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PARTIE I Théories et Clinique autour de la Névrose Traumatique et de l’Etat de Stress

1 Modèles théoriques

1.5 Modèle neurocognitif de l’ESPT

1.5.1 Les circuits neuroanatomiques de la peur et du stress

Ce sont les modèles animaux traitant du circuit de la peur chez l’animal, qui ont permis de faire les premières hypothèses sur les structures cérébrales impliquées chez l’homme dans les troubles anxieux.

Les troubles anxieux, dont l’ESPT, sont caractérisés par une peur excessive réactionnelle à certains stimuli, associée à des conduites d’évitement (critères B et C DSM-IV-TR) et cela, en absence de véritable danger. Des recherches récentes en neuroimagerie ont permis de mettre en évidence les circuits neuroanatomiques possiblement impliqués dans la peur. Nous

nous référerons, pour traiter cette partie, à une revue réalisée par Shin et al. «The

neurocircuitry of fear, stress, and anxiety disorders» (2010).

1.5.1.1 Structures anatomiques

Papez (1937) a démontré l’importance du système limbique dans les comportements émotionnels, les apprentissages et la mémoire.

Les composantes anatomiques de la peur, dans les modélisations chez l’animal, comprendraient l’amygdale, le noyau accumbens, l’hippocampe, l'hypothalamus, le cortex insulaire et le cortex pré-frontal (Davis et al., 2006 ; Maren et al., 2008). Ces différentes régions cérébrales possèderaient chacune un rôle propre dans les mécanismes de traitement de la peur.

D’après ces modélisations, l’amygdale occuperait un rôle central dans les mécanismes de conditionnement de la peur, l’hippocampe quant à lui interviendrait dans le traitement contextuel et les régions infra limbiques seraient impliquées dans le conditionnement d’extinction (Shin et al., 2010).

Schéma n°1 : Structures corticales médiales impliquées dans la régulation émotionnelle d’après un article de Micoulaud-Franchi et al. (2012)

A : Amygdale ; CCAd : cortex cingulaire antérieur dorsal ; CCAr : cortex cingulaire antérieur rostral ; CCAsg : cortex cingulaire antérieur subgenual, CPFDM : cortex préfrontal dorso médial ; CPFVM : cortex préfrontal ventro médial ; CPFOM : cortex préfrontal orbito médial ; CCP : cortex cingulaire postérieur ; CPM : cortex pariétal médial.

1.5.1.2 Le conditionnement de peur chez l’animal et chez l’homme

1.5.1.2.1 Le conditionnement de la peur pavlovien

Le conditionnement de peur d’après Pavlolv (1849-1936) est un apprentissage qui a recours à plusieurs stimuli, comprenant un stimulus neutre (par ex lumière rouge) et un stimulus

aversif (par ex décharge électrique). Si l’on présente un flash rouge à une souris, suivi d’un choc électrique, celle-ci ci va apprendre à avoir peur de la lumière rouge. Si ce conditionnement initial est suffisamment fort, la réaction aversive apparaîtra lors de la présentation d’un stimulus différent, mais qui présente certaines similarités (par exemple un flash bleu).

Le conditionnement d’extinction est le processus qui permet d’apprendre à ne plus avoir peur. Si l’on présente plusieurs fois un flash rouge, non suivi de choc électrique à notre souris ; celle-ci va apprendre à ne plus avoir peur de cette lumière. Lorsque le conditionnement d’extinction est consolidé par la mémoire, la peur disparaît totalement. 1.5.1.2.2 Les deux routes de la peur

Ledoux (2000) a découvert les composantes de l’émotion peur en démontrant le rôle majeur joué par l’amygdale. Le cortex sensoriel possèderait des connections avec l’amygdale, qui serait interconnectée aux régions cérébrales assurant l’expression de l’émotion peur.

Schéma n°2 : L’amygdale et ses connections d’après «Le cerveau à tous les niveaux».

Cortex préfrontal Cortex sensoriel Septum thalamus amygdale h ip p o ca m p e hypothalamus Tronc cérébral Réponse émotionnelle

D’après Ledoux (2000), l’arrivée des signaux à l’amygdale latérale pourrait se faire par deux circuits : un circuit court ou bas thalamus sensoriel-amygdale, et un circuit long ou haut

thalamus sensoriel-cortex sensoriel-amygdale.

La voie courte permettrait de réaliser des réactions de survie, de fuite, de défense et cela dans un délai très court, et au détriment d’informations. Cette voie sous-tendrait les réponses au stress aigu et/ou aux expériences de peur acquises. Elle mettrait en jeu le noyau central de l’amygdale.

La voie longue réaliserait une perception précise du stimulus mais nécessiterait un prolongement dans le temps. Cette voie qui sous-tendrait les stress chroniques/et ou les peurs innées ferait intervenir le noyau du lit de la strie terminale (bed nuleus of the stria : BNTS).

