crocq comme l’ « expression inauthentique d’une

personnalité bouleversée dont la mémoire est parcellaire et mal informée ». Ceci explique

les vécus de dépersonnalisation que peuvent exprimer les personnes. Cette expérience

« infiltre le présent », « obstrue l’avenir », « réorganise le passé qui s’est arrêté à l’expérience du trauma », elle est ainsi à l’origine d’un bouleversement de la temporalité, « chez le traumatisé, l’écoulement harmonieux du temps s’est arrêté ». Crocq réinterroge la

question du « sens et du non sens » du trauma. Pour lui, il s’agit d’une expérience de non

sens avec un ébranlement des trois convictions narcissiques du sujet : « invulnérabilité ; environnement protecteur ; autrui secourable ».

Cette épreuve constitue pour le sujet un « bouleversement profond de l’être, dans ses

rapports avec le monde, et avec lui-même ».

1.3.2.3 François Lebigot

Pour François Lebigot (2001), la clinique du traumatisme est une clinique d’ « une rencontre

non manquée avec le réel de la mort ».

Selon lui, nous vivons comme si nous étions immortels, et lors de l’effraction traumatique, il n’y a rien pour recevoir l’image de la mort « la mort ne figure pas dans l’inconscient, et

d’ailleurs, par quoi pourrait être représenté le néant ? ». Cette effraction traumatique génère

l’expérience d’effroi qui est capitale. Lebigot décrit l’effroi comme « ces soldats qui n’ont

pas eu le temps d’avoir peur ». L’effroi serait une expérience d’absence de mot, d’émotion

et de support pour la pensée. A l’effraction traumatique peut être ajoutée une effraction de perceptions des organes des sens. L’instant traumatique est caractérisé par sa soudaineté et sa brièveté. Lebigot souligne certaines exceptions, notamment les agressions sexuelles. L’image traumatique de mort s’inscrit dans le psychisme de l’individu et celle-ci

« réapparaîtra telle qu’elle est au temps présent ». Cette image de mort générera angoisse et

dépression. Par la suite se produit une « transformation » du sujet (sentiment d’abandon, troubles du caractère). Enfin, la culpabilité apparaît omniprésente, renforcée par le syndrome de répétition « le traumatisme équivaut à une plongée dans l’originaire, c’est-à-dire à une

transgression ... chaque réapparition de la scène sera connotée de culpabilité ».

Malgré les différences existantes entre les théories phénoménologiques que nous venons d’exposer, et les théories psychologiques de Freud Janet et Ferenczi, il nous semble qu’elles présentent certaines similarités. C’est le cas du modèle économique de l’appareil psychique décrit par Freud que nous retrouvons dans la théorie de François Lebigot (2001), ou encore

de l’expérience d‘incompréhension des enfants, que l’on pourrait étendre en expérience de

« non sens », décrite par Ferenczi.

Toutefois, nous devons à l’école française de psychiatrie, issue de la psychiatrie militaire, la description d’une entité nosographique qui est venu remplacer celle de la névrose traumatique, aux contours encore flous. Cette entité repose sur une psychopathologie psychodynamique centrée sur le sujet.

1.3.3 De la Conception française de la Névrose Traumatique à l’Etat de Stress