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Modèle mixte

Dans le document Analyse et mesure du risque systémique (Page 45-47)

I.5. FORMALISATION DE LA CONTAGION F

I.5.3 Modèle mixte

Certains auteurs développent une stratégie que nous qualifions de mixte. L’ap- proche est globalement structurelle car l’accent est porté sur la modélisation de la valeur des actifs (et non directement sur les indicatrices de défaut), mais la modéli- sation de la contagion reste sommaire. Il s’agit d’un terme additionnel, sans détails sur les mécanismes sous-jacents au phénomène de contagion, qui rappelle immédia- tement une approche sous forme réduite. Ainsi en s’inspirant des modélisations sous forme réduite [par exemple, Jarrow and Yu (2001), Davis and Lo (2001a), Davis and Lo (2001b)], Rosch and Winterfeldt (2008) proposent de définir explicitement deux types d’institutions : celles qui peuvent contaminer (institutions infectieuses) et celles qui peuvent être contaminées (institutions exposées). La valeur des actifs des institutions infectieuses est donnée par le modèle standard composé de facteurs communs et des facteurs individuels, via l’équation (I.2). La dynamique des actifs des institutions pouvant être contaminées fait alors intervenir un terme systématique, un terme individuel et un terme de contagion. Le terme de contagion est simplement une pénalité (m) sur l’actif par banque infectieuse en défaut. Si le système comporte deux institutions dont la première est infectieuse et la seconde exposée, les actifs s’écrivent (voir la figure I.7 pour une schématisation des causalités) :

(

A1 = β1F + ε1,

A2 = β2F + ε2− m1A1<L∗1.

La population infectieuse est disjointe de la population contaminée. Par rap- port au modèle de Davis and Lo (2001a), l’enrichissement est notable. Outre la démarche globalement structurelle, le côté qualitatif de la contamination à la Davis and Lo (2001a) devient quantitatif via le paramètre de pénalité m. Deuxièmement, la population devient hétérogène. C’est le premier modèle de la littérature où sont clairement identifiés un terme individuel, un terme systématique et un terme de contagion. Si la dichotomie de la population est jugée acceptable, ce modèle est un bon candidat pour fournir un cadre d’analyse et de mesure du risque de contagion. La structure de contagion est cependant trop pauvre pour correspondre aux in-

terconnexions entre institutions financières15 : idéalement, toute institution peut

engendrer des pertes, plus ou moins grandes, pour toute autre institution. De plus, la contagion doit pouvoir se propager en plusieurs étapes.

L’article de Egloff et al. (2007) [voir aussi Giesecke and Weber (2006)] propose une réponse élégante en développant une alternative au terme de contagion par rap- port à Rosch and Winterfeldt (2008). De manière simplifiée, la méthodologie com- porte deux étapes. Premièrement, une dynamique (avant contagion) des actifs est précisée avec une composante systématique et une composante individuelle. Deuxiè- mement, les auteurs modélisent la contagion par une matrice de transmission M . La matrice M est considérée comme connue. Le coefficient (i, j) de cette matrice représente l’impact d’une modification des actifs de l’institution i sur ceux de l’ins- titution j. Ces coefficients jouent en quelque sorte le rôle des pénalités du modèle de Rosch and Winterfeldt (2008). Si A(k) représente la valeur des actifs après k étapes

de contagion, le modèle s’écrit :

                 A(0) = βF + ε, A(1) = A(0)+ M × A(0), A(2) = A(0)+ M × A(0)+ M2A(0), .. . A(k) = A(0)+ M × A(0)+ ... + MkA(0), pour k ≥ 1 . (I.3)

Après une étape de contagion, A(1) est la somme entre l’impact initial brut A(0) et

l’impact indirect via M . La suite (Ak)

k∈Nreprésente donc la valeur des actifs après k étapes de contagion. Sous certaines conditions techniques16, la suite de la valeur des

actifs converge. Cette valeur limite, notée A(∞), est la limite d’une série géométrique

de raison M : A(∞)= ∞ X k=0 Mk ! A(0) = (Id − M )−1A(0)