Schéma n°3 : Les deux routes de la peur (Ledoux 2000), d’après «Le cerveau à tous les niveaux». Cortex Sensoriel primaire Cortex Associatif polymodal amygdale hip po ca m pe Contexte Objet Concept Cortex Associatif unimodal Thalamus sensoriel Caractéristiques Stimulus émotionnel Réponse émotionnel Route longue Route courte

1.5.1.2.3 Les études expérimentales chez l’animal et les études chez l’homme

Les études expérimentales sur le conditionnement de peur chez l’animal, ont retrouvé le rôle fondamental joué par l'amygdale dans l’acquisition de celui-ci (LeDoux, 2000).

De même, les études en neuroimagerie chez l’homme sain (Alvarez et al., 2008, Phleps et al., 2004), et dans les expériences de conditionnement de peur, ont souligné l’augmentation de l’activité de l’amygdale, mais aussi d’autres structures telles que les cortex cingulaires antérieurs dorsal et rostral (impliqués dans les comportements émotionnels et la sélection de la réponse motrice), l’hippocampe , et le cortex insulaire (qui intervient dans les émotions, la perception, le contrôle moteur, l’homéostasie, la conscience de soi).

Dans les études chez l’animal, le conditionnement d’extinction impliquerait le cortex préfrontal médian (Quirck et al., 2006).

Les études chez l’homme rapportaient également l’activation du cortex préfrontal médian (interface entre les systèmes cognitifs et émotionnels) lors d’expériences de conditionnement d’extinction (Phleps et al., 2004).

Le conditionnement d’extinction pourrait être médié par la mémoire contextuelle, dépendante de l’hippocampe, tel que le montrent les études expérimentales chez l’animal (Bouton et al., 2006). Dans une étude réalisée chez des sujets sains, (Kalisch et al., 2006), l’activation hippocampique était corrélée à l’activation du cortex préfrontal médian. Cette expérience suggère qu’hippocampe et cortex préfrontal médian pourraient interagir et moduler le conditionnement d’extinction (Shin et al., 2010).

Chez l’homme, d’autres techniques ont été utilisées afin de déterminer les circuits neuroanatomiques de la peur. Ces techniques font appel à l’administration d’agents pharmacologiques chez des sujets sains, ceci étant couplé à la neuroimagerie.

L’administration de cholécystokinine-4 (CCK-4) ou encore de procaïne (Servan-Schreiber et al., 1998), induisait chez l’homme un état de peur et d’anxiété. Plusieurs études (Schunck et al., 2006 Servan-Schreiber et al., 1998) ont retrouvé que leurs administrations étaient corrélées en neuroimagerie à une augmentation de l’activité de l’amygdale, du cortex cingulaire antérieur et du cortex insulaire. Dans l’étude de Servan-Schreiber et al., 1998, l’activation de l’amygdale était corrélée au niveau subjectif d’anxiété. De plus, les sujets n’ayant pas eu d’attaque de panique dans les suites de l’administration, ont présenté une augmentation de l’activité du cortex cingulaire antérieur rostral, en comparaison aux sujets ayant eu une attaque de panique. Cette étude suggère que le cortex cingulaire antérieur pourrait jouer un rôle d’inhibition lors de la réponse à la peur (Shin et al., 2010).

Au cours des dernières années, d’autres méthodes ont utilisé comme stimuli émotionnels des photos de visages exprimant des émotions négatives. Certaines études ont observé chez des sujets sains une augmentation de l’activité de l’amygdale en présence de ces photos (Britton et al., 2006). D’autres études ont également retrouvé une activation des cortex cingulaires antérieurs rostral et dorsal et du cortex insulaire en présence de ces stimuli émotionnels (Sabatini et al., 2009).

Les résultats de ces études vont dans le sens d’une modulation de la réponse à la peur, faisant intervenir l’amygdale, le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire antérieur, (Shin et al., 2010).

En résumé :

Les études sur le conditionnement de peur chez l’homme sain ont mis en évidence une augmentation de l’activité amygdalienne, mais aussi du cortex cingulaire antérieur, et du cortex préfrontal médian en présence de stimuli émotionnels évocateurs de menace ou de peur.

L’hypothèse principale serait l’existence, chez les sujets avec ESPT, d’une hyperactivité amygdalienne résultant d’un défaut d’inhibition par le cortex préfrontal rendu hypoactif (Shin et al., 2010, Bremner et al., 2008). L’hippocampe, lui, serait à l’origine d’une altération de la mémorisation contextuelle. Nous allons maintenant développer les résultats des études en neuroimagerie réalisées chez les sujets avec ESPT, en comparaison à des sujets témoins.