A partir de cette valeur limite, les indicatrices de défaut se déduisent par comparai- son à la valeur nominale de la dette (voir figure I.8). Cette valeur limite peut être ré-écrite pour faire apparaître le terme de contagion :

A(∞) = Id + M ∞ X h=0 Mh ! A(0) =Id + M (Id − M )−1A(0)= A(0)+M (Id−M )−1A(0)

Puis en remplaçant A(0) par βF + ε, la décomposition en trois termes apparaît :

A(∞)= ε |{z} spécifique + βF |{z} systématique | {z } effet direct + M (Id − M )−1(ε + βF ) | {z } contagion .

15. Pour être juste, il est nécessaire de préciser que les modèles présentés dans cet article ont été développés pour analyser le risque de crédit. Pour les auteurs, les institutions sont donc des entreprises de service, des industries, des sociétés d’exploitation de ressources naturelles... Ces entreprises sont réputées moins interconnectées que des institutions financières.

16. La convergence est assurée lorsque les valeurs propres de M sont de modules plus petits que 1. Ceci se produit notamment lorsque les coefficients de M sont positifs et lorsque la somme des coefficients de toute ligne est plus petite que un.

I.5. FORMALISATION DE LA CONTAGION F A(0)1 A(0)2 ε1 ε2 A(1)1 A(1)2 A(1)1 A(1)2 ... ... A(∞)1 A(∞)2 D1 D2 L1 L2

Legende : Les variables aléatoires sont en police normale. Les grandeurs déterministes sont en gras. Les flèches

indiquent les liens de causalité.

Figure I.8 – Schéma causal du modèle de Egloff et al. (2007) (pour n = 2) Avec cette écriture, la nature endogène de la contagion est nette. Le terme de conta- gion est un terme additionnel qui propage les chocs exogènes au sein du système. Ainsi, dès que la matrice de transmission est nulle, le terme de contagion disparaît. Selon le signe des coefficients de M le terme de contagion peut être positif ou négatif. Dans le cas de deux institutions en supposant l’absence de contagion sur soi- même (m1,1 = m2,2 = 0), la valeur des actifs de l’institution i est :

Ai = εi+βiF + mi,j 1 − mi,jmj,i (εj + βjF )+ mi,jmj,i 1 − mi,jmj,i (εi+ βiF ) , i, j = 1, 2 i 6= j. Le terme de contagion se divise alors en deux parties. Le premier est la transmission du choc exogène subi par l’institution j. Le coefficient mi,j traduit l’exposition de l’institution i sur l’institution j. Le second terme de contagion est la rétroaction du choc initial sur l’institution i via l’institution j. Il s’agit bien d’un terme de contagion (et non pas du risque d’amplification) puisque ce terme dépend explicitement de l’exposition de l’institution j sur l’institution i (via mj,i).

Cette écriture est intellectuellement satisfaisante car les trois termes sont iden- tifiables et présentent une interprétation propre. De plus, cette formulation permet de quantifier l’amplitude de la contagion via le facteur M (Id − M )−1. Par exemple, la somme par ligne des coefficients est une mesure de l’exposition à la contagion de chaque institution. Si les coefficients de M (Id − M )−1 sont tous petits, alors l’am- plitude de la contagion est vraisemblablement négligeable.

Malgré ces qualités, le principal défaut de ce modèle est l’absence de fondements économiques de la matrice M . Il est impossible de l’observer. Son estimation est dé- licate car elle soulève des problèmes similaires à l’introduction de corrélation entre facteurs (voir la discussion du modèle canonique précédemment). Ce n’est qu’en modélisant structurellement la contagion qu’il sera possible de construire un modèle satisfaisant d’un point de vue opérationnel.

Dans le document Analyse et mesure du risque systémique (Page 45-47